Hiro’a n°184 – Le Saviez -vous ?

Musée de Tahiti et des îles (MTI) – Fare Manaha

Rencontre avec Romain Clément, socleur, Nathan Oppenlander, régisseur d’œuvre d’art, Lou Force, socleur et Tamara Maric, conservatrice du Musée de Tahiti et des îles. Texte et photos : Lucie Rabréaud

Le soclage des œuvres : un savoir-faire précis et complexe

Plusieurs missions de l’entreprise Aïnu se sont enchainées pour l’installation des œuvres dans la nouvelle salle du Musée de Tahiti et des îles avant sa réouverture. Ces experts en soclage possèdent un savoir-faire précis et complexe.

Sur une grande table blanche, les trois hommes s’attèlent chacun à leur tâche : Romain Clément ponce une semelle en résine, Lou Force prépare une patte (ou tige) en métal, Nathan Oppenlander étudie les mesures d’une œuvre. Les deux premiers sont socleurs, le troisième, régisseur d’œuvre d’art. Tous travaillent pour l’entreprise Aïnu qui a été choisie par le Musée de Tahiti et des îles pour l’installation des œuvres dans la nouvelle salle. Des experts dans cet art difficile et délicat. Arrivés le 5 décembre, ils sont restés jusqu’au 22 pour travailler sur les plus grosses pièces, leur spécialité. Une deuxième équipe est arrivée en janvier avec six autres personnes dont cinq socleurs.

Une première mission s’était déroulée en mars 2022. Le patron de l’entreprise Aïnu, Stéphane Pennec, s’était déplacé au Musée de Tahiti et des îles pour prendre contact, expliquer leur méthodologie et commencer à travailler sur la base de données des œuvres afin de préparer les gabarits des supports et réfléchir sur les pièces les plus complexes. « Le socle est absolument indispensable dans la présentation des œuvres exposées. Ce sont des experts qui ont suivi des formations spécifiques et sensibilisés aux œuvres muséales », explique Tamara Maric, conservatrice au Musée de Tahiti et des îles.

Un travail pensé en équipe

Si l’art du soclage relève de leur expertise, les conservateurs font part de leurs préconisations notamment pour les œuvres les plus fragiles et apportent leurs connaissances des pièces pour réfléchir au sens de leur présentation. Les socleurs doivent également respecter la scénographie prévue par le studio Adrien Gardère. « Il y a une façon de présenter les objets, en fonction de leur utilisation ou de leur esthétique », précise Tamara Maric. Pour Romain Clément, Nathan Oppenlander et Lou Force, il faut parvenir à présenter les pièces en respectant ces contraintes tout en étant certain de leur équilibre. Selon le poids, le matériau et la typologie des œuvres, trois types de maintien sont proposés : le podium, la cimaise ou la vitrine. « C’est un dialogue entre les trois parties. Nous devons respecter la volonté de l’institution et celle de la personne en charge de la scénographie, tout en prenant en compte le réel. Une fois devant l’œuvre, certaines choses sont possibles et d’autres non, une discussion s’instaure pour trouver les meilleures solutions. La volonté est parfois décalée de la réalité », expliquent-ils.

Protéger, respecter, valoriser

À chaque pièce, son socle et ses pattes ou griffes (selon sa taille) en inox, sur mesure. Les semelles en résine servent à stabiliser des pièces pour les maintenir en position verticale. Les pattes ou les griffes, quand elles sont nécessaires, ne seront jamais en contact direct avec l’œuvre, du feutre est placé entre la pièce et le métal. Tous travaillent avec des gants pour ne jamais toucher les pièces. « La particularité des collections océaniennes est qu’elles sont composées de beaucoup de matières orga- niques : les fibres, le bois, les végétaux… Il faut les manipuler avec précaution. » Il s’agit de respecter de nombreuses règles de conservation et réussir à mettre en valeur ces œuvres exceptionnelles pour certaines vieilles de plusieurs siècles. Les socleurs ont différentes politiques : fondre le socle au mobilier d’exposition ou l’attitude inverse. Les trois hommes de l’entreprise Aïnu reconnaissent suivre plutôt le premier procédé. « C’est un travail particulier très intéressant car ce qui a été mis en place pour l’installation des œuvres ne changera pas de sitôt », indique Tamara Maric.

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