N°103 – Le tātau, une révolution en marche

Musée de Tahiti et des Iles – Te Fare ManahaIMG_1616

Centre des Métiers d’Art – Pu ha’api’ira’a toro’a rima’i

Texte : IB. Photos : Tahiti Tourisme

Rencontre avec Viri Taimana, directeur du Centre des Métiers d’Art, Aroma Salmon, tatoueur et membre de l’association Polynesia Tatāu, Hiriata Millaud, attaché culturel à Tahiti Tourisme.

 

Le festival Polynesia Tātau, organisé par l’association du même nom, se tient du 31 mars au 3 avril dans les jardins du Musée de Tahiti et des Îles. L’occasion de découvrir une cinquantaine d’artistes locaux et internationaux dans le partage de leur savoir et l’échange de leurs cultures. Mais la démarche de ce festival va au-delà en proposant notamment une réflexion sur la reconnaissance et l’avenir du métier de tatoueur en Polynésie.

45 tatoueurs sont invités à participer à la 5ème édition de Polynesia Tātau, dont 15 internationaux. Ils viennent du Chili, du Brésil, Japon, du Canada ou encore des Philippines et d’ailleurs. D’après les organisateurs, 5 000 visiteurs sont attendus à ce festival culturel unique en son genre qui met sur le devant de la scène le tatouage sous toutes ses formes et dans toutes ses représentations, mais avec, cela va de soi, un accent particulier sur le tatouage polynésien. Et pas que dans sa pratique actuelle : des conférences sur son histoire, sa symbolique, ses graphismes et son évolution sont au programme. La volonté ? Inscrire le tatouage polynésien au cœur du développement culturel de la Polynésie. Un vaste chantier sur lequel le secteur professionnel des tatoueurs et le secteur culturel vont se pencher.

 

Interview croisée : Viri Taimana, directeur du Centre des Métiers d’Art et Aroma Salmon, tatoueur et membre de l’association Polynesia Tātau.

« Protéger et valoriser la forme et le fond du tatouage »

De quelle manière le Centre des Métiers d’Art contribue à ce festival Tātau Polynesia ?

Viri : L’une de nos missions est de soutenir les actions culturelles du Pays. En tant que service public, nous devons être présents là où la culture est vivante. Cette année, nous allons mener une réflexion autour de la reconnaissance du métier de tatoueur dans le statut de l’artiste. Beaucoup de nos anciens élèves travaillent dans ce milieu et nous nous devons de les soutenir. Nous organisons une table ronde le 31 mars, à laquelle tout le monde est bienvenu, pour parler, avec les tatoueurs et les acteurs du secteur culturel, de la place et de l’imprégnation du tatouage dans la société actuelle, de ses influences extérieures et de ses perspectives. Et notamment : faut-il avoir un diplôme de tatoueur reconnu ? Aucun jugement sur la pratique ne sera opéré, il s’agit de faire état de la situation. Les échanges que nous aurons seront ensuite publiés a n de conserver ce qui aura été dit. Il y aura des avis différents, contradictoires mêmes, mais il faut poser toutes les idées pour pouvoir répertorier et construire. Tokai Devatine, ethnologue et enseignant en histoire et civilisation polynésiennes, sera le modérateur durant cette table ronde.

 

Aroma, que penses-tu de cette initiative ?

Je suis de la vielle école, cela fait 25 ans que je tatoue. Même si je ne me sens pas particulièrement concerné par l’obtention d’un diplôme, je pense qu’en effet et il faut structurer la filière, avoir un point de départ et un point d’arrivée qui nous permettent de garder nos spécificités. Le tatouage en Polynésie a une place à part, nous sommes le berceau de cette pratique et avons développé une iconographie unique, chargée de sens. Il faut s’affirmer localement et internationalement dans ce sens. L’apprentissage nous permettrait d’aboutir à cette notion d’institutionnalisation du tatouage, de protéger et de valoriser la forme et le fond.

Comment « enseigner » le tatouage et à partir de quelle base ?

Viri : La question sera posée lors de la table ronde. Tatouer doit être un acte conscient et pour cela, il faut apprendre les bases. C’est-à-dire comprendre les motifs et leurs sens pour mieux les réinterpréter. Savoir différencier les motifs de sculpture ou de gravure des motifs de tatouage. Découvrir l’histoire, son évolution d’hier à aujourd’hui. Que l’on parle tous le même langage ! La partie théorique pourrait être du ressort du Centre des Métiers d’Art, tandis que la pratique et la technique seraient effectuées en collaboration avec les tatoo shops.

Aroma : Nous avons à faire à une clientèle de plus en plus exigeante qui est à la recherche d’esthétisme et de sens. Les gens, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs, viennent se faire tatouer avec cet état d’esprit. Les tatoueurs polynésiens ont une excellente réputation à l’international parce que le tatouage a une place particulière en Polynésie, c’est une pratique qui va bien au-delà du phénomène de mode. Le tatouage polynésien véhicule des valeurs, une identité et une culture qui a su évoluer et s’adapter. D’où l’intérêt de se structurer pour garder et renforcer durablement cet atout unique. Les spécificités de notre tatouage ne doivent pas nous échapper, autrement il perdra de son sens et donc de sa valeur.

 

Sur la peau et ailleurs

Le sens et l’esthétique du tatouage polynésien lui confèrent une
force et une singularité qui font la fierté de ceux qui le portent.
Qu’il soit discret ou imposant, il est un mode d’expression
contemporain autant qu’un art à part entière. Aujourd’hui,
tout l’univers du tatouage polynésien s’expose ailleurs que sur
la peau : les motifs ornent vêtements ou vaisselle ; ils trouvent
également leur place dans le graffiti ou la peinture. « L’utilisation
de l’iconographie du tatouage polynésien sur d’autres supports
que la peau prouve qu’elle est vivante et qu’elle va durer dans
le temps », admet Viri Taimana. « Le renouveau culturel mā’ohi
des années 1980 aura permis au Polynésien de renouer des liens
identitaires avec cet art mythique et au-delà, de le promouvoir à
l’international telle une composante essentielle et originale de sa
culture, voire l’estampille d’une destination touristique authentiquement inédite, indique Hiriata Millaud, attaché culturel auprès de Tahiti Tourisme. En témoigne la stratégie de développement touristique menée par les instances locales et portée par la nouvelle marque de Tahiti Tourisme, très fortement empreinte de l’esthétisme métaphorique et mystique du tātau, où la simplicité élégante de sa calligraphie se lie à la pureté authentique des valeurs culturelles premières polynésiennes ».

 

 

Festival Polynesia Tātau: Pratique

  • Du 31 mars au 3 avril
  • Dans les jardins du Musée de Tahiti et des Îles
  • Tarif : 500 Fcfp l’entrée journalière
  • Tout le programme (concours, concerts, conférences, etc.) est sur Facebook « POLYNESIA TATAU Tatoo convention – Tahiti »

 

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