Hiro’a n°189 – Dix questions à

Dix questions à Tetuanui Peters Tutana, auteure, et Edmée Hopuu, chargée de la cellule des langues polynésiennes à la Direction de la culture et du patrimoine.

Direction de la culture et du patrimoine (DCP) – Te Papa hiro΄a ΄e Faufa΄a tumu

Propos recueillis par SF. Photos : SF.

Livret de Fatu Iva  : « Il était temps de transmettre »

Tetuanui Peters Tutana est originaire de la vallée de Omoa, à Fatu Iva, et appartient au clan Anainoa. Elle est l’auteure du dernier livret consacré à l’île de Fatu Iva. Réécriture, réécoute, correction… Cette figure de la culture marquisienne a travaillé avec Edmée Hopuu de la Direction de la culture et du patrimoine durant un an.  Rencontre.

Dans quelles circonstances avez-vous été amenée à participer à ce projet ?

Tetuanui Peters Tutana : La DCP m’a contactée pour le faire. J’ai bien sûr accepté. C’est une manière de rendre hommage aux personnes sources qui ont gardé longtemps dans leur tête toutes ces histoires. Je les ai rencontrées en 1991. À l’époque, je leur ai demandé : est-ce que vous voulez transmettre ces légendes à la jeune génération ou partir avec ? C’était dans leur intention de transmettre ces légendes. On s’est donné rendez-vous, je me suis mise à leur disposition. On s’est mis à travailler les légendes pour le livre il y a un an. Il était temps de transmettre.

Comment se sont passés les entretiens ?

Tetuanui Peters Tutana : Il y a eu deux personnes sources, ce sont mes tantes qui sont décédées depuis. Pour l’une, les entretiens se passaient dans la journée, pour l’autre, la nuit car des choses lui revenaient à ce moment-là. Les entretiens ont été faciles car il y a un lien familial. Je fais toujours appel à la famille quand il y a des recherches à faire, surtout quand c’est compliqué, car je sais qu’ils ne me raconteront pas des bobards.

Quel effet cela a eu sur vous de revivre ces légendes et de les retranscrire ?

Tetuanui Peters Tutana : Pendant le recueil, tu ressens plein de choses. J’ai revécu aussi ces entretiens avec eux, en les réécoutant. À l’époque, elles m’accueillaient avec toujours du ma΄a local. C’était émouvant, oui, de revivre ça.

La transmission de ces légendes s’est faite en marquisien ?

Tetuanui Peters Tutana : Oui bien sûr. Il y a des fois c’était difficile d’avoir le mot exact et son sens. C’était le cas par exemple avec tout ce qui était charnel. Mais c’est important pour les jeunes qui vont lire. Dans le livret, on a écrit en marquisien, et c’est traduit en français et en anglais. Pour le français, on l’a fait avec Edmée.


Quelle était la difficulté de la traduction du marquisien au français ?

Edmée Hopuu : De repenser à la place des personnes sources et de le traduire en français. Il fallait être vraiment fidèle à ce que ces personnes ont ressenti. Tutana était là pour modifier et rectifier. Ce livret est authentique dans la narration, c’est du brut.

Tetuanui Peters Tutana : C’est ce qui a été le plus difficile à faire dans ce livret : de faire concorder les textes en marquisien et en français.

C’était important que ce livret soit d’abord écrit en marquisien ?

Tetuanui Peters Tutana : Oui, clairement car les jeunes vont lire dans leur langue. On a recueilli dans leur langue donc ils vont être attirés par ce livret.

Comment avez-vous choisi les légendes du livret ?

Tetuanui Peters Tutana : Il y a dix légendes. Avec Edmée, on a décidé de commencer par l’histoire de Pere, la déesse du volcan, parce que c’est la naissance d’une île. Il y a un paepae de Pere à Fatu Iva. Chez nos matahiapo, j’ai toujours entendu dire qu’à cette époque on était plus près de ces histoires car la nature y concourrait. Par exemple, quand les vieux disaient : vous avez vu la mer, elle est toute rouge, Pere va donc bientôt arriver. Nous, gamins, on suivait comme ça plus ou moins, mais il y a des choses que j’ai retenues.

Edmée Hopuu : Il nous fallait un fil conducteur. Le choix de la première était par rapport à l’identité même de l’île. Ensuite, on continue avec l’Anguille. Il y en a deux : la petite de Fatu Iva et la grande de Nuku Hiva. Dans cette légende, la petite met en avant toutes les ressources liées aux plantes aromatiques, médicinales, cosmétiques. Ce sont ces plantes qui vont mettre en valeur l’île.

Quelles ont été les difficultés ?

Tetuanui Peters Tutana : Mapuni nous a donné du fil à retordre ! L’histoire est longue, les sujets dans le texte étaient compliqués et il y avait toujours une action, un petit truc qui remonte… On a passé trois jours dessus.

De quoi est composé ce livret ?

Edmée Hopuu : Les légendes sont accompagnées d’illustrations. On a fait appel à un artiste marquisien, Tafeta Tetuanui Matautai. Il fallait qu’il soit fidèle à ce qu’on raconte. Il a dû rencontrer Tatie Tutana. Ce livret est un véritable travail d’équipe.

Quel est la finalité de ce livret ?

Edmée Hopuu : Il est destiné à la population de Fatu Iva et au public scolaire, pas les petits car des mots sont durs, mais pour les lycées et l’université. Il sera aussi distribué aux membres des associations.

Tetuanui Peters Tutana : On espère que ce livret sur Fatu Iva va donner envie aux autres des îles voisines.  

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