L’archéologie dans la vallée de Papeno’o : état des lieux d’un trésor culturel

[singlepic id=216 w=320 h=240 float=left]
La vallée de la Papeno’o est la région qui a concentré le plus de fouilles de sauvetage en Polynésie française, avec 16 ans de travaux archéologiques ininterrompus (de 1975 à 1991). Que de fouilles, d’inventaires et de restaurations ! Retour sur ce vaste chantier, permettant de prendre la mesure de la richesse de la vallée de Papeno’o, mais aussi et surtout de la masse de travail accomplie. Autant d’aspects importants à valoriser.

Le volcan de Tahiti Nui a surgi de l’océan il y a 1,6 millions d’années. Suite à l’effondrement du cratère de ce gigantesque volcan, la caldeira* qui s’est ainsi formée a créé la partie centrale de la vallée, où se rejoignent aujourd’hui des milliers de cours d’eau, formant la rivière Vaitu’oru. Avec ses 91 km2 de surface, le bassin versant de Papeno’o représente 10% de la superficie totale de l’île de Tahiti. C’est aussi la plus grande vallée de Tahiti, mais aussi, par extension, de toute la Polynésie française. Un site unique, qui présente des paysages exceptionnels avec les vallées profondes des affluents de la rivière Vaitu’oru, dont les cours d’eau sont ponctués d’impressionnantes cascades. Au regard de l’étendue du bassin, de son aspect reculé au centre de l’île, la vallée a pu conserver de nombreux espaces naturels et culturels. Près d’un millier de structures archéologiques y ont été recensés, des vestiges d’occupation pouvant regrouper des dizaines de marae*, de sites d’habitation et agricoles. Avant l’arrivée des Européens, la vallée de Papeno’o était en effet une des plus peuplées de l’île, malgré la pluviométrie et l’humidité très importantes. Climat frais, nature abondante, tout était cependant réuni pour y vivre. Elle recelait également les meilleurs gisements de basalte de l’île, le seul matériau qui servait à faire les outils. Une partie des anciens habitants vivait d’ailleurs autour de l’exploitation de ces carrières. Difficilement pénétrable, Papeno’o servit également souvent de bastion aux hommes : d’après les traditions, l’intérieur de la vallée était autrefois un district indépendant, Te Piha ia Teta, qui pouvait servir de refuge pour tous les habitants de l’île. Une fonction qu’elle honora notamment pendant la guerre franco-tahitienne, entre 1844 et 1847. Une vallée chargée d’histoire donc, à la nature généreuse et protectrice.

A pas de fourmis, les archéologues ont fouillé le sol de la vallée…

Chronologie de leurs avancées

1975 : les prémisses de l’aventure

En 1925, Kenneth Pike Emory du Bishop Museum de Hawaii, recense 20 sites depuis la côte jusqu’à Tahinu. A partir de 1975, le projet de barrage hydroélectrique alerte les archéologues et la population. A la suite des découvertes des anciens peuplements importants, on s’inquiète à juste titre de la destruction des vestiges archéologiques par les travaux. Ainsi, une première prospection archéologique est organisée dans la zone de l’ancien projet de barrage par les chercheurs du C.N.R.S., qui démarrent des travaux de sauvetage archéologique dans la moyenne vallée. Dès 1983, les travaux archéologiques sont repris dans la haute vallée par la nouvelle institution territoriale du Département Archéologie du C.P.S.H, dirigée par Maeva Navarro.

1987 : Démarrage du grand chantier

[singlepic id=217 w=320 h=240 float=left]
Le Département Archéologie, grâce aux financements apportés par les sociétés de transport et de production d’énergie hydroélectrique, TEP et Marama Nui, de l’Etat français et du FED*, met en place l’opération d’archéologie préventive la plus importante dans l’histoire de la recherche archéologique de Polynésie française, en termes d’espace étudié, de financement et de collaboration scientifique avec plusieurs institutions internationales, des archéologues locaux et étrangers : le CNRS et les Universités de Paris 1 et Paris X, du Chili d’Auckland et d’Hawaii. La fin des années 1980 est donc consacrée aux prospections dans la haute vallée, de la zone de Tahinu jusqu’à l’amont de ses affluents (les sites de Fare Hape et Putoura, les vallées de Vainavenave, Ieiefa’atautau et Muritahavai), et à la mise en place des fouilles de sauvetage sur la future zone du lac de retenue. Dans le même temps, le Département Archéologie réalise l’inventaire de la zone côtière, et organise la restauration du site de Fare Hape, qui deviendra par la suite un lieu culturel important de l’île dans le monde associatif. Au début des années 1990, d’autres prospections inventaires sont réalisées dans la vallée de Te Faaiti suite à son classement, et de Vainavenave, où le projet de piste traversière de l’île menaçait des sites archéologiques. Grâce au financement du FED*, les sites de Vaiotea et de Anapua sont restaurés. En 1997, l’archéologue Eddowes entreprend la fouille des structures d’habitat du site de Fare Hape et met en évidence l’occupation tardive de ce site par les Mamaia* au 19e siècle.

Aujourd’hui : recueil en cours et espoir d’une publication

En 2003, le tri des archives et la réalisation de la carte archéologique ont été entrepris au Service de la Culture, mais sans pouvoir encore aboutir ni sur une publication, ni sur la reprise de recherches de terrain. La raison principale réside dans la réduction drastique des moyens logistiques et financiers de l’archéologie polynésienne des années 2000. Il est donc difficile de faire le bilan de ces seize années de recherches. Les fouilles archéologiques doivent reprendre en 2010, pour conduire à une publication complète, réunissant tous les résultats archéologiques à ce sujet. Un dossier très attendu par les scientifiques et amateurs !

ENCADRES
La vallée de Papeno’o, c’est :

21 sites fouillés
5 sites restaurés
964 structures archéologiques
193 marae
265 structures d’habitats

Le saviez-vous ?

Appelé désormais Papeno’o, le district portait auparavant les noms de Ha’apaiano’o et Vavau. A la fin du XVIIIe siècle, le district de Papeno’o était inclus au sein de la chefferie de Te Aharoa, qui comprenait : Hitiaa, Mahaena, Tiarei  et Ha’apaiano’o, Ha’apape (Matavai, actuel Mahina), et Porionu’u (Pare – Arue).

Les sites à visiter dans la vallée de Papeno’o

La vallée Tefaaiti

Cette belle vallée, gérée par la Direction de l’Environnement, se visite jusqu’au deuxième refuge. L’inventaire archéologique d’Eddowes a mis au jour de nombreux sites d’habitat, et des terrasses agricoles, côtoyant des marae à l’architecture plutôt simple. Les anciens habitants avaient construit leurs maisonnées jusqu’au sommet du plateau.

La grotte Püfau

Elle se situe à la confluence des rivières Vaitamanu et Vaituoru, à la sortie du pont de la Vaitamanu. Il s’agit d’une cavité large de 8 m, et haute de 4 m à l’entrée. L’abri était utilisé comme halte lors des passages vers Papara.

Fare Hape

Fare Hape est un site archéologique qui se situe à 18 km à l’intérieur de la haute vallée de Papeno’o, il est bordé au nord par la rivière Vaituoru et au sud par une colline. Depuis 1999, ce site est géré par l’association Haururu. Fare Hape est une zone dense et riche en structures cérémonielles, comprenant des grands marae, des sites d’habitat, des paepae, des terrasses, des rochers avec pétroglyphes et une plate-forme d’archer. Son occupation n’a pas été précisément datée, mais il aurait été abandonné par les populations au début du XIXème. On sait d’autre part que les mamaia* réoccupèrent Fare Hape entre 1825 et 1840.

Anapua

Anapua est le nom d’une grotte, dans la vallée Vainavenave, elle était utilisée comme abri. Cet espace est en effet situé sous de gros rochers, lesquels supportent une terrasse alluviale, sur laquelle se trouve un site religieux. Ce marae de 22 m de long est associé à des habitations et des terrasses agricoles irriguées. Il a été restauré par le Département Archéologie en 1993.

Lumière sur… « Vaiotea »

On en a beaucoup entendu parler ces derniers mois… L’occasion de vous en dire un peu plus sur les caractéristiques de ce site incontournable et pourtant peu connu du public ! Il est situé sur la terre Tefaahuhu, au PK 9 de la vallée de Papeno’o, sur la rive droite de la Vaituoru. « Vaiotea » correspond à la cascade, en amont. Les marae font face au piton rocheux Te Ivi Marama (également nommé Te Ure o Hiro). Le site a été inventorié et relevé en 1976 puis restauré en 1992 par le Département Archéologie. Depuis plusieurs années, c’est l’association culturelle Haururu qui le garde en l’état. Ce complexe cérémoniel comprend une quinzaine de structures. En contrebas du site, au bord de la rivière Vaituoru, se trouvaient des pavages d’habitation qui ont été détruits lors de l’aménagement de la piste. Le marae principal est soigneusement construit, son architecture témoigne du haut statut social de son propriétaire : murs en parement à bossage*, façade de l’ahu* formée de dalles dressées. Ce style d’architecture est très rare à Tahiti, plutôt typique des Îles-Sous-le-Vent. Il est entouré de nombreux autres marae, de type tahitien.

* Caldeira : cratère volcanique.
*
Marae : temple cérémoniel et religieux des anciens Polynésiens.
* FED : Fonds Européen de Développement.
*
Mamaia est le nom d’un groupe syncrétique religieux, crée au début des années 1820, se rebellant et fuyant l’emprise rigide des missionnaires.* Parement à bossage : construit avec des pierres rondes, taillées ou non.
*
Ahu : plateforme de pierres dressées autour d’un marae.

Vous aimerez aussi...