Hiro’a n°189 – Trésor de Polynésie

Te Fare Iamanaha – Musée de Tahiti et des îles (MTI)

Rencontre avec Judith Kapikuratuia, chef costumière de la troupe Tamari’i Makemo, et MIriama Bono, directrice de Te Fare Iamanaha – Musée de Tahiti et des îles. Texte et photos : SF.

Le grand costume de Tamari’i Makemo

Une première à To΄atā, une première réussie pour la troupe Tamari’i Makemo. Créée en juillet 2022, la troupe a surpris au Heiva i Tahiti. Elle a remporté le deuxième prix en Hura Ava Tau et le prix du grand costume. Un costume élaboré à partir des matières de Makemo qui a désormais rejoint les collections du Musée de Tahiti et des îles.

Au milieu du jardin du Musée, Judith Kapikuratuia tient le trésor de Makemo entre ses mains. Dans quelques minutes, elle le transmettra à la directrice de Te Fare Iamanaha – Musée de Tahiti et des îles. Le moment est fort et symbolique. Le grand costume de la troupe Tamari’i Makemo va rejoindre la magnifique collection de l’établissement : « Les costumes du Heiva i Tahiti des années 40 à nos jours », qui compte plus de 200 pièces. Une fierté pour la cheffe costumière de la troupe. « Makemo fait son entrée dans le Musée, le monde entier va découvrir le chef d’œuvre de notre île et son savoir-faire. C’est une fierté pour notre peuple, pour nos enfants », confie Judith Kapikuratuia. C’est elle qui est à l’origine de la conception du grand costume de la troupe. Un costume tout droit sorti de la terre mère. « Makemo a sorti son costume. Pour que ses enfants dansent à travers lui, la terre mère est généreuse avec eux ». Cette artisane aux mains agiles et talentueuses raconte son œuvre. Tout commence par la matière première. Palmes de cocotier, racines et feuilles de pandanus, des coquillages… Les bases des deux costumes, homme et femme, proviennent uniquement de Makemo. « Le Pandanus pousse en abondance chez nous, on a besoin de lui dans les fêtes et cérémonies. Nous avons voulu faire ce mariage entre palmes de cocotier et feuilles de pandanus. Les coquillages viennent aussi de Makemo, il y a beaucoup de coquillages chez nous mais deux sortent du lot, les porcelaines noir et blanc rayure. Ils veulent montrer qu’ils sont beaux, ils veulent danser avec nous ! ».

La richesse de Makemo

Chercher cette matière première est un travail physique et demande de la patience. Il faut aller chercher les coquillages lorsque la lune monte et que la mer se retire. « Elle laisse toutes les variétés de coquillages sur le récif. Il suffit d’un seau et d’une lumière frontale. Quand tu vas au récif, le coquillage porcelaine noir parfois répond : elle te dit récolte moi, je suis là et je t’attends, je veux aussi t’accompagner et danser sur Tahiti, montrer aussi mes valeurs à moi ! ». Toutes ces matières ont ensuite été mises en avant par la chef costumière, pour qui il est primordial de faire découvrir à d’autres peuples la richesse de Makemo. Le costume femme est ainsi dotée d’une coiffe et d’une taille en pandanus tressé et palme de cocotier marron tressée de deux manières différentes. L’une en pakerere sur la coiffe et l’autre en torsadée sur la taille. La coiffe et la taille sont agrémentées de fibres de racines de pandanus battues puis blanchies. Des coquillages blancs de types porcelaines ont été utilisés sur le ras de cou, sur le haut des femmes et aussi sous formes de médaillon sur la coiffe et la taille. C’est le « patiki » plus précisément qui a été utilisé avec trois tailles différentes selon son utilisation, collage ou médaillon.  La jupe est en fibre d’écorce de pūrau. Quant au costume de l’homme, la coiffe est tressée de la même manière que pour celui de la femme, et les mêmes coquillages ont été utilisés. Le ras du cou en revanche diffère, il est composé d’une base tressée en palme de cocotier marron et agrémenté de racines de pandanus battues et blanchies. La taille est décorée de coquillages de type porcelaine de couleur marron pour les hommes. La jupe est coupée comme un maro, un effet de style a été ajouté par-dessus avec la même fibre que la jupe. « Nos 60 enfants de Makemo ont fait leut costume. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice pour bâtir ce beau costume et pouvoir danser. De les voir sur scène avec ce beau costume, c’était une émotion énorme ».

Une collection vivante

La troupe a signé cette année sa première fois sur la scène de To΄atā, une première où elle a voulu raconter l’histoire du peuplement de son île. C’est aussi la première fois qu’un costume de Makemo fait son entrée au Musée de Tahiti des îles. II va ainsi venir enrichir la collection déjà riche du Musée, une collection vivante qui retrace toutes les années de danse en Polynésie. « Grâce à ces costumes, on voit du coup l’évolution des techniques et des styles, c’est très intéressant. C’est aussi une mise en valeur de la matière première de l’île. C’est, au-delà du plaisir, c’est le témoignage d’une époque, on s’en rend compte quand on voit tous ces costumes. C’est une très belle façon de mettre en avant la culture. », explique Miriama Bono, la directrice du musée de Tahiti et des îles. Le costume de Makemo sera présenté lors de la prochaine exposition de la collection des costumes de l’établissement. La dernière remonte à 2021, elle avait rencontré un vif succès. La prochaine devrait avoir lieu en 2025. « Les expositions liées aux costumes sont les best of, les plus visitées dans l’année. Elles sont très populaires, aussi bien auprès du public que des visiteurs extérieurs. Et, les groupes qui remettent costumes sont très fiers qu’ils entrent dans la collection du musée. » L’établissement culturel, lui, est honoré de recevoir ces trésors des îles de la Polynésie française. Des trésors qui marquent l’histoire du fenua et le savoir-faire de ses enfants.

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