Hiro’a n°151 – Trésor de Polynésie : Henri Hiro : hommage au grand poète

Trésor de Polynésie

Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa Rau

 

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Henri Hiro : hommage au grand poète

 

Rencontre avec Hitihiti Hiro, fille de Henri Hiro et responsable de l’organisation de l’événement au sein du Conservatoire artistique de Polynésie française. Texte : MO – Photos : Christian Durocher

 

Le 10 mars dernier, le Conservatoire a tenu à marquer les trente ans de la disparition du grand auteur polynésien que fut Henri Hiro par une soirée d’hommage. Retour sur l’événement.

 

C’est sur le paepae Maco a Tevane, dans les jardins du Conservatoire artistique, que s’est tenue, en soirée, la cérémonie en hommage à Henri Hiro. Initiée par John Mairai, professeur de ’ōrero et grand ami de Henri, cette cérémonie, préparée de longue date, avait toutefois une aura très particulière en ce 10 mars 2020. En effet, rien n’avait laissé présager les circonstances entourant l’évènement, marquées par la disparition dans ce même temps d’une autre grande figure polynésienne, le maitre de la danse, Coco Hotahota. Coïncidence ou clin d’œil de la vie, les deux hommes étaient nés le même jour, un 1er janvier et sont décédés presque le même jour de mars… Pas toujours compris, souvent contestes, ils n’eurent de cesse de crier leur amour pour la terre et la nature polynésiennes au travers de leurs textes, chants, poèmes et danses. C’est donc dans le cadre intimiste du jardin du Conservatoire artistique, devant les membres de la famille, les officiels et un public de connaisseurs, que se sont succédé les différents hommages au grand homme que fut Henri Hiro. Dans une atmosphère à la fois recueillie et chaleureuse, les spectateurs ont pu apprécier la projection d’extraits de deux films, le premier, Tārava, réalise en 1983 par Hiro lui-même et le second, ’Orara’a api (vie nouvelle), réalise en 1992 par Patrick Auzepy. Ils ont ainsi retracé quelques épisodes de la vie de l’homme, en famille sur ses terres de Huahine, ou interpellant le peuple, l’invitant à réfléchir sur la situation et l’évolution de la société polynésienne. Cette projection a été suivie de l’interprétation par Heremoana Maamaatuaiahutapu, ministre de la Culture, du chant ≪ E poro ana vau i to Tahiti e ≫, accompagné de son ’ukulele, et soutenu par les voix du public. John Mairai, en maitre de cérémonie, a interprété avec émotion un poème en tahitien de sa composition, Hiro e, ΄enae atu na !, qu’il avait écrit pour l’enterrement du poète. Il a été suivi par l’école de chorale de Steeve Reea, Tahiti Choir School, avec un hīmene rū’au, avant de reprendre la parole pour revenir sur une anecdote vécue avec son ami Henri Hiro. ≪ C’était un homme très doux, qui avait beaucoup d’amour pour tout le monde. Mais quand il était fâché, il ne faisait pas semblant. ≫ Et de raconter, avec son humour caractéristique, le fameux épisode qui lui avait valu d’être séparé de son ami pendant plus de deux ans à cause d’un différend, et qui se termina par le partage du ≪ toheveri ≫ (la bonite adulte). ≪ Il m’a invité chez lui pour manger cette bonite et nous avons repris notre conversation comme si rien ne s’était passe. C’était ça aussi Hiro. ≫ Ont suivi une danse polynésienne exécutée par Hitihiti Hiro, fille de l’auteur, sur le chant « ’O ’oe tō

’oe rima ≫ tire du texte éponyme, puis les interprétations chantées de l’association Haururu, celle des enseignants du Conservatoire, entrecoupées par la diffusion d’un texte dit par Henri Hiro luimeme, ≪ Tō’u fare au ≫. Ensuite est venu le moment clé de la soirée, le dévoilement de la plaque dédiée au grand homme. Après un ’ōrero de circonstance déclamé par deux jeunes élèves du Conservatoire artistique, Tuariki Teai et Joshua Petit, la foule a été conviée à se déplacer pour assister à la levée du voile par deux des filles de Henri Hiro et entendre le poème dit par John Mairai.

 


Un message pour la jeunesse

Pour Hitihiti Hiro, organisatrice de la soirée et fille de Henri Hiro, il s’agissait, au travers de l’évènement, de toucher la jeunesse. ≪ Il n’était pas question de relater tout le travail d’Henri Hiro, qui est pléthorique. Nous avons choisi des textes qui s’adressent à la nouvelle génération, des messages d’espoir. Certains sont déclamés, d’autres sont chantés. Nous profitons de l’occasion pour révéler une plaque sur laquelle est inscrit un pehepehe intitulé “Hō mai na”. ≫ En bois verni et d’une taille imposante, elle sera disposée entre les deux grandes salles de danse des arts traditionnels et porte le texte suivant :

 

Haere mai, haere mai rā e te tama e !

Haere mai rā, ’ei reo, ’ei poro’i, ’ei parau, ’ei haere-pō, no

to tāua hiro’a tumu.

Haere mai rā ’ei ’ite e ’ei vevo nō te mau u’i,

’Oia, ’ei paripari, ’ei ’ori, ’ei tarava, ’ei ’arue, ’ei marae ora,

E ’ei meho no to tāua iho tumu.

Henri Hiro, Hō mai na

 

Hō mai na

Traduction en français de l’extrait du poème ≪ Hō mai na

de Henri Hiro correspondant à la plaque installée au CAPF.

 

Viens, viens mon enfant !

Viens comme message, comme voix,

comme parole,

comme dépositaire de notre culture.

Viens comme témoin,

comme écho de notre génération,

c’est-a-dire comme poésie,

comme danse,

comme chant, comme louange,

comme marae vivant,

comme refuge de notre identité.

 

Henri Hiro (Donne-moi…)

 


Mémoires d’enfant

Mémoires d’enfant

Pour clôturer l’évènement fort en émotions, Hitihiti Hiro a partagé son témoignage de ce que fut sa vie avec ce père, témoignage bouleversant et intime qu’elle a intitulé ≪ Mémoires d’enfant ≫. Soutenue par l’accompagnement musical des professeurs de musique traditionnelle, elle a raconté ses souvenirs et des anecdotes comiques et émouvantes : ≪ Je garde des images très précises de certains instants que j’ai vécus avec lui, même à cet âge-là, quand j’avais entre quatre et six ans. C’était la période où il commençait à mourir. J’ignorais tout des actions et des œuvres que mon père avait menées au cours des décennies avant moi, tout des revendications identitaires et du renouveau culturel qu’il portait à bras le corps avec ses compagnons de route. Je les voyais tous comme des tontons, qui venaient à la maison, comme John, et qui m’ont vue grandir. ≫ Au-delà de la douleur de la perte et de l’absence, reste le message que le père voulait transmettre à ses enfants et l’auteur à son peuple. ≪ Mes parents étaient extraordinaires, nous avons vécu des choses très belles mais aussi des choses difficiles, comme le fait de subir des moqueries à l’école parce que j’étais sa fille. Pour une enfant, porter son nom était une lourde responsabilité. Mais je n’avais pas le choix ! Mon père n’était pas comme les autres, il s’est mis au service de son pays, de sa terre, comme Coco l’a fait aussi. Je pense que le message qu’ils voulaient que l’on comprenne est que lorsque quelqu’un aime sa terre, il ne peut pas se perdre. On vit en harmonie avec la nature et avec sa terre. C’est un message très fort pour les générations en perdition et, si elles s’en imprègnent, cela peut faire un déclic. Notre terre, il faut lui donner de l’amour et elle nous donne de l’amour en retour.

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