N° 76 – Beautés fatales

Rencontre avec Tara Huiquily, chargé des collections au Musée de Tahiti et des Îles.

 Instruments de guerre et objets de prestige, les armes traditionnelles polynésiennes mettent en valeur la virtuosité du travail des sculpteurs autant que l’habileté des guerriers à les manier. Le Musée de Tahiti et des Îles possède une superbe collection océanienne de ces trésors combinant symbolique et fonction.

 

Les armes traditionnelles occupent une place prépondérante dans la société polynésienne pré-européenne, où les guerres claniques sont nombreuses. Massues, lances, casse-tête ou frondes, il n’existe pas une grande variété d’armes mais chacune d’entre elles est impressionnante et fabriquée avec beaucoup de raffinement, notamment à travers la richesse des sculptures qui en disent long sur le soin apporté à ces objets de combat autant que d’apparat. En Polynésie, on constate que les armes sont essentiellement individuelles et destinées au corps à corps – seules les frondes permettent un combat à distance. Ce n’est donc pas la défense qui prime mais le combat, dont il importe de maîtriser les techniques. Les récits rapportent que les affrontements avaient d’ailleurs une grande part de parade – de violence aussi -, effet renforcé par les tatouages que les chefs et les guerriers arborent. « Certains motifs de tatouage ne pouvaient être faits qu’à condition d’avoir réalisé des exploits guerriers, et donnaient ainsi accès à des privilèges », raconte Tara Huiquily.

Sacrées et tapu, les armes sont dotées d’un grand mana et personne d’autre que leur propriétaire ne peut les toucher, ni même les voir.

 

Le Musée de Tahiti conserve une riche et précieuse collection d’armes traditionnelles, avec des objets en provenance de toute l’Océanie, dont certains sont très anciens. Les formes autant que les sculptures sont représentatives des archipels : aux Marquises, le u’u, massue très lourde finement sculptée, domine, tandis qu’aux Iles de la Société, aux Australes et aux Tuamotu, la lance très élancée et pointue semble être l’arme de prédilection. En Nouvelle-Zélande, on retrouve un grand nombre de patu, des bâtons de pouvoir en os ou en jadéite.

 

 

Lances-massues

Omore / komore

Utilisées aux îles de la Société, aux Tuamotu et aux Australes

Pointues et lourdes, les lances servaient à transpercer autant qu’à frapper.

Différents types de pointes et de bases

Bois de fer (aito)

 

Massues

U’u

Iles Marquises

Protubérances latérales servant à frapper l’ennemi

La partie arrondie au sommet servait de béquille d’appui, chaque massue est donc adaptée à la taille de son propriétaire !

Bois de fer

 

En 1963, monsieur Uira a Tapotofarerani, descendant d’un guerrier de Temae, à Moorea, vient faire au Musée le don exceptionnel d’une lance massue ayant  appartenu à un de ses ancêtres guerrier. Ce don particulièrement généreux est accompagné d’un récit légendaire : on raconte que Harotea sauva son fils Tanetui avec sa lance en tuant le guerrier Tepapariirii i te nuu maariri, du district voisin de Teavaro. Il semblerait que le nom donné à cette lance à l’issue du combat – Havivo i te rai – trouve son origine dans le fait que Harotea frappa son ennemi en bas, à gauche puis à droite sans succès, avant de le toucher mortellement en direction du ciel.

 

 

 

 

 

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