L’archéologie préventive au service du Pays… et des Hommes

[singlepic id=74 w=320 h=240 mode=web20 float=left]Paul Moohono Niva, archéologue reconnu, collabore régulièrement avec le Service de la Culture et du Patrimoine pour des travaux de fouilles et d’inventaires. Il est aujourd’hui en formation à Paris afin de se spécialiser en archéologie préventive, une discipline nécessaire pour protéger le patrimoine polynésien de l’inévitable urbanisation.

1. Que fais-tu dans la vie actuellement ?
Je suis à Paris 1 Panthéon Sorbonne où je prépare un Master en Archéologie afin de me spécialiser en archéologie préventive. Cette branche a pour objectif de rassembler des traces matérielles du passé avant qu’elles ne disparaissent avec les nouveaux aménagements*. Aussi, celle-ci répond au besoin du Pays en matière de protection du patrimoine.

2. Peux-tu nous raconter ton actu, ce qui t’as occupé ces dernières semaines ?
Actuellement, je suis sur un chantier de fouilles relatives à une nécropole du Haut moyen-âge à Noisy le Grand, dans la région parisienne. Ce chantier est sous le contrôle de l’INRAP (Institut National de la Recherche Archéologique Préventive) et le Conseil Général du 93. Le diagnostic avait confirmé la présence importante d’une nécropole. Jusqu’à aujourd’hui, la fouille a mise au jour environ 243 individus qui appartiennent à deux nécropoles : mérovingienne (486-751) et carolingienne (741).

3. Peux-tu nous faire un bref rappel de tes travaux d’inventaire des sites archéologiques à Opoa – Raiatea ?
Les travaux concernant la vallée d’Opoa avaient été entamés en 1933 par l’archéologue Emory, qui avait inventorié une dizaine de structures. Puis en 1995 par Edwards, qui recense 112 ouvrages. Avec les nouvelles technologies -le SIG (système d’information géographique) et la nouvelle base de données mise en place conjointement par le Service de la Culture et du Patrimoine et le Service Informatique- le travail a largement été facilité s’agissant du positionnement cartographique et de la mise en place d’une méthodologie. Dans ma prospection, j’ai recensé plus de 350 structures. Celles-ci sont principalement des marae (35), des habitats (32), des terrasses horticoles (160), une plate forme d’archer (1) ainsi que et enfin des paepae (40).

4. Quelle a été ta plus grande satisfaction au cours de ta carrière ?
En collaboration avec une association de Raiatea, Tuihana, présidée par Romy Tavaearii, nous avons pu resituer le marae de Vaerai, qui, dans les traditions orales, symbolise un des plus importants sites puisqu’il s’agit d’un marae tumu, autrement dit : fondamental. Ce travail de recoupement ethnoarchéologique est intéressant car il prend en compte les traditions orales (légendes, mythes). A mon avis, il était important de retracer ce site pour comprendre le fonctionnement du territoire d’Opoa.

5. Quel est ton souhait le plus cher ?
Que la population, surtout la jeunesse, soit sensibilisée à son patrimoine culturel et naturel de proximité.

6. Si demain, on te donnait des crédits pour développer des actions, quel serait le projet qui te tiendrait le plus à cœur ?
La restauration du marae de Mahaiatea dans la commune de Papara, avec les habitants de la commune. Ce projet me tient énormément à cœur, surtout qu’il pourrait être réalisé avec des jeunes en CIJ (contrat insertion jeunesse). A mon sens, c’est un travail qui doit se faire avec la population de Papara car ce sont les premiers concernés.

7. Une phrase que tu aimes particulièrement ?
« A here i to ‘oe fenua, chéris ta terre ». J’aime cette phrase car elle exprime la relation de l’homme avec la terre… Lien que j’estime essentiel.

8. Quelle est ta définition de la culture ?
Les femmes, les hommes, le groupe.

9. Qui sont les personnes qui t’inspirent le plus de respect ?
L’ethnologue Claude Levis Strauss et le sociologue Pierre Bourdieu, qui ont proposé des méthodes de travail et de réflexion révolutionnaires !

10. As-tu un message à faire passer ?
Notre patrimoine matériel et immatériel mérite une attention particulière. Bien qu’il a longtemps représenté un modèle d’existence diabolisé, il n’empêche que des hommes ont cru en ces monuments et représentations (marae, ti’i, etc.). Les renier aujourd’hui serait comme refuser une part de nous-même. Cela me rappelle une phrase d’un prêtre, qui, s’adressant à un archéologue, lui demanda pourquoi il venait étudier les pierres de marae. Et il finit par lui dire « cela ne sert à rien car c’est moi la pierre ». J’aime cette idée selon laquelle « je suis la pierre » -sous entendu l’homme- l’homme et la pierre ayant une existence consubstantielle. Les archéologues, finalement, étudient la pierre pour mieux comprendre les hommes.
* Définition de l’archéologie préventive par l’INRAP : « autrefois dite « de sauvetage », l’archéologie « préventive » prévoit l’intervention des archéologues en préalable au chantier d’aménagement, pour effectuer un « diagnostic » et, si nécessaire, une fouille. L’aménagement du territoire ne se fait donc plus au détriment des vestiges du passé, mais permet, au contraire, leur étude approfondie ». Encore peu d’aménageurs en Polynésie française prévoient un programme et un budget pour une étude archéologique préventive avant leurs travaux. Beaucoup d’aménagements sur nos îles ont été réalisés au détriment du patrimoine culturel. Ainsi, de nombreuses traces du passé ont été rasées sans étude p

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