Hiro’a n°190 – Un visage, des savoirs

Un visage, des savoirs – Direction de la culture et du patrimoine (DCP) – Te Papa hiro΄a ΄e Faufa΄a tumu

Un artisan accompli de l’ancien Musée de Tahiti et des îles

Rencontre avec Hiro Ouwen, artisan joallier. Texte : Natea Montillier Tetuanui – Photo : DR

Ses parures de cou ou colliers en nacre sont reconnaissables entre tous et nul n’est besoin de présenter celui qui a élevé. son artisanat au rang d’art. Pourtant, Hiro Ouwen, passionné d’archéologie et amoureux des objets anciens, a aussi un parcours moins connu notamment en lien avec le Musée de Tahiti et des îles. Nous l’avons rencontré.

Il a grandi dans la famille tahitienne de Hiro Mata΄o΄a et, c’est muni d’un CAP de primeur, fraiseur et dessinateur qu’Hiro Ouwen effectue, en guise de service militaire, un stage technique à Paris pour le CEA et le ministère des Outre-mer. Puis, la Thompson-CSF de Paris l’envoie deux ans à Tahiti. Logé au Ta΄aone, il travaille à Mahina en bureau d’études. Tous les six mois, il rentre trois semaines dans la capitale de l’Hexagone. Son envie : s’installer à Tahiti, sur le terrain de sa grand-mère. Le photographe Christian Beslu l’informe alors que le musée, construit par Bengt Danielsson, cherche un dessinateur et c’est à ce poste que Hiro est embauché par son directeur, Henri Lavondès.

Artisan du premier Musée de Tahiti

Les deux anciens musées – l’éco-musée de la navigation et des premiers visiteurs popa΄ā de Tahiti, simple abri près du phare de la pointe Vénus à Mahina (exposant des panneaux et des costumes de marins d’époque) et celui de Papeete de la rue Lagarde – sont vidés en trois mois au profit de celui de Punaauia à la pointe Nu΄uroa. Hiro assiste ainsi à la mise en place du premier Musé.e de Tahiti et des îles, au soclage des objets, à la scénographie et l’agencement conçus par Anne Lavondès, épouse d’Henri et anthropologue de l’Orstom, qui prépare une thèse de doctorat sur les outillages polynésiens. Il n’y a alors qu’une boutique et pas encore de réserve. La salle Tenete, du nom de l’association fondée par le père O’Reilly qui rassemble protestants et catholiques, déplace toute une foule de Tahitiens, vêtus de robes et costumes blancs, venus chanter des hīmene tārava à l’occasion de son inauguration, qui devance celle du premier Musée de Tahiti et des îles.

Les objets anciens, un intérêt partagé

Aurora ā Natua raconte à Hiro l’histoire de quelques objets et de leurs déposants, en tahitien. La directrice Manouche Lehartel l’envoie en stage pendant six mois dans les musées du Louvre, le musée de l’Homme et le MAO. C’est une exposition sur l’art égyptien du pharaon, par laquelle il est ébloui, qui va susciter sa carrière d’artisan d’ornements.

Hiro est plus particulièrement intéressé par les parties archéologie, pêche et ornements marquisiens. Il effectue alors plusieurs stages d’archéologie à Huahine auprès de Yosihiko Sinoto et travaille aussi sur les vitrines et salles dédiées au tapa, à la navigation, la vannerie, la guerre (patu, casse-tête, ΄ōmore, lance), la musique (Australes, Marquises), la mort, les objets de prestige, la religion (ti΄i), Pōmare (objets de Tenete), les guerres de 14-18 et de 39-45, les pirogues… Le musée, qui expose quelques tableaux d’artistes, montre aussi une petite pirogue de pêche taillée par son grand-père. Hiro constate, au cours de sa carrière, que peu de Polynésiens viennent au musée parce qu’ils pensent, à tort, que ces objets appartiennent au passé et n’ont pas d’autre intérêt que touristique. En 1985, il enregistre quinze heures d’une émission en tahitien avec l’académicienne Vaetua, intitulée « Visite du musée de Tahiti et des îles », qui sera diffusée tous les vendredis soir sur la chaîne télévisée RFO pour présenter les objets, et qui deviendra populaire. Le musée acquiert de nombreuses œuvres ; quelques collectionneurs y apportent des objets en dépôt. Hiro ressent le mana de certaines pièces, notamment de deux ti΄i du musée – l’un identifié par un tahu΄a à Papara, l’autre en tuff sauvé du feu à Tautira et aux Marquises –, ainsi que de ceux de la vallée de Vaipa΄e΄e, à Ua Huka où, invité par Léon Litchlé, il mettra en place l’éco-musée.

Le musée, une source d’inspiration

Selon Hiro, les tresseurs tahitiens experts en vannerie devraient savoir reproduire des objets anciens, sans avoir à les démonter. En tant qu’artisan sculpteur graveur, Hiro pense qu’il est important de refaire des objets anciens miniaturisés et de les socler, notamment pour apprendre la technique, les motifs, les canons de la beauté polynésienne. Mais les matériaux manquent. L’os animal remplace l’os humain pour un putaiana. La carapace de tortue, l’ivoire, l’os de cachalot sont interdits à la vente. La nacre sauvage des Tuamotu commence à se faire rare. On utilise de la résine pour emplir les craquellements du bois de sculpture. Le bois de ΄aito, noir, ressemble à de l’ébène, il est facile à sculpter à la machine, mais certains préfèrent le sculpter à la main. La partie externe de vieux cocotier, très dure, ressemble au pandanus. Les anciens poteaux de maisons coloniales sur pilotis étaient en pandanus, ils sont beaux et résistent à la pourriture. 

Hiro encourage les artisans à créer leurs propres œuvres et de se laisser inspirer en allant au Te Fare Iamanaha, le nouveau Musée de Tahiti et des îles. Amoureux des objets anciens, il reconnaît que son métier et son expérience au musée ont beaucoup enrichi son métier d’artisan. ◆

Lég

Hiro Ou Wen a reproduit un costume de deuilleur.

Hiro Ou Wen, créateur artisan.

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