La tablette Rongo Rongo exilée

Exposée au Musée de Tahiti depuis 1977, puis convoyée à Paris le temps d’une exposition sur l’île de Pâques, la tablette Rongo Rongo, dite aussi « l’échancrée », retourne directement à Rome à la demande de la Congrégation des Pères de Picpus. Une demande difficilement opposable, mais aussi peu orthodoxe, dans mesure où le Musée de Tahiti et des Îles qui a assuré sa conservation pendant plus de 30 ans, n’a été prévenu qu’à la dernière minute de ce « rapatriement ».

[singlepic id=149 w=320 h=240 float=left]Vous vous souvenez sans doute qu’en décembre dernier, Hiro’a avait consacré un article dans son numéro 16 à la mystérieuse tablette Rongo Rongo conservée par le Musée de Tahiti et des Îles, à l’occasion de son prêt pour une exposition organisée du 20 novembre 2008 au 1er mars 2009 sur les objets de l’île de Pâques, à l’Espace Fondation EDF Diversiterre à Paris. Et bien cette tablette ne reviendra pas. À la demande expresse de son propriétaire, la Congrégation des Pères de Picpus, cette oeuvre sacrée et prestigieuse pour les Pascuans sera renvoyée pour un temps indéfini à Rome, à des fins d’examens scientifiques.

Bref historique d’un dépôt

Au début des années 70, le Père Patrick O’Reilly a été chargé de la conception et l’organisation de la salle 4 du Musée de Tahiti et des Îles, qui présente les débuts de l’histoire de l’actuelle Polynésie française. Il fait alors appel à la Congrégation des Pères de Picpus pour obtenir des collections. Parmi ces objets figurait une tablette de bois Rongo Rongo, gravée de motifs de l’île de Pâques, appelée « l’échancrée », avec une chaîne de cheveux enroulée autour d’elle.

En septembre 1975, Monseigneur Michel Coppenrath ramena ces objets de Rome et les mit en dépôt auprès de l’association Tenete en 1976, pour le compte de la Congrégation. Ensuite, la tablette de l’île de Pâques et la tresse de cheveux associée ont été inscrites sur le livre d’enregistrement de l’association Tenete en février 77. Quand l’aménagement du  Musée de Tahiti et des Îles fut terminé, ce cahier a été transmis à l’Etablissement, en juin 1978. Depuis 1977, la tablette est donc exposée au Musée qui en a assuré la gestion, l’entretien et la conservation pendant plus de 30 ans.

Une demande de « rapatriement » peu orthodoxe…

Si la demande de « rapatriement » de cette tablette formulée par les Pères de Picpus est légale eut égard aux règles d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité auxquelles sont soumises les collections muséographiques, elle étonne le Directeur du Musée, Jean-Marc Pambrun : « C’est le service des douanes qui nous a alertés, ne voyant pas revenir ces pièces qui faisaient l’objet d’une exportation temporaire. Je pensais sincèrement qu’elles reviendraient à Tahiti. Quelle ne fut pas ma surprise quand la Congrégation m’envoya au début du mois d’août 2009 une copie de l’autorisation de prêt qu’elle avait consenti aux organisateurs de l’exposition sur l’île de Pâques à Paris : elle avait été établie en mai 2008 et précisait que les oeuvres devaient être expédiées au Rome. Personne ne m’en avait jamais informé jusqu’ici. Aussi j’estime avoir été dupé, à tout le moins mis devant le fait accompli. »

…Et peu reconnaissante

Même si les protagonistes ont changé depuis 30 ans et ne sont pas forcément animés des mêmes motivations, d’aucuns regretteront en effet que le Pays n’ait pas mérité plus de considération pour avoir su préserver ce patrimoine durant toutes ces décennies.

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