La pirogue à voile… rame !

La pirogue à rame représente certainement le sport le plus populaire en Polynésie française. Mais qu’en est-il de la pirogue à voile et pourquoi se fait-elle si rare ? Autrefois, elle était l’unique moyen de transport des Polynésiens : à l’intérieur du lagon mais également en haute mer, entre les îles. Avec l’implantation des Européens et de leurs outils de transports plus modernes, ces embarcations traditionnelles entamèrent leur lente disparition. Analyse…

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« Les pirogues à voile de haute mer – pour les longs voyages – ont disparu en Polynésie très peu de temps après la colonisation », explique Tara Hiquily, co-auteur du livre Va’a, la pirogue polynésienne*. « Quelques peuples des enclaves polynésiennes n’ont jamais cessé de les utiliser telles que Tikopia ou Taumako, en Mélanésie ou les archipels des Carolines et des Marshall en Micronésie, car ce type d’embarcation demeurait et demeure toujours pour eux une nécessité. Hormis ces exceptions, à mon sens, les raisons de l’abandon de la pirogue à voile sont double. D’une part, les missionnaires puis les gouvernements coloniaux avaient décrété leur interdiction afin de pouvoir contrôler la circulation des personnes et des biens. D’autre part, du fait de la modernisation, les Polynésiens se sont tournés vers les moyens de transport plus modernes dès qu’ils ont pu. Aux Australes et aux Îles sous-le-Vent, quelques pirogues à voile de lagon ont survécu, en raison de la taille importante de leurs lagons et de leur éloignement de Tahiti, cœur principal de l’évangélisation et de la colonisation. À Tahiti, les grandes pirogues doubles à voiles, pahi, tipaerua, ont toutes disparues  au tout début du 19ème siècle. Seules les pirogues à balancier à voiles, va’a motu, ont continué à être utilisées, car elles servaient principalement dans les lagons. Lors des premières festivités organisées par le gouvernement colonial à partir de 1850, il avait été décidé de remettre au goût du jour les pratiques ancestrales des défis entre guerriers, mais remaniées à la manière des fêtes occidentales. C’est alors que l’on a vu apparaître les courses de pirogues à rame et à voile, très réglementées ».

Le plaisir du sport avant tout

Ces courses de va’a organisées pour les festivités du 14 juillet, le Tiurai, prennent de plus en plus d’ampleur. Enoch Laughlin, président de la fédération des sports traditionnels, précise : « les régates de pirogues à voile se sont maintenues jusque dans les années 1970, après elles ont commencé à perdre en concurrents jusqu’à totalement disparaître dans les années 1990 ». A partir de l’an 2000, à l’occasion du festival des archipels organisé à Tahiti, elles reviennent timidement. La fédération des sports traditionnels, créée en 2003, tente depuis de valoriser et dynamiser cette pratique. « Pour l’édition de 2010, 6 pirogues à voile participeront à la régate organisée le 3 juillet, dans le lagon de Faa’a, contre 3 en 2003 », poursuit Enoch Laughlin. « Si il y a un réel engouement pour la pirogue à rame au détriment de la voile, indique Tara Huiquily, c’est parce que la première embarcation est plus simple, plus facile à manier, moins coûteuse et demande moins d’entretien. » Les aito du va’a en effet n’économisent pas leurs coups de rame ! « C’est plus dans la culture polynésienne de se mesurer physiquement, par la force ; alors que la voile est davantage axée sur la dextérité », examine-t-il. Enoch Laughlin d’ajouter : « le fait qu’il n’y ait jamais eu d’encadrement de cette pratique est aussi responsable son déclin. »

Les va’a ‘ie* vont-elles retrouver leur place ?

Personne ne peut le prédire, mais la fédération des sports traditionnels y travaille ! Pour 2011 et avec l’aide du Gouvernement, elle prévoit de financer la construction de 10 pirogues à voile. La coque sera en plastique, mais l’architecture typiquement polynésienne ; une coque principale, un balancier et un mat. Les prototypes sont prêts. « Nous pourrons ainsi davantage faire découvrir la pirogue à voile au public. Il est également prévu de remettre deux pirogues à 5 communes de Tahiti afin qu’elles puissent en faire profiter les scolaires. Nous avons vraiment la volonté de redonner une place à cette pratique traditionnelle. »

Régate de va’a ‘ie 2010, où et quand ?

–       Lagon de Faa’a

–       Samedi 3 juillet, de 10h à 16h

+ d’infos : www.heivanui.com

* Va’a, la pirogue polynésienne. Ouvrage collectif. Sous la direction de Tara Hiquily Editions Au Vent des Îles et Musée de Tahiti et des Îles. 2008.

* Va’a : pirogue / ‘ie : voile

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