Hiro’a n°158 – L’oeuvre du mois : Hoe, Piti, Toru : le triptyque prolifique d’Omaira Tuihani

158

L’ŒUVRE DU MOIS – Musée de Tahiti et des Îles (MTI) – Fare Manaha

p 22 oeuvre du mois Omaira

Hoe, Piti, Toru : le triptyque prolifique d’Omaira Tuihani

Rencontre avec Omaira Tuihani, artiste Texte : Vaea Deplat – Photos : Omaira Tuihani

Omaira Tuihani fait partie des quatre artistes diplômées du Centre des métiers d’art de la Polynésie française à exposer parmi vingt-deux autres au Musée de Tahiti et des Îles dans le cadre de « Fa’aiho, ta’u tufa’a, regards d’artistes contemporains » visible jusqu’en avril 2021. La jeune artiste y propose trois œuvres nommées Hoe, Piti et Toru. Un bijou en nacre et os, une peinture représentant la dualité Tiki-Ti’i, et un dessin de détails de paè kea, diadème des Marquises, répondant ainsi à trois des quatre thématiques attendues par le Musée : Tiki-Ti’i, ornement et navigation.

L’année 2020 a été faste pour Omaira Tuihani. Tout récemment diplômée du Centre des métiers d’art (promotion 2019), celle qui se rêvait dessinatrice de manga a été de toutes les expositions depuis janvier, entre salons de créateurs, galeries d’art ou Maison de la culture. Celle qui se considère artiste tout autant qu’artisane a participé à pas moins de six événements dans lesquels elle a dévoilé au public toute sa palette de talents : peinture, gravure, et dessin sur des supports et matières très variés (nacre, bois, os, toile).

Le foisonnement de pratiques artistiques comme marque de fabrique

Désormais, et pour les six prochains mois, c’est au Musée de Tahiti et des Îles qu’Omaira expose ses multiples talents aux côtés d’artistes connus comme émergents. Un bien beau parcours en un an et demi. Lorsque la jeune artiste découvre l’appel à participation du Musée de Tahiti et des Îles, elle n’hésite pas : « C’était comme une évidence de participer. Je me suis dit, j’expose au Musée, je vais répondre à l’invitation du commissariat d’exposition de proposer jusqu’à trois œuvres, d’autant que la salle d’exposition du musée est un espace immense. Et puis parce que je voulais avoir toutes les chances de mon côté », explique l’artiste, amusée, qui confie par ailleurs travailler sur de nombreuses œuvres en parallèle. Pour l’exposition « Fa’aiho », ses trois œuvres, gravure, peinture, dessin, de la plus petite pièce à la plus imposante sont à l’image d’une pratique artistique qui se déploie, déferle. Jusqu’à trouver sa place avec Toru, le dessin de détails de paé kea (78 x 200 cm). Une interprétation contemporaine autour de cette coiffe marquisienne. « C’est un objet que nous avons largement exploré au CMA. Quand tu travailles sur une pièce de 5 cm, tu n’es pas près de l’oublier ! C’est devenu un symbole important pour moi, un élément du patrimoine qui a du sens. Et puis, je trouvais que je n’avais pas assez exploré l’objet pendant mes études, d’où l’envie d’y revenir. »

Une confrontation inspirante

Ce triptyque à la taille imposante a été réalisé sur un grand rouleau de « papier Dépêche », du nom du quotidien de presse local. « Le crayon bougie (ou pastel) m’a permis de donner du relief, et ce côté plus contemporain. » La modernité rejoint le traditionnel, faisant dialoguer le dessin

avec le paé kea originel, tout droit sorti des collections permanentes du musée  pour l’occasion. La résonance entre le dessin et l’objet d’ornement patrimonial est limpide. Ou plutôt brouille les pistes ? Lequel a précédé ?

Si le nom de l’exposition ta’u tufa’a évoque la notion d’héritage, de patrimoine, sa finalité est de permettre aux artistes d’exprimer leur vision du patrimoine polynésien et plus particulièrement des collections conservées au Musée de Tahiti et des Îles.

Hoe, Piti, Toru : polysémie artistique

« Le nom de mes œuvres ? Pour le collier aux motifs australs qui comporte des références explicites à la navigation [la voile et la rame], j’ai souhaité un jeu de mots entre Hoe, la rame, et Hō’ē, le chiffre un. Puis Piti et Toru se sont ensuite imposés à moi. » Pour filer la métaphore, nous pourrions voir dans la couleur du diptyque Piti entourant le tiki une référence aux  foisonnantes fleurs jaunes de l’arbre tropical pītī (Tecoma stans, communément appelé Bois pissenlit, Bois Caraïbes ou Trompette d’or). Hoe, piti, toru, comme une scansion murmurée, une affirmation sereine en pleine progression. Une projection de la route à venir, un pas après l’autre. Le prisme démultiplicateur. Nous aimons y voir les sonorités et le rythme  d’une énumération, d’une accumulation. Toute la symbolique finalement du travail foisonnant et prolifique de l’artiste. « Cette polyvalence dans notre pratique artistique et artisanale nous vient vraiment de notre formation au Centre. Le CMA nous a ouvert l’esprit. On nous a poussés à être touche-à-tout, et on l’est restés. C’est désormais une sorte d’équilibre. » Un beau moyen de ne pas tomber dans la routine et d’être toujours là où on ne les attend pas forcément.

Ce mois-ci, vous pourrez également retrouver Omaira à la galerie du Chevalet dans le cadre d’une exposition collective « Hommage à Bobby » (du 12 au 24 décembre).

Encadré

Exposition

« Fa’aiho, ta’u tufa’a, regards d’artistes contemporains »

• Du 6 novembre au 25 avril 2021, Musée de Tahiti et des Îles

• Retrouvez 22 artistes rassemblés autour de quatre thématiques et des collections du Musée de Tahiti

• Ouvert du mardi au dimanche, de 9 heures à 17 heures

• Visite libre jusqu’à six personnes. Réservation fortement recommandée.

• Réservation et renseignements sur www.museetahiti.pf

• Visite guidée tous les vendredis à 15 heures pour des groupes de 5 personnes maximum, mais uniquement sur réservation préalable à [email protected] ou au 87 790 797.

Légendes

L’artiste et son œuvre représentant la dualité Tiki-Ti’i.

L’interprétation de la coiffe marquisienne par Omaira Tuihani.

Nacre et os pour ce collier.

Vous aimerez aussi...