Le numérique au service de l’art polynésien

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Depuis la rentrée, les élèves du Centre des Métiers d’Art bénéficient d’un nouvel enseignement : les arts numériques. Une discipline moderne et variée, entre technique et créativité, qui ouvre aux artistes du Centre de nouveaux horizons prometteurs.

Peux-tu nous présenter la discipline que tu vas enseigner au Centre des Métiers d’Arts ?
Je vais enseigner les arts numériques. Il s’agit de faire découvrir et d’apprendre aux élèves du Centre à utiliser des outils numériques, pour leur apporter un nouveau moyen d’expression et de création. Durant leurs trois années au CMA, les élèves pourront désormais apprendre à utiliser un panel d’outils multimédia, dans les domaines du son, de la vidéo, de l’image et de l’interactivité. En plus de cette partie technique, je souhaite développer avec eux une réflexion sur l’utilisation du numérique, en nous appuyant sur des travaux d’artistes œuvrant dans ce domaine.

L’objectif est de leur ouvrir des portes vers des formations plus spécialisées, en leur montrant toutes les possibilités qu’offre le monde de la création numérique, et de leur apporter des bases ces différents domaines. Je souhaite également qu’ils puissent être à même d’utiliser les outils numériques de façon créative, et non consumériste comme c’est souvent le cas chez les jeunes.

Comment as-tu découvert l’univers des arts numériques ?

J’ai étudié l’informatique en école d’ingénieur (UTBM) à Belfort en France, en me spécialisant en Interactivité et Réalité Virtuelle. J’ai réalisé un premier stage technique au Centre International de Création Vidéo – maintenant « Ars Numerica » –  d’Hérimoncourt (France). Il s’agit d’un lieu de création, qui accueille beaucoup d’artistes en  résidence. Cette expérience m’a plongée durant 6 mois dans le domaine des arts numériques, et je m’y suis passionnée. J’ai ensuite réalisé mon projet de fin d’études à l’Institut de Recherche en Informatique de Toulouse. Pour me perfectionner dans le domaine artistique, j’ai ensuite suivi un Master Professionnel « Création Multimédia » à Toulouse, en arts plastiques et arts appliqués. J’ai ensuite rejoint l’association « Kawenga – Territoires Numériques » de Montpellier,

centre de ressources régional pour les arts numériques proposant des formations, ateliers et résidences autour de ces pratiques artistiques. Durant 4 ans, j’ai mis en place des ateliers à destination du jeune public et des adultes, ainsi que des formations.

Ce qui t’a séduit dans ce domaine ?

La créativité des artistes, leur capacité à détourner des outils et techniques à but souvent industriel pour en faire des œuvres sensibles. Les technologies de l’Information et de la Communication évoluent extrêmement vite, laissant peu de temps pour l’élaboration d’un regard critique sur elles et leur impact sur la société. Les artistes nous permettent de nous questionner, de prendre du recul, de repenser notre rapport à ces technologies. Cette remise en question est selon moi nécessaire et incontournable.
Une telle pratique pourrait surprendre dans une école « d’art traditionnel » : qu’ont-elles en commun, que peuvent-elles s’apporter ?
Il ne s’agit pas au CMA de plonger les élèves dans une culture différente, bien au contraire. L’idée est de leur apporter un nouveau moyen pour s’exprimer sur leur propre culture, pour la mettre en valeur, la faire perdurer. Le numérique n’est qu’un outil, mais le contenu reste le même : le travail autour de la forme, de la symbolique des tracés et des objets de la culture Polynésienne est identique à celui réalisé en sculpture ou en gravure. Seul l’outil change. Toutes les disciplines étudiées au CMA sont complémentaires : il sera difficile de créer un motif polynésien numérique sans avoir des bases de dessin. Le numérique peut également servir de moyen de présentation et de diffusion de création polynésienne, via la numérisation (photo numérique, scan…) et la mise en ligne de ces supports sur Internet. Il est important que cette culture puisse rayonner au-delà de ses frontières, au regard de sa position géographique isolée.

A ceux qui penseraient que les arts numériques ne sont pas vraiment de l’art, qu’aurais-tu envie de leur dire ?

Je leur dirais que le numérique est un domaine si vaste qu’ils n’en ont certainement pas encore découvert tous les aspects. Il existe, au même titre que la peinture, la photographie, le théâtre, etc. des artistes numériques suivant une démarche de réflexion, de recherche et d’expression. Pour ma part, je différencie vraiment les domaines de l’infographie, du webdesign, du cinéma d’animation à caractère industriel (mais très créatif !) d’avec la création artistique numérique – souvent à but non lucratif – qui regroupe les domaines du « net art », des installations interactives, du spectacle vivant multimédia, etc. Mais cet art est encore en effet assez peu connu du grand public, car il n’existe aucun lieu d’exposition permanent. Il faut surveiller la programmation des lieux de diffusion – souvent des galeries d’art contemporain – proposant des expositions ponctuelles, ou les festivals d’arts numériques.

Faut-il être bon en informatique pour réaliser des créations numériques ?
Oui et non. La réalisation d’une œuvre interactive demande en effet souvent de bonnes connaissances en logiciels multimédia, voire en programmation informatique. Mais la plupart des artistes ne réalisent pas eux-mêmes le code informatique. Ils travaillent avec des ingénieurs ou techniciens informaticiens, soit sous forme d’intervention ponctuelle, soit s’associant sous forme de collectif. L’objectif étant que chaque personne reste dans le domaine pour lequel elle est spécialisée, tout en travaillant en étroite collaboration avec l’autre.

Sur quoi allez-vous travailler cette année au CMA ?

Pour le prochain trimestre, je vais aborder avec les élèves la création 2D, le court métrage vidéo (avec la réalisation d’un court d’animation utilisant la technique du stop motion*), l’infographie – création d’images en 2D, la programmation web, et la création de POM (Petits Objets Multimédia) en ligne. Le trimestre suivant dépendra de leur vitesse d’apprentissage et de prise en main des outils. J’adapterai ainsi mon programme en fonction d’eux.

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