Hiro’a n°138 : 1914 : Destremau prêt au combat

Rencontre avec Sébastien Damé, responsable du Département du Patrimoine Audiovisuel Multimédia Internet du Service du patrimoine archivistique et audiovisuel.

Texte : ASF à partir d’une note de l’historien Michel Bailleul – Visuels : SPAA 

 

2 septembre 1914. Le commandant de la Zélée, Maxime Destremau, écrit au gouverneur William Fawtier concernant la conduite à tenir avec « l’ennemi allemand », quelques commerçants et l’équipage d’un phosphatier. Les deux hommes ne semblent pas partager le même point de vue.  

 

48W2000_Destremau_1_ 02-09-1914Voici une nouvelle « notude », ces notes de synthèses mises à disposition du public par le Service du patrimoine archivistique et audiovisuel qui nous permettent de plonger dans l’histoire de la Polynésie française à travers des documents d’époque. Ce mois-ci, une lettre du lieutenant de vaisseau Maxime Destremau nous ramène à une période de tension et d’inquiétude à Tahiti. Nous sommes le 2 septembre 1914, la guerre vient d’éclater en Europe. Commandant de la Zélée – navire stationnaire français dans le Pacifique – depuis décembre 1913, il écrit à l’encre bleue au gouverneur des établissements français de l’Océanie, William Fawtier, sur la conduite à tenir. On peut lire sur l’en-tête pré-imprimé « Division navale d’Extrême-Orient / Canonnière Zélée / Le Lieutenant de Vaisseau Destremau / Commandant » – à la suite de ce mot, les deux mots « la Zélée » sont barrés et remplacés par « les Troupes ». 

 

Sur deux pages, il couche ses préoccupations et propositions face à « l’ennemi allemand ». Pour remettre ce courrier dans son contexte, il faut rappeler qu’en 1914, à Tahiti, on ne dispose pas encore de la radio. En dehors du courrier qui met plusieurs semaines à parvenir d’Europe, on se contente des nouvelles apportées par les radios des navires de passage à Papeete. Dès le 2 août, Maxime Destremau apprend par la radio du Montcalm que le processus des déclarations de guerre est engagé ; les ordres laissés par le contre-amiral Huguet sont précis : il faut défendre Tahiti et ne laisser en aucun cas ni la Zélée ni la colonie au pouvoir des Allemands. Le 8 août, Fawtier nomme Destremau commandant des troupes de la colonie. Ce dernier pense que des navires allemands de la marine impériale, évoluant aux Samoa ou plus loin dans d’autres colonies allemandes (Nauru, Carolines…), vont rejoindre l’Atlantique, et le risque est grand de les voir passer par Tahiti. Il entreprend alors de mettre la « capitale » Papeete en état de défense. La Zélée est désarmée, et ses canons sont disposés sur les hauteurs. De nombreuses autres mesures sont prises. 

 

Mais l’ennemi est déjà sur place : les commerçants allemands ont pignon sur rue, et il convient de neutraliser leurs activités. Déjà, avant d’être désarmée, la Zélée a capturé le phosphatier allemand Walküre à Makatea, et l’a escorté jusqu’à Tahiti. Les trente Allemands résidant dans la colonie, avec l’équipage du Walküre, sont ainsi internés au lazaret* de Motu Uta.  

 

William Fawtier envisage d’envoyer les Allemands aux États-Unis. Or, Destremau estime que cela viendrait à l’encontre des directives du ministre, car, excepté l’un d’eux, ce sont « des hommes susceptibles de nous combattre ». Ayant appris qu’en Allemagne, les Français sont réquisitionnés pour travailler, il propose au gouverneur d’employer ces Allemands « comme travailleurs de la colonie, par exemple aux travaux publics ».  

 

Fawtier n’est pas aussi sévère envers eux. Le 19 octobre 1914, trois décisions sont prises : les internés venus des îles (îles Sous-le-Vent et Marquises) pourront y retourner ; ceux qui voudront quitter la colonie pourront le faire à leurs frais ; ceux qui résident à Tahiti resteront internés, et leur nourriture sera aux frais de la colonie. Destremau juge cette attitude beaucoup trop modérée. Leur mésentente s’aggravant, Destremau d’abord, Fawtier ensuite, seront renvoyés en France.  

 

*Etablissement où s’effectue le contrôle sanitaire et l’isolement des voyageurs susceptibles d’être atteints de maladies contagieuses. 

 

Pratique :

  • Les « notudes » peuvent être consultées sur le site du SPAA  
  • www.archives.pf  

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