Hiro’a n°158 – La culture bouge : Le masque ne musèle pas les envies

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LA CULTURE BOUGE –  Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa Rau

page 8 TOMMY YEUNG

Le masque ne musèle pas les envies

Rencontre avec Frédéric Cibard, responsable de la communication du Conservatoire, Bruno Demougeot, coach vocal au Conservatoire, Vanina Ehu, responsable pédagogique de la section traditionnelle. Texte : F.C. – Photos : CA PF

L’épidémie qui frappe durement le fenua est une épreuve pour chacun d’entre nous. Au Conservatoire artistique de la Polynésie française, Te Fare Upa Rau, on garde le moral malgré l’annulation des concerts et galas de fin d’année. De nouvelles idées naissent même de cette situation inédite, et l’espoir… demeure !

L’établissement, très à cheval sur le respect des normes sanitaires en vigueur et des gestes barrières, s’est réorganisé durant et après la première vague épidémique. Une telle réorganisation était, bien évidemment, la condition sine qua non pour la poursuite des enseignements délivrés à plus de 2 000 élèves. Les maitres mots furent alors « Distanciation », « Masque », « Gel hydroalcoolique ». Autant de nouvelles postures de vie dont on pourrait presque tirer un poème. Mais depuis plusieurs mois maintenant, le Conservatoire a surtout mis un point d’honneur à les faire respecter : « Quand nous avons rouvert les enseignements, à la fin du premier confinement, nous étions prêts », souligne le chargé de communication de l’établissement, Frédéric Cibard. « Nous avions fait installer, devant presque chaque salle accueillant notre public, des petites machines distribuant le gel. Nous avions également réglementé la circulation au sein de l’établissement, en interdisant notamment les regroupements au premier étage. Nous avions engagé des agents de sécurité pour faire respecter le port obligatoire du masque à partir de onze ans. » Et si ces nouveautés ont parfois rencontré quelques résistances avec certains parents, « tout est rentré dans l’ordre et toutes ces mesures nous servent, aujourd’hui, pour affronter la situation actuelle », conclut-il.

Une « famille » disciplinée… et passionnée

« Nos professeurs, nos agents administratifs et techniques et les membres de notre amicale ont été remarquables », poursuit le chargé de communication. « Ils ont trouvé les solutions qui convenaient pour la distanciation. Et les conseils des autorités sanitaires, notamment du médecin inspecteur de l’agence de régulation de l’action sanitaire et sociale, taote Mathilde Mélin, ont été essentiels pour établir des protocoles en matière de danse traditionnelle. Ces protocoles stricts se sont étendus à toutes les écoles de danse, avec le marquage au sol et la distanciation notamment, et un sens d’entrée/sortie des élèves en minimisant toute possibilité de contact. « Il était émouvant de voir nos toutes petites danseuses de quatre ans faire la queue avant d’entrer en cours, passer devant la petite machine à distribuer le gel et se frotter les mains, comme les grandes. »

Qu’il soit question de pratique des arts traditionnels polynésiens, des arts classiques ou bien encore des arts de la scène, la direction du CAPF a pu apprécier la discipline de sa « grande famille » mais avant tout le fait que le masque n’a bâillonné ni l’envie de danser, ni celle de jouer de la musique et de chanter. « Nous avons même assisté à l’éclosion de réels talents durant le confinement », rajoute le coach vocal du Fare Upa Rau, Bruno Demougeot, qui a multiplié les sessions en live sur l’Internet avec ses élèves. Ce qu’ont fait tous les enseignants de l’établissement. Et certaines de ces vidéos ont

recueilli plusieurs dizaines de milliers de vues.

Penser au passé, vivre le présent, préparer le futur

L’annulation de tous les concerts publics et du grand gala des arts traditionnels de décembre, place To’atā, a certes été un crève-cœur. « Mais tout le monde a compris que ce n’était pas possible, précise Vanina Ehu, responsable pédagogique de la section traditionnelle, et nous avons promis à nos parents de filmer, par groupes, leurs enfants et de leur envoyer les images. » « Cela a été encore plus difficile pour les formidables artistes du groupe Tere ’Ori, que nous produisions, avec le soutien du ministère de la Culture, sur le marae Arahurahu. Après deux superbes et prometteuses représentations, ils ont été obligés d’arrêter. Mais ils ont été formidables, très “classes”, et je crois qu’ils ont gagné de magnifiques lettres de noblesse », poursuit Frédéric Cibard.

Le passé, nostalgique, vibre dans tous les cœurs des élèves enfants, adolescents et adultes du CAPF. Le présent est difficile, mais chacun s’adapte. Quid du futur ?

« Nous savons qu’il faudra être patients, prudents et extrêmement rigoureux sur l’application des mesures sanitaires. C’est le combat de tout le fenua, combat contre la maladie, un combat de solidarité, et nous sommes solidaires. Mais nous préparons déjà l’avenir, et nous avons de merveilleux projets. » Parmi ces projets, la création, dès la rentrée prochaine, d’un premier baccalauréat technologique « Musique, danse et théâtre », en étroite collaboration avec les ministères de l’Éducation et de la Culture, et les équipes du lycée Paul-Gauguin et de sa proviseure, Dalila Messeghem. Un opéra en reo tahiti, qui n’avait pas pu voir le jour en juin. Un magnifique gala traditionnel, avec la guerre des dieux des temps anciens comme thème, écrit par Vaihere Cadousteau. Un concert du grand orchestre symphonique et des duels de voix dont on se souviendra.

Et, pour bien finir l’année, un concert de Noël enregistré sans public et qui sera diffusé à la population. Avec la participation d’un chœur de jeunes prodiges qui étonnera tous les amoureux des voix, et ils sont nombreux au fenua. « Parce que les arts portent l’espoir de tout un peuple. »

Légendes

Photo de la grande famille du Conservatoire masquée.

Stars du classique.

La section Musiques actuelles PRIO.

Amandine Clémencet et son élève de haut niveau, Tommy Yeung.

Kaha et Matahi.

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