N°123 – Le gala du CAPF : une fête de l’apprentissage et de la culture

 

 

Conservatoire Artistique de la Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa RauGALA2 Photo Christian Durocher   IMG_0559 - Copie

 

Rencontre avec Fabien Dinard, directeur du CAPF et Frédéric Cibard, chargé de communication du CAPF. Texte Lucie Rabreaud.

 

Le gala de décembre du Conservatoire Artistique de la Polynésie française est toujours un grand moment pour la culture et l’enseignement. C’est une fête des arts traditionnels mais aussi une célébration de l’apprentissage de la culture polynésienne.

 

 

Le Conservatoire Artistique de la Polynésie française prépare chaque année deux grands galas. Le premier clôt six mois de travail et le second est la démonstration de la progression et de l’évolution des élèves sur une année. L’édition du mois de décembre se déroulera cette année dans les beaux jardins du Musée de Tahiti et des îles. Un lieu idyllique avec ce grand parc ceint par la mer où plus de 800 élèves pourront montrer leur savoir-faire aux 2 000 spectateurs attendus. Pour ce spectacle, le Conservatoire a fait appel à Patrick Amaru pour l’écriture des textes. Un auteur qui n’avait encore jamais oeuvré avec l’établissement, qui avait pour habitude de faire appel à ses propres enseignants. « Mamie Louise Kimitete a écrit presque tous les textes pour les spectacles. John Mairai a écrit pour l’édition précédente un texte sur Te Fare Upa Rau et cette année, nous avons voulu faire appel à un auteur reconnu, extérieur au ConservatoireAfin de partager plus encore ce moment culturel unique», explique Frédéric Cibard, chargé de communication au CAPF. L’établissement montre ainsi son ouverture d’esprit, tout comme cette ouverture s’est également matérialisée, depuis deux ans, par une série de rencontres des élèves avancés en ‘ori tahiti avec de grands chorégraphes extérieurs.

Le choix du texte de base du Gala s’est ainsi porté sur Patrick Amaru, un auteur connu et reconnu, primé meilleur auteur au Heiva 2016. « Son écriture est faite pour la danse », estime Frédéric Cibard. Le thème, Te Papa a Tu a-Tua, parle du mythe de la création, de l’attachement à la terre, du lien entre les civilisations, et on revient toujours au Conservatoire qui est la terre de l’apprentissage. Ses textes sont des hommages vibrants à cette thématique, au partage des connaissances, la transmission d’une culture vivante et une invitation à vivre pleinement la culture polynésienne.

 

Un même thème pour tous

 

Pour chaque gala, tout est créé : les textes, les chorégraphies, les costumes… « Il y a autant de chorégraphies qu’il y a d’heures de cours et de cycles d’études. C’est très touchant : nos petits danseurs de 4 à 6 ans vont interpréter à leur manière et avec leur niveau de compréhension leur propre partie, et ainsi de suite pour chaque niveau d’apprentissage. Rappelons également que ces textes seront tous chantés », précise la direction de l’établissement. Ce même thème va donc porter les 800 élèves en arts traditionnels tout au long du spectacle, à travers une succession de tableaux dont l’intensité devrait se renforcer jusqu’aux tableaux attendus des meilleurs élèves du Conservatoire.

 

Promouvoir la qualité de l’enseignement

 

Les galas du Conservatoire sont des moments importants de l’année culturelle. L’enseignement se base sur ce spectacle. « Dès la rentrée, on commence à préparer le gala. Les pas de base sont appris à travers la préparation de ce spectacle », explique Fabien Dinard, le directeur du CAPF. L’enseignement est tout entier orienté vers l’Art du spectacle. Une manière d’apprendre qui est plus stimulante qu’un apprentissage sans objectif.

« Nos deux grands Galas sont, finalement, deux grandes étapes de l’enseignement et de sa finalité. Le premier gala concrétise le premier semestre. Cela nous permet de montrer tout le travail effectué depuis la rentrée jusqu’au mois de décembre. C’est aussi la journée des arts traditionnels : on montre les orero, les percussions, les Hïmene, un enseignement auquel nous tenons beaucoup… En juin, c’est notre gala final avec tout le travail de l’année. Nous présentons aussi nos lauréats à ce moment-là. » Si au mois de décembre, il s’agit aussi de fêter les arts traditionnels dans leur multitude et leur beauté, le gala de juin marquera l’ouverture de plusieurs semaines de fête, entre le Heiva des écoles et le Heiva i Tahiti. « En juin, c’est à To’ata, c’est le show. L’heure de la beauté, de l’émotion et de la virtuosité. Notre école se doit d’être présente au rendez-vous que se donne toute la grande famille du ‘ori tahiti » précise, sourire aux lèvres, Frédéric Cibard. Ces deux dates sont aussi nécessaires pour contenir l’énergie de plus de 800 élèves : « Il y a beaucoup de pression, énormément de danseurs et une énergie, une envie de se produire qui fait plaisir à voir. Il est impossible de les faire attendre huit mois ! » Ces spectacles sont une manière de promouvoir l’établissement, qui montrera ainsi le niveau de son enseignement et la progression de ses élèves. Des plus petits aux plus grands, des débutants aux confirmés, tous se retrouvent réunis tout au long de tableaux qui défilent tout en montrant l’évolution dans l’apprentissage et la connaissance. « Toutes les formations et les disciplines du Conservatoire en arts traditionnels sont représentées. Tout ce que l’on fait est là, est offert. »

 

Grande fête

 

Aux premiers rangs des spectateurs se trouvent évidemment les familles, parents, proches et amis, venus encourager leurs petits, leurs enfants, leurs proches. La grande famille du Conservatoire se retrouve réunie juste avant une séparation de quelques semaines pour les vacances de Noël. Certains élèves sont même repérés à cette occasion. Des éléments qui trouveront de manière naturelle toute leur place dans les groupes locaux de danse ou dans les orchestres.

Cette grande fête de la culture et du Conservatoire pourrait à l’avenir être retransmise en streaming sur Internet, afin d’ouvrir le partage avec celles et ceux qui ne pourraient pas se trouver sur place. « Les galas sont avant tout de grands moments de partage. »

Parmi les tableaux très attendus : l’ouverture avec tous les élèves réunis en une même scène, les tableaux des élèves de haut niveau et la prestation du plus grand pupu hïmene d’enfants de la Polynésie française, mené par Mama Iopa.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les classes CHAM seront du spectacle

 

Les élèves des classes à horaires aménagés (CHAM/CHAD) dans le secteur des arts traditionnels des collèges de Taravao, Taunoa et Tipaerui participeront également au spectacle. Une grande fierté pour les établissements et le Conservatoire de voir ces élèves s’intégrer pleinement à la grande famille de Te Fare Upa Rau. « Pour eux ces journées de gala sont très importantes : cela les valorise et montre qu’ils sont tout à fait capables de prendre leur place dans notre grande famille, d’interpréter et de ressentir leur culture. » Au-delà du gala, c’est aussi durant l’année que l’on mesure le succès de ces classes particulières. « Nous avons un retour très encourageant des responsables des collèges partenaires. Cela a permis à des élèves en voie de déscolarisation de revenir à l’école, de prendre confiance en eux. Nous sommes particulièrement fiers d’eux. Certains vont même entrainer leurs copains dans l’aventure : c’est un cycle dynamique et vertueux de A à Z », explique Frédéric Cibard. « Non seulement les enfants reviennent à l’école mais les parents aussi. Car le monde des Arts traditionnels est un monde qu’ils connaissent : la danse, le chant, les percussions, le tressage… Ils viennent et ils aident. Ça les intéresse beaucoup », ajoute Fabien Dinard, directeur de l’Etablissement.

 

 

 

 

Une place particulière pour le chant

 

Les grands galas du Conservatoire sont aussi l’occasion de voir et de vivre quelque chose d’unique en Polynésie : une rencontre avec plus grand pupu hïmene d’enfants, emmené par deux enseignants multi lauréats au Heiva i Tahiti, Myrna Tuporo, alias Mama Iopa et Mike Ariipeu Teissier. Avec ces deux enseignants le Conservatoire a la possibilité de faire de l’apprentissage et de la transmission du chant une de ses priorités. « Cela nous tient à cœur de promouvoir le hïmene. Pendant le Heiva, on voit encore les gens se lever quand les groupes de chant arrivent sur scène… Au Conservatoire, nous obligeons nos jeunes à suivre des cours de chant. Et ils aiment bien ! Nous sommes contents de voir le résultat », explique Fabien Dinard. L’établissement va encore plus loin car une mallette pédagogique est en cours de finalisation. Une mallette destinée aux enseignants sur la connaissance et l’enseignement des chants. « Un premier jeu va être distribué sur les hïmene ruau et l’année prochaine ce sera le tour des hïmene tarava. C’est un gros travail. Il y a eu des enregistrements, nous avons transcrit les chants traditionnels sur des partitions. C’est une grande première ! »

 

Interview : Patrick Araîa Amaru

 

Patrick, peux-tu nous dire comment as-tu été sollicité pour réaliser l’écriture du thème du gala du Conservatoire ?

 

Il faut remonter un peu dans le temps. J’ai connu Vanina et Mamie Louise il y a près de 20 ans, aux grandes heures du groupe de danse Heikura Nui de Iriti Hoto, à l’époque où le son des toere et des pahu était encore considéré comme de la musique… Epoque hélas révolue. J’avais écrit le thème de ce groupe, Mamie Louise et Vanina assuraient la chorégraphie. Ce fut pour moi une première collaboration extraordinaire. Mamie Louise et Vanina, d’un geste gracieux de la main ou d’un déhanché sensuel, illustraient et embellissaient mes mots, mes pensées… J’étais admiratif et je découvrais la richesse de ce lien, unique, entre le texte et le geste. En 2016, Vanina, avec l’approbation et le soutien de Mamie Louise, m’a proposé d’écrire tout le thème du gala de la section art traditionnel du Conservatoire pour les années 2017-2018. J’ai accepté le challenge, et quel sacré challenge d’écrire un thème qui puisse réunir l’ensemble des élèves, des bébés jusqu’aux plus âgés ? ! Près de 800 élèves ! »

 

Qu’est-ce qui a guidé ta démarche ?

Il était hors de question, pour moi, d’imposer mon thème au Conservatoire. Avec les professeurs de la section des arts traditionnels, j’ai échangé longuement, partagé, tissé des liens et compris non seulement le fonctionnement de cette institution, mais aussi essayé d’en saisir l’âme. Dans la discussion, les professeurs d’art traditionnel se sont peu à peu définis et, surtout, ont mis des mots à leur fonction et à leurs attentes… Nous sommes ici pour transmettre le plus fidèlement possible une base, un socle, un fondement solide, et sur cette base, s’élever, bâtir, créer une autre base. Nous avons ainsi, ensemble, défini les grandes lignes, le canevas du thème, le déroulé du spectacle. C’est ainsi qu’est né le thème Te Papa a Tū ā-Tua que l’on pourrait traduire par « Le socle où toujours tu te dresseras ou Le socle où toujours tu te réaliseras ». Ce thème illustre l’existence même du département des arts traditionnels du Conservatoire.

 

Pratique :

 

Mercredi 13 décembre à 16h

Durée : 2h30

Jardins du Musée de Tahiti et des Îles

Entrée libre

+ d’infos : 40 50 14 14, [email protected]

 

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