N°103 – Vers une reconnaissance nationale du diplôme polynésien

Centre des Métiers d’Art – Pû ha’api’ira’a toro’a rima’itii australes

e te fa’afaufa’ara’a i te Ta’ere Mâ’ohi

Rencontre avec Viri Taimana, directeur du Centre des Métiers d’Art.

Texte : ASF. Photos : CMA.

 

Le diplôme proposé par le Centre des Métiers d’Art (sculpture et gravure) est en passe d’être reconnu à l’échelle nationale avec une formation de niveau IV (baccalauréat). Une avancée majeure qui va offrir de nouvelles perspectives et opportunités aux élèves, avec, en ligne de mire, l’idée de comprendre et de préserver le patrimoine polynésien, mais aussi de l’enrichir par de l’art polynésien contemporain, du design et d’autre métiers d’Art.

C’était le 25 février dernier, le Centre des Métiers d’Art accueillait Florence Robine, la directrice générale de l’enseignement scolaire, en quelque sorte la numéro 2 de l’Education nationale. Une visite importante pour le Centre des Métiers d’Art qui milite depuis des années afin de voir son diplôme polynésien des métiers d’art (sculpture et gravure) reconnu au niveau IV (niveau baccalauréat) par l’éducation nationale et ainsi ouvrir de nouvelles perspectives à ses jeunes diplômés. En janvier dernier, pendant une semaine, deux inspecteurs de l’éducation nationale, diligenté par Madame Brigitte Flamand, Inspectrice générale de l’éducation nationale design et métiers d’Art, avaient participé à une mission d’évaluation. Une semaine éprouvante pour les équipes et les élèves qui ont dû montrer tout leur savoir et la légitimité du Centre à délivrer ce type de diplôme. Pour Viri Taimana, le directeur, cette reconnaissance à venir est l’aboutissement d’un travail de longue haleine et d’une conviction de faire du Centre des Métiers d’Art un lieu d’enseignement et de formation unique au monde. Déjà, en 2008, il profite de plusieurs départs à la retraite pour renouveler l’équipe pédagogique avec des enseignants qualifiés et ainsi initier une réforme du Centre des Métiers d’Art en augmentant le niveau des enseignements proposés. « Nous sommes dans une formation d’excellence, un peu comme l’Ecole Boulle, la référence de l’art français. Chez nous, la sélection est très rigoureuse, nous accueillons des élèves qui souhaitent s’engager fortement dans une formation très pointue, ils sont généralement autour d’une vingtaine par année. Ce sont des filières très exigeantes », tient à rappeler le directeur en soulignant qu’ « ici, on révèle ce qu’il y a de mieux en nous pour pouvoir exprimer le meilleur de nos cultures polynésiennes, des porteurs de patrimoines en quelque sorte ! ».

Reconnaître notre art

Malgré ce souci d’excellence, au bout de huit années et plusieurs inspections, la reconnaissance n’était toujours pas au rendez-vous en 2015. Entre instabilité politique en Polynésie française et une centralisation à Paris qui finit par minimiser l’existence de la diversité culturelle des collectivités d’Outre-mer, difficile pour le Centre des Métiers d’Art de faire entendre sa voix. « Volontairement ou involontairement, à Paris, ils ont dans l’idée qu’il n’y a qu’un art français, qu’un savoir-faire français. La mise en valeur de la tradition française dans les métiers d’art a quelque peu occulté la diversité et la richesse des autres territoires français, dont le savoir-faire polynésien », regrette Viri Taimana qui s’est toujours refusé à ouvrir au sein du Centre des Métiers d’Art un diplôme d’art français. « L’idée est bien de faire reconnaître le savoir et savoir-faire polynésien au niveau national puis international ». « Nous avons nos cultures, nos motifs, notre art, notre histoire et la volonté de s’ouvrir au monde pour re questionner à travers les autres cultures notre approche du design, de l’art contemporain, c’est cela qui doit être reconnu ». Par contre, les étudiants polynésiens qui le souhaitent peuvent faire des études à l’étranger ou en France pour connaître et maîtriser les styles appartenant à la tradition de chaque Pays, comme nous pouvons accueillir des étudiants étrangers au CMA. C’est ce qui se fait à travers le monde pour les établissements d’enseignement reconnu.

Huit ans d’expériences et d’échanges

Huit ans d’attente donc qui ont tout de même permis au Centre de renforcer son expérience, de se faire connaître, de peaufiner son enseignement, mais aussi de développer des partenariats avec des universités du Pacifique, d’organiser des rencontres culturelles et artistiques en faisant venir à Tahiti des représentants des départements d’art des universités anglophones, d’aller au Canada travailler avec des Amérindiens, d’envoyer une équipe à Shanghai pour montrer son savoir-faire, de faire un tour de France pour découvrir l’art français et réaliser des pièces très pointues pour la galerie Saatchi à Londres. « Il est certain que lorsqu’un petit Centre comme le nôtre envoie deux œuvres de ses enseignants à Londres pour une exposition parmi la « French touch », tout le monde se demande d’où on sort ! », s’amuse Viri. Des étudiants et leurs enseignants sont allés à l’université de Woodbury, à Los Angeles, au sein de l’école d’architecture apprendre la modélisation et l’impression d’objets en 3D. Dernièrement, les enseignants et les étudiants ont participé au Pûtahi 4, rencontre culturelle et artistique océanienne à l’université Waikato en Nouvelle Zélande. Ils travaillent aussi comme consultants pour installer une école des métiers d’art pour la Nouvelle Calédonie à Koné, dans la Province Nord. Toutes ces expériences apportent aujourd’hui du poids au dossier de la reconnaissance du diplôme du Centre des Métiers d’Art.

Niveau baccalauréat et plus

Concrètement, ce diplôme va permettre aux étudiants ayant suivi une formation de trois ans d’avoir une reconnaissance effective de leur savoir et savoir-faire. C’est aussi donner la possibilité aux étudiants de poursuivre leurs études dans d’autres établissements en Métropole, dans le Pacifique ou ici à Tahiti. Viri Taimana a déjà entamé des discussions dans ce sens avec Monsieur Eric Conte, président de l’Université de la Polynésie française. Après le niveau baccalauréat, il serait intéressant d’avoir un diplôme BAC+2. En décembre 2016, le Directeur du Centre des Métiers d’Art et son adjoint doivent encore défendre le dossier auprès du centre national de la certification professionnelle à Paris. Normalement, la première promotion BMAPF ouvrira à la rentrée d’août 2017. Pour ceux qui ont déjà suivi la formation, il sera possible d’engager une validation des acquis de l’expérience (VAE). Viri Taimana réfléchit également à ouvrir l’accès à l’examen pour les anciens élèves. Aujourd’hui, 70 % des élèves intègrent, à l’issue de leur formation, le tissu économique via une patente dans le domaine de la sculpture, de la gravure ou comme tatoueur. Au-delà de l’acquisition d’un diplôme, l’autre difficulté pour les étudiants est la reconnaissance avec le statut d’artiste et porteur de patrimoine. « Malheureusement, dans le secteur culturel, il y a encore trop d’opportunistes de carrières aux carrefours des décisions qui entretiennent la médiocrité, regrette Viri Taimana. Les réformes doivent être engagées pour redessiner complètement le paysage culturel de la Polynésie avec des personnes responsables et culturellement équilibrées. »

 

Une exposition dédiée au numérique au Centre des Métiers d’Art

Venez prendre part à une déambulation artistique dans les jardins du Centre des Métiers d’Art ! Projections d’objets traditionnels à travers l’holographie, oeuvres en trois dimensions, théâtre optique avec des personnages animés, gravures laser sur différents supports ou encore projections de motifs polynésiens avec des combinaisons sur toile… Une exposition inédite et originale à ne pas manquer !

Exposition du Centre des Métiers d’Art : Pratique

  • Au Centre des Métiers d’Art, à Papeete
  • Vernissage le vendredi 22 avril à 18h30
  • Jeudi 28 et vendredi 29 avril de 19h à 22h : visites
  • Jeudi 5 et vendredi 6 mai de 19h à 22h : visites

+ d’infos : 40 43 70 51 – www.cma.pf

 

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