Quand les mots prennent vie

[singlepic id=109 w=320 h=240 float=left]Rencontre avec Vaihere Cadousteau et Patrick Amaru, auteurs de spectacle de danse.

Comment atteindre la beauté du geste par les mots ? Pour connaître la réponse à cette question, il faut être auteur de spectacles tels que ceux admirés lors du Heiva. Souvent dans l’ombre, l’écrivain est pourtant un des éléments essentiels du spectacle de danse, puisque le sens de l’histoire qu’il va écrire dictera les chorégraphies, les musiques, les costumes… Portrait de cette activité passionnante et rigoureuse.
Vaihere Cadousteau

A 27 ans, Vaihere s’apprête déjà à écrire son sixième spectacle du Heiva pour le groupe des Tamarii Tipaerui. Professeure de français, elle voit dans cette activité un excellent moyen d’allier ses trois passions : l’écriture, la culture polynésienne et la danse.

Comment en es-tu venue à écrire des spectacles pour le Heiva ?
J’ai commencé en 2004 suite à la demande de mon frère, John Cadousteau, le chef du groupe Tamarii Tipaerui. Ils avaient besoin d’un auteur et comme je passais mon CAPES de Lettres Modernes, ils m’ont demandé si je me sentais capable d’écrire le livret de leur spectacle.

Cela n’a pas été trop difficile de démarrer ainsi ?
Si ! Il a fallu que je fasse de nombreuses recherches sur l’histoire et la culture polynésienne, sur la langue tahitienne aussi, car les idées me viennent en tahitien mais j’écris plus spontanément en français. Je dois donc ensuite tout traduire. L’écriture d’un spectacle pour le Heiva représente beaucoup de travail et de concentration, surtout qu’il ne s’agit pas de mon métier à part entière mais d’une activité annexe.

[singlepic id=125 w=320 h=240 float=left]Quelle est la particularité d’écrire des textes qui seront « dansés » ?
J’essaye de rendre des ambiances. Il s’agit d’une écriture très imagée, car il faut toujours garder à l’esprit le fait que les textes seront chorégraphiés et mis en musique. Ecrire pour le Heiva signifie écrire des mots qui deviendront des formes, des sons… Etant donné que j’ai beaucoup dansé auparavant, je parviens bien à appréhender ce qui pourra être mis en mouvement.

Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Les légendes de Tipaerui. Le groupe et moi-même sommes très attachés à l’histoire de cette vallée.

En tant qu’écrivain de spectacle, quelles sont tes relations avec le groupe ?
Le texte est le point de départ du spectacle. Une fois que les membres le découvrent, ils commencent à travailler tout le reste : les chorégraphies, la musique et les costumes. Nous dialoguons tous beaucoup afin que la thématique soit respectée et le spectacle harmonieux. J’assiste le plus souvent possible aux répétitions afin de contrôler si le rythme et les pas de danse respectent le ton de l’histoire…

Qu’est-ce qui te plaît dans cette activité ?
Cela me permet d’approfondir l’histoire et la culture de mon Pays, de développer mon potentiel en écriture et de partager ma passion pour la danse. Tout ceci représente un bon compromis !

Patrick Amaru : la danse comme messager

Donner naissance à un spectacle est le fruit d’un parcours intellectuel intense, comme le prouve Patrick Amaru. Enseignant en Reo Tahiti, disciple d’Henri Hiro et de Duro Raapoto, il écrit les histoires des spectacles de différentes troupes de danse depuis près de 15 ans (O Tahiti E, Nonahere, etc.) – groupes qui ont souvent remportés le Heiva. Patrick Amaru publie également des ouvrages en langue tahitienne, mais avoue se sentir un peu frustré du fait du nombre limité de lecteurs en reo Tahiti alors que les spectacles de danse « représentent un moyen de faire passer mes idées en langue tahitienne et de toucher plus de monde », dit-il.
En réalité, la danse est aujourd’hui un des seuls supports par lesquels les écrivains locaux peuvent faire transmettre leurs messages. Parce que le spectacle est filmé, reproduit, leur talent n’est pas éphémère, contrairement au livre qui est encore trop souvent perçu comme étant l’apanage des intellectuels », se désole Patrick. « Personnellement, je souhaite étendre la portée de mes messages au plus grand nombre. Aujourd’hui, on ne danse plus pour faire joli, mais pour réagir à notre société : les spectacles de danse interrogent, critiquent. Nos messages, à l’instar de tous les arts, sont intemporels et universels. » Véritable œuvre d’art à tous les niveaux, le spectacle de danse met en scène un questionnement profond et engagé.
Devenir auteur de spectacle de danse
Devenir écrivain de spectacle de danse ou autre ne s’apprend pas. On peut connaître la grammaire, la littérature ou tout autre sujet, mais devenir auteur n’est pas un choix imposé, c’est d’abord une intention sans motif. Le plus souvent, c’est tout naturellement que l’on se met à écrire, parce que l’on est d’abord attiré par la lecture, que l’on se passionne pour tel ou tel auteur, que l’on réfléchit sur de nombreux sujets qui nous tiennent à coeur, et que l’on a plein d’idées en tête que l’on a envie de coucher sur papier, afin de les faire partager.

Que deviennent les textes des spectacles du Heiva ?
L’établissement Heiva Nui a entrepris l’an dernier leur archivage. Désormais, les livrets de chaque groupe sont recueillis par Heiva Nui, qui, une fois numérisés, pourra les mettre à la disposition du public.

Photo : @Nicolas Perez

Photo 2 : Vaihere et son frère John

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