N°121 – « Collecter, sauvegarder, traiter, communiquer… Notre tâche est sans fin »

rereata scholermann

Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel (SPAA) – Te piha faufa’a tupuna

Dix questions à … Rereata Scholermann

Texte et photo : ASF

 

Rereata Scholermann vient de quitter le service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel pour rejoindre le service des archives de la commune de Punaauia. L’occasion de revenir sur sa carrière professionnelle dédiée depuis toujours à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine polynésien : d’abord à l’ICA à partir de 2000 – période pendant laquelle elle suit une formation de documentaliste à l’université de la Polynésie française –, puis au SPAA dès 2012.

Vous venez de quitter le Service des Archives, quelles ont été vos fonctions entre 2012 et 2017 ?

A la fermeture de l’ICA, toute l’équipe a rejoint le SPAA. Pour ma part, j’ai été nommée chef du bureau de la valorisation du patrimoine. En plus de mes fonctions de documentaliste, j’étais en charge de l’organisation d’expositions et de la valorisation du patrimoine. En janvier 2016, j’ai été nommée chef du département de la valorisation. A mes côtés, il y avait un technicien pour la partie numérisation et une collaboratrice qui, comme moi, est capable de répondre à toutes les missions qui nous incombent. Notre département prend en charge la partie audiovisuelle, multimédia et internet du Service.

Quelles formes a pris cette valorisation ?

Les premières années, il s’agissait surtout de préparer des expositions à l’attention du grand public et plus particulièrement des nouvelles générations. Il y a eu le festival de la Bounty, le festival du uru, une exposition sur la navigation ancestrale, etc. A chaque fois, nous nous mobilisions pour mettre en avant le fonds archivistique. Les expositions se voulaient souvent ludiques avec des ateliers mis en place par nos différents partenaires. Entre 2013 et 2016, nous avons organisé entre six et dix expositions par an. Depuis 2016, nous avons recentré notre mission sur l’archivage.

Cela voulait-il dire que la valorisation auprès du grand public n’était plus d’actualité ?

Non pas du tout, mais nous avons fait un virage numérique en 2016 et le média choisi pour la valorisation de notre patrimoine a été Internet. On s’est rendu compte que tout le monde avait Facebook et qu’il y avait une demande pour revivre le Tahiti d’antan. Le site Internet a donc été remanié et la page Facebook créée par mon département. La valorisation est devenue beaucoup plus virtuelle.

Quelles sont vos collaborations ?

Elles sont nombreuses. Nous sommes sollicités par la Maison de la Culture, les écoles, l’épic Vanille etc., à chaque fois qu’ils ont besoin de supports audiovisuels ou iconographiques. Nous sommes, par exemple, un des partenaires du FIFO (festival international du film océanien) avec l’installation d’une doc zone pour les professionnels. Il s’agit pour nous d’une mise à disposition des archives du FIFO. On travaille sur les formats ou les synopsis.

Combien de pièces ont été valorisées depuis votre arrivée au Service des Archives ?

Au niveau de l’audiovisuel, sur un peu plus de 57 000 supports, nous avons numérisé 36 000 pièces depuis 2012. Il reste donc encore beaucoup de travail. Cette année, nous avons numérisé plus de 10 000 pièces tous supports confondus. Mais notre travail ne s’arrête pas à la numérisation, notre mission consiste aussi à collecter, sauvegarder, traiter, communiquer…

La collecte se fait à la fois auprès des établissements publics mais aussi du privé ?

Oui, pour les établissements publics c’est automatique, mais pour les privés, c’est à eux de faire la démarche. Nous incitons vivement la population à venir déposer leurs archives pour un prêt ou un don. Nous établissons les inventaires et les numérisons. On les indexe ensuite pour les retrouver rapidement. Nous vivons dans un pays où le climat endommage de nombreuses pièces. Au Service, nous avons les moyens techniques de les conserver durablement. Et même si le propriétaire ne veut pas laisser sa pièce au SPAA, nous pouvons tout de même la numériser et donc avoir une trace de notre passé et de notre patrimoine. Il faut penser à le sauvegarder et les archives peuvent le faire.

Est-ce que vous êtes encore surprise par certaines pièces que vous découvrez ?

Tout le temps ! Tout me surprend, tout m’émeut. Nous avons une chance incroyable de travailler aux archives et de voir des pièces qui, pour certaines, ne seront jamais visibles du grand public ou alors dans un délai très éloigné.

Quelle est justement la dernière pièce qui vous a étonnée ?

Dernièrement, une dame de Métropole a fait don au Pays des correspondances de son grand-père avec un officier de la marine qui séjournait dans les îles de la Polynésie française en 1889. Dans ce document en très bonne conservation, on y découvre, la vie dans les îles à cette époque. Cette dame qui vit en Métropole a décidé de faire don de ces documents après avoir visité notre site Internet. Chaque semaine, nous y postons une étude épistolaire ou bibliographique. En découvrant l’une d’elles, cette dame a repensé aux lettres de son grand-père et nous a écrit pour nous les confier. Je trouve cela juste incroyable.

Quels supports vous confie-t-on?

Nous avons tout type de supports. Ce travail nous offre d’ailleurs de belles rencontres et de nombreux échanges, surtout avec les privés. Je me souviens d’un monsieur qui avait enregistré sur de vieilles cassettes les Tiurai des années 60 et 70. Au début, il était venu pour les numériser et les sauvegarder. Il aimait nous rendre visite, nous déposant à chaque fois quelque chose. De la collecte de supports, nous sommes passés à un échange verbal : il nous a raconté la Polynésie de son enfance, le détail des rues, etc. Nous lui avons proposé d’enregistrer son témoignage.

Il reste encore beaucoup à faire pour sauvegarder notre patrimoine ?

Ici, le travail est immense. Beaucoup de personnes pensent qu’on se cache, qu’on ne fait rien. Mais la réalité, c’est que la tâche est sans fin, il faut être passionné. J’ai découvert ce ce travail de documentaliste un peu par hasard en répondant à une annonce de l’ICA. Moi qui me destinait à l’enseignement, j’ai finalement choisi ce métier qui depuis me passionne. Je vais ainsi poursuivre cette mission de documentaliste et d’archiviste au sein de la commune de Punaauia.

 

 

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