Hiro’a n°168 – L’oeuvre du mois : Deux voix du fenua à Paris

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L’œuvre du mois – Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa Rau

Deux voix du fenua à Paris

les voix d'outre mer

Rencontre avec Fabrice di Falco, chanteur lyrique et co-fondateur des Voix des Outre-mer, Peterson Cowan, professeur de lyrique au Conservatoire et les voix polynésiennes. Texte et photos : ASF

Les voix des Outre-mer ont sélectionné les deux voix polynésiennes qui défendront les couleurs du fenua en janvier prochain à Paris, à l’Opéra Bastille. Les lauréats seront connus mi-octobre.

Malgré les contraintes sanitaires, la finale territoriale du concours Voix des Outre-mer a pu se dérouler, le 14 septembre dernier, au Grand théâtre de la Maison de la culture. Le concours à huis clos n’a en rien enlevé de la superbe aux voix lyriques accompagnées par un simple piano. Si la musique classique ne fait pas partie de leur culture musicale, les huit candidats ont prouvé qu’ils avaient tout à fait leur place dans cet univers. Quatre prix seront remis à l’issue de la finale polynésienne, les lauréats étant dévoilés mi-octobre. Le premier est un prix d’encouragement. Le second est le « prix musique du monde/variété ». Les deux prix suivants sont par contre qualificatifs pour la grande finale parisienne à l’Opéra, en janvier 2022 : le prix « Jeune talent » et le prix « Voix des Outre-mer ».

L’émotion était de mise chez les artistes sélectionnés, six adultes et deux adolescents : « Je voudrais dédier ma prestation à mon professeur de chant Gaby Cavallo qui a écrit avec Emmanuelle Vidal l’opéra en tahitien. J’ai repris la sérénade de Schubert revisitée par Gaby Cavallo car je voulais lui faire honneur », nous confie une première chanteuse en pleurs. Des larmes de joie.

Pour une des plus jeunes chanteuses, qui a découvert le chant lyrique il y a quelques semaines seulement, ce concours a été une opportunié pour développer sa technique de chant. « Cela m’a beaucoup aidé pour monter dans les aigus. L’opéra c’est une musique à part. On joue en même temps qu’on chante. J’ai progressé en quelques jours sur l’aspect technique en apprenant à libérer ma voix et à chanter plus fort. »

Briser le plafond de verre

Le concours Voix des Outre-mer est un concours de chant lyrique qui a pour ambition de promouvoir de jeunes talents originaires des Outre-mer. L’objectif, briser ce plafond de verre qui limite l’accès au monde de l’opéra pour les chanteurs éloignés des centres de formation notamment. Imaginé par le chanteur lyrique Fabrice di Falco, président des Voix d’Outre-mer, et Julien Leleu, président de l’association Les Contres Courants, le concours existe depuis quatre ans. La Polynésie y est représentée depuis l’année dernière avec la participation de Tinalei Mahuta. Ce sont donc deux nouvelles voix qui portent haut les couleurs du fenua.

Encadré 1

Peterson Cowan, professeur de chant lyrique au Conservatoire :

« Tous les possibles sont ouverts avec ce genre de concours »

Que pensez-vous du travail du jury ?

« Je crois que le choix du jury s’est porté sur deux voix encore jeunes, mais qui nous laissent pressentir un bel avenir. C’est, à mon avis, le choix du futur. C’est aussi la volonté de mettre en avant une jeunesse pétillante, deux personnalités, deux voix exceptionnelles. »

Vous allez préparer ces deux voix à la finale de janvier, à Paris ?

« Oui nous allons prospecter l’ensemble du répertoire classique et opéra afin de définir ce qui peut leur aller. Nous ferons plusieurs choix que nous pourrons discuter avec Fabrice. Nous allons tenir compte des exigences du jury parisien qui est assez académique. Notre choix devra être à la fois académique et coller à la personnalité de chacun. »

Quel va être le programme ?

« Chaque lauréat va interpréter deux airs classiques. J’aurai la chance de les accompagner dans cet exercice avant de les laisser partir vers Paris. Quoi de plus beau pour nos gagnants que de démarrer la nouvelle année dans la ville lumière et à l’Opéra de Paris. »

Les voix polynésiennes sont rares dans ce répertoire ?

« C’est l’une des raisons majeures de mon investissement dans ce projet avec le Conservatoire de Polynésie française que de donner l’opportunité à deux enfants du fenua de chanter avec un orchestre sur la scène de l’Opéra de Paris. Tous les possibles sont ouverts avec ce genre de concours. »

Encadré 2

Fabrice Di Falco, co-fondateur des Voix d’Outre-mer :

Pour la deuxième année consécutive, le concours est perturbé en raison de la crise sanitaire. Vous teniez tout de même à venir et à avoir des candidats polynésiens pour la finale à Paris ?

« Il me semble important de proposer plus de diversité à l’Opéra de Paris. En Polynésie française, nous avons des voix qui méritent d’être écoutées et surtout d’être détectées. L’année dernière, malgré la crise sanitaire, nous avions sélectionné Tinalei Mahuta qui a reçu une mention d’encouragement autodidacte à Paris. Cette année, les sélections sont encore perturbées et nous n’avons pas pu rencontrer les chanteurs des îles éloignées de Tahiti, mais leur participation à la prochaine édition est déjà enregistrée. »

On a le sentiment qu’il existe un plafond de verre pour les Outre-mer, qu’en pensez-vous ?

« Je suis Martiniquais et je suis tout à fait capable de chanter du classique. Cette opportunité doit être la même pour tous. On pourrait avoir le sentiment que l’opéra n’est pas un élément de la culture polynésienne et donc qu’il n’y a pas de chanteurs polynésiens. Or il ne faut pas oublier que l’opéra était à l’origine une musique populaire. Tout le monde peut se l’approprier. »

Quelles ont été vos premières impressions lors des auditions et masterclasses ?

« J’ai été impressionné par les voix écoutées, mais aussi par la qualité de l’enseignement proposé par Gaby Cavallo et Emmanuelle Vidal. »

Quelle est la prochaine étape ?

« Nous donnons rendez-vous aux finalistes à Paris le 10 janvier 2022 pour la grande finale. En attendant, il va falloir travailler sa voix. Il faut souligner que tout est pris en charge. Les cours, les masterclasses, le déplacement à Paris. Tout est gratuit. »

Légende

Lylia a pu compter sur le soutien de sa maman.

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