Hiro’a n°176 – Le saviez-vous ? CENTRE DES MÉTIERS D’ART (CMA) – PU HA΄API΄IRA΄A TORO΄A RIMA ΄I

 

Rencontre avec Viri Taimana, directeur du Centre des métiers d’art de Polynésie française et Tokainiua Devatine, professeur au CMA. Texte  : Lucie Rabréaud – PHOTOS : DR

Deux livres en mémoire de l’art

Le Centre des métiers d’art de Polynésie française présente deux ouvrages d’art. Fa΄anihinihi Fa΄anehenehe célèbre les 40 ans de l’établissement et présente sa philosophie pour les vingt prochaines années. Artistes océaniennes, Kanak revient sur l’échange qui s’est déroulé en octobre 2016 entre peintres contemporains kanak et élèves du CMA.

Garder des traces, proposer une vision du Centre des métiers d’art de Polynésie française et présenter les œuvres créées par ses élèves et enseignants sont les objectifs de ces deux ouvrages publiés par l’établissement et que le public pourra bientôt acquérir en s’y rendant. Fa΄anihinihi Fa΄anehenehe, édité à l’occasion des 40 ans de l’établissement, met en avant la philosophie du CMA et une projection pour les vingt prochaines années, en vue de répondre aux enjeux contemporains et ceux notamment climatiques. Il présente également les œuvres d’anciens élèves et des enseignants réunis autour de cet événement. L’art est un moyen de réflexion car il rend compte, il permet de penser et il donne espoir. Les productions artistiques dépeignent un peuple. « Depuis les temps anciens, tout ce qui relève des artefacts des cinq archipels de la Polynésie se distingue par l’application de l’art au quotidien et à travers les objets usuels… Nous n’avons pas de mot pour désigner le terme “Art” car il est intrinsèquement lié à notre façon d’être et de nous exprimer à travers nos langues, nos chants, nos danses ou les pratiques artistiques comme le design d’objets, le tressage, la gravure, la sculpture…  », écrit Viri Taimana en préambule, avant de décrire les spécificités de chaque archipel. Le CMA s’inscrit dans cette continuité : transmettre ces formes culturelles et écrire un nouveau chapitre de l’histoire polynésienne en produisant de l’art océanien contemporain.

Le CMA, au carrefour de nombreux enjeux

Fa΄anihinihi Fa΄anehenehe «  revient sur les personnes qui ont œuvré à la construction du Centre. Cet outil au service du public et de la jeunesse doit permettre l’ouverture d’esprit, l’enracinement culturel et la projection vers un avenir serein », explique Viri Taimana qui dirige le Centre aujourd’hui. Il n’est cependant pas question de retracer son histoire mais plutôt de se tourner résolument vers aujourd’hui et demain. « Il y a beaucoup de défis à relever, nous devons changer complètement notre façon de vivre. La Polynésie a une carte à jouer et peut être un exemple pour le monde.  » Cet ouvrage expose les bases de ce nouveau départ. L’éducation est « l’arme la plus puissante » pour changer les comportements et le CMA doit répondre aux enjeux. « Nous voulons que le CMA soit le carrefour de la création en art et en design et le carrefour de la réflexion sur les enjeux de notre siècle. » Plateforme expérimentale d’expressions artistiques et source d’inspiration, le CMA souhaite que ses élèves soient « les auteurs de propositions impliquant la préservation des écosystèmes tout en garantissant un équilibre écologique et économique  ». Avec de la création et de l’imagination, qu’ils réussissent à « proposer des projets audacieux respectant l’environnement ». Enfin, Fa΄anihinihi Fa΄anehenehe est un magnifique catalogue des œuvres exposées en février dernier au CMA pour son anniversaire. Plus de trente anciens élèves et enseignants y expliquent leur démarche artistique.

Artistes océaniennes, Kanak, rétrospective d’une rencontre inédite Le deuxième ouvrage édité par le Centre des métiers d’art rend compte d’une rencontre qui s’est déroulée en octobre 2016. Micheline Néporon, Denise Tiavouane et Paula Boi Gony, artistes peintres pionnières de l’art kanak contemporain, sont venues de Nouvelle-Calédonie passer plusieurs jours en résidence d’artistes à Tahiti, invitées par le CMA. Elles y ont partagé leur art et leur histoire avec les enseignants et les élèves du Centre. Ce projet initiait un cycle de « collaborations inédites à l’échelle du Pacifique ». L’idée de ces rencontres est née de l’envie de donner des exemples aux élèves du CMA. «  Nous voulions présenter des modèles féminins océaniens », explique Tokainiua Devatine, professeur au CMA. Il s’agit aussi de faire du CMA une plateforme d’échanges car les artistes ont présenté leurs œuvres mais elles ont également participé à une table ronde répondant à plusieurs questions sur leurs pratiques et leurs visions : comment devient-on artiste lorsqu’on est une femme d’Océanie  ? Qu’est-ce qui pousse à créer  ? Quelle place pour l’art dans la vie d’une mère ? La peinture féminine a-t-elle des thématiques propres  ? La transmission, la démarche, le rôle d’artiste… Leurs réponses sont retranscrites dans cet ouvrage, comme un fil rouge, qui permet d’exposer leurs œuvres et celles produites par les élèves pendant cette semaine d’échanges. Le second objectif de ces rencontres était de préparer une exposition de peintures avec les élèves. Artistes océaniennes, Kanak relate cette progression.

« Nous voulons laisser des traces des actions du CMA en faveur des artistes de l’Océanie, que toutes les initiatives soient fixées dans le temps et raconte le cheminement artistique, les rencontres et les réflexions  », précise Tokainiua Devatine. « L’orientation pédagogique de l’établissement considère que la multiplication des points de vue par l’approche de différents médias dont les sujets sont tirés des réalités vécues par la population est nécessaire à la formation des acteurs culturels de demain, des porteurs de patrimoine. » Ses échanges permettent d’enrichir mutuellement les pratiques artistiques des uns et des autres, de montrer des voies possibles aux élèves et d’entendre d’autres voix : « Il est essentiel que les étudiants du CMA puissent entendre le discours de ces voix aussi importantes pour la région qu’elles sont peu audibles du grand public, souvent marginalisées car peu nombreuses et peu relayées par la presse, la recherche en art, en histoire de l’art et dans des publications.  » Des messages forts, percutants, qui contribuent à construire et inspirer le travail artistique des élèves et des enseignants du CMA. Et qu’il est nécessaire de garder en mémoire grâce à des publications.

Pratique

  • Ces deux ouvrages sont disponibles au Centre des métiers d’art de Polynésie française.

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