Hiro’a n°174 – Trésor de Polynésie: La pierre fleurie, fine fleur du salon de Ua Pou

pierre fleurie

Rencontre avec Bertrand Hikutini, artisan sculpteur. Texte et photos : Pauline Stasi

 

La pierre fleurie, fine fleur du salon de Ua Pou

 

Le hall de l’assemblée de Polynésie française a vécu à l’heure de Ua Pou du 3 au 11 mars derniers à l’occasion du Salon « Te tau tuhuka o Ua Pou ». Une opportunité pour les visiteurs d’admirer l’une des spécificités de cette île des Marquises : les sculptures sur pierre très rare, la pierre fleurie.

 

Reconnaissable par ses motifs très particuliers en forme de pétales colorés, la pierre fleurie de Ua Pou n’a pas son pareil et les sculptures qui en sont issues sont emblématiques de l’artisanat de cette île marquisienne. Très rare, cette pierre volcanique, te kea pua, de son nom scientifique « phonolite à grenats », fait partie de la fine fleur des surprenantes et très belles pierres de la planète. « C’est une pierre qui ne se trouve, je crois, qu’au Brésil et à Ua Pou », lance avec une once de fierté dans la voix le sculpteur marquisien Bertrand Hikutini, venu exposer ses œuvres au Salon « Te tau tuhuka o Ua Pou » pendant une semaine. Et dans son île de Ua Pou, c’est dans la vallée de Hohoi, située à 13 kilomètres du village principal de Hakahau, qu’une grande partie de ses fameuses pierres fleuries se concentrent. « On peut en trouver un peu ailleurs dans l’île comme à Hakatao ou à Haakuti, mais c’est surtout dans la vallée de Hohoi, où j’habite, que l’on trouve les plus belles », confie le sculpteur.

Une pierre qui se mérite

Régulièrement, Bertrand Hikutini part dans sa vallée, accompagné souvent de ses deux grands fils, à la recherche de cette pierre florale. Un peu comme des chercheurs d’or en quête de leur précieuse pépite. Car il l’avoue, cette pierre se mérite et il ne faut pas ménager ses efforts pour la dénicher. « On peut en avoir vers la plage, mais il n’y en a presque plus maintenant. C’est surtout en montagne qu’on va la trouver, mais les chemins ne sont pas toujours faciles d’accès. » En plus, ces pierres ne sont pas si faciles à identifier. « Les pierres fleuries peuvent être de différentes couleurs dans la nature, souvent blanches. Au départ, on ne la reconnait pas, car les motifs de fleurs ne sont pas apparents. Il faut la gratter sur cinq millimètres environ ou couper un morceau de la pierre avec la machette et c’est seulement ensuite que l’on voit apparaitre les motifs de fleurs. On arrive aussi à les reconnaitre grâce aux éclats sur la pierre. Mais il n’y a que les sculpteurs de pierre fleurie qui vont les reconnaitre », précise le Marquisien. Il existe différentes sortes de pierres fleuries. Ses pétales peuvent être noirs, oranges, jaunes… les plus réputées et les plus rares sont les pierres fleuries rouges.

 

Une ressource à préserver

Forte de sa beauté, la pierre fleurie jouit aujourd’hui d’une belle popularité. Mais elle est aussi victime de son succès. « Il faut faire attention et ne pas les gaspiller, car elles risquent de disparaitre si on en prélève trop, prévient-il. Autrefois, les anciens ne la sculptaient pas, mon grand-père ne taillait que du bois, c’est la génération de mon père qui a commencé à la sculpter. Au départ, ils taillaient des pilons. » C’est tout un savoir-faire, tout un art… « Cette pierre est fragile et elle peut se casser ou se fendre facilement. Ce n’est pas facile de la sculpter. C’est grâce aux nouveaux outils comme la meuleuse que l’on arrive mieux à la tailler aujourd’hui. On peut sculpter des tiki, des animaux, des tortues, des pilons… Il faut faire attention au sens des veines pour la coupe. Il faut aussi bien la polir avec beaucoup de délicatesse ensuite pour lui donner son éclat. » Et au fil des étapes, la pierre fleurie éclot.

« Je vais la faire parler »

Autodidacte, Bertrand Hikutini a appris la sculpture sur le tas en regardant son père. « Je l’observais pendant des heures », se souvient-il. L’homme dans la fleur de l’âge en a fait son métier il y a dix-sept ans maintenant. Depuis, il ne s’est jamais arrêté, car plus qu’un métier, sculpter la pierre fleurie est devenue sa passion. « Ce n’est pas une pierre comme une autre, il y a quelque chose de magique. Quand je vois une pierre fleurie, je vais la faire parler pour imaginer ce que je vais lui faire. Il y a du sacré en elle, elle dégage du mana », confie l’artisan.

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