Hiro’a n°146 – Culture bouge : Des livres, des îles, et un océan d’échange

Affiche_salonRencontre avec Marie Kops, coordinatrice du Salon du livre « Lire en Polynésie ».

Texte : Charlie Réné – Photos : TFTN

La 19 e édition du salon du Livre de Tahiti « Lire en Polynésie » ouvrira ses portes du 14 au 17 novembre. Le thème de cette année, « Histoires d’îles », propose aux visiteurs de multiplier les découvertes, dans la littérature polynésienne, mais aussi plus lointaine.

Auteur, éditeurs, illustrateurs… Tous ont donné rendez-vous aux lecteurs, mi-novembre, pour un nouveau salon du Livre « Lire en Polynésie ». La grand-messe de la littérature du fenua, organisé par l’association des éditeurs de Tahiti et des îles en partenariat avec la Maison de la culture (TFTN) promet quatre jours de dédicaces, de débats, d’ateliers et surtout de rencontres à Papeete. « C’est un rendez-vous qui a pris sa place dans le calendrier polynésien, et qui arrive à se faire connaître à l’extérieur », note la responsable de l’événement, Marie Kops. Et avec cette 19e édition, où l’on attend plus de 7 000 visiteurs contre 3 000 lors de la première, en 2002, le Salon entend bien confirmer son statut de rendez-vous artistique régional. En témoigne le thème retenu cette année : Histoires d’îles. « C’est l’occasion, pour les littératures insulaires, de se découvrir, d’échanger et de se retrouver autour de ce qui les rapproche, mais aussi de ce qui les rend uniques », précise le président de l’association des éditeurs, Christian Robert. Pas de surprise donc, si, parmi la dizaine d’invités extérieurs, les Océaniens, de la Nouvelle-Calédonie à Hawaii en passant par le Vanuatu, sont très représentés. Mais le salon du Livre, c’est aussi – et surtout – un outil de rayonnement pour la littérature du fenua : pas moins d’une trentaine de nouveaux ouvrages seront présentés par les éditeurs locaux. Et les auteurs du pays – « habitués comme nouvelles têtes » – seront bien sûr de la fête.

« Book-dating » et ateliers

Dans les allées de la Maison de la culture, l’échange sera donc le maître mot. Entre les conférences, les lectures et projections de documentaires, les visiteurs pourront participer à des ateliers encadrés par des invités du Salon. Écriture et carnets de voyage avec la métropolitaine Ingrid Astier, slam avec le Calédonien Paul Wamo, mais aussi, ateliers pochoirs avec Laurent Cardon, ou bande dessinée et illustration avec Gotz ou Frederic Levy… Preuve que le rendez-vous littéraire sait vivre avec son temps, l’échange se fera aussi par des « Book dating ». À chacun, lecteur compulsif ou occasionnel de présenter à d’autres, dans un temps limité, un ouvrage qui lui tient à cœur. S’y ajoute une ribambelle
d’animations jeunesses et à destination des familles, notamment durant le week-end, sans compter les parcours sur mesure pour les scolaires… « On a travaillé sur un programme qui ouvre, qui rend accessible, qui créé des passerelles », reprend Marie Kops. « L’idée est toujours la même : attirer les gens pour les amener à s’intéresser au livre ». Et dynamiser une filière culturelle qui mérite plus que jamais d’être mise en valeur.

Un concours « transdisciplinaire » pour 2020

« Chronique des îles » c’est le thème du concours d’écriture, pour petits et grands, organisé à l’occasion de cette 19 e édition. Les œuvres ont déjà été déposées, et une première sélection est à découvrir dans les pages de Tahiti Infos et sur les ondes de Polynésie la 1ère. Au public de les départager, avant le 15 novembre. Mais à cette date, c’est un autre concours qui sera lancé, sur le plus long terme. L’idée ? Livrer un texte, mais aussi des illustrations autour du thème « Il était une fois… mon récif ». Une initiative mise sur pied par les organisateurs du salon en partenariat avec l’IRCP (Institut des récifs coralliens du Pacifique, accueilli au Criobe de Moorea) dont les scientifiques multiplieront les interventions de sensibilisation à l’occasion du concours. « C’est un projet transdisciplinaire entre la science, la littérature et les arts plastiques », explique Marie Kops. Alors, à vos plumes et pinceaux, seuls ou en groupe… Date limite de participation : le 30 avril 2020, pour une présentation des lauréats, sous la forme d’un recueil gratuit, lors de la 20e édition du Salon.

« Un vrai projet pédagogique »

Pour un salon qui veut construire l’avenir des métiers du livre, attirer la jeunesse est une priorité. Raison pour laquelle l’association des éditeurs et le pôle activités de la Maison de la culture ont construit des programmes « à la carte » destinés aux établissements scolaires. Ceux-ci ne boudent pas leur plaisir : entre 2 000 et 2 500 élèves devraient fréquenter cette 19e édition, et participer à des activités. Et pour d’autres, ce sont les auteurs et illustrateurs qui viendront à eux, dans le cadre d’un partenariat avec le centre de lecture / médiathèque, antenne de la direction de l’enseignement. Une liste d’invités « jeunesse » est définie avec les établissements, et c’est « un vrai projet pédagogique » qui se met en place autour de ces rencontres. Les trois invités jeunesse de cette année, Laurent Cardon, Jean-Christophe Tixier et Frédéric Levy, animeront quarante-six de ces rendez-vous, à Tahiti, mais aussi Ra’iatea et Taha’a. Soit plus d’un millier d’élèves concernés.


Les invités

Ingrid Astier :

Conquise depuis longtemps par la Polynésie, Ingrid Astier avait jusque-là préféré situer ses romans noirs sur les quais de Seine plutôt que sur la côte du Pacifique. Du Quai des enfers, qui l’a fait connaître au grand public, au récent Haute voltige, qui l’a confirmée auprès de la critique comme une valeur sûre du polar, la Clermontoise s’est taillé, grâce à son style tout en nuance et son goût prononcé du détail, une place à part dans le paysage littéraire français. Mais la normalienne, toquée de cuisine et férue de cirque, n’a pas fini d’étonner. Elle sort cette année La Vague, roman saisissant autour de la houle mythique de Teahupoo, où se croisent surfeurs légendaires et destins brisés, lagon turquoise et trafic d’ice. Le roman est édité pour le Pacifique par les éditions Au Vent des îles.

Paul Wamo :

À seulement 37 ans, cet artiste inclassable, poète, musicien, slammeur ou écrivain est déjà une figure incontournable de la scène artistique de Nouvelle-Calédonie. Ses textes, souvent engagés, sont à l’image de sa vie : fils de chef de clan de l’île de Lifou, il a passé l’essentiel de son enfance dans un quartier populaire de Nouméa. Aujourd’hui, il mélange les textes rappés, chantés, contés, seul sur scène ou avec des musiciens, s’entourant de sonorités urbaines autant que de rythmes traditionnels… Paul Wamo, qui exporte et développe son art en Métropole depuis 2014, s’ingénie à casser les codes, mélanger les points de vue et faire dialoguer les cultures.

Laurent Cardon :

De l’école des Gobelins, à Paris, aux studios d’animation coréens, espagnols ou vietnamiens, en passant par les États-Unis ou le Brésil, où il vit aujourd’hui, Laurent Cardon aime changer d’horizons. Mais la littérature jeunesse, qu’il a découvert plutôt tard dans cette riche carrière, semble désormais lui coller à la peau. Il a illustré une soixantaine de livres, pour certains primés à l’international, et a été l’auteur de nombreux autres. Amitiés, différences culturelles, apprentissage… Dans une série récente de six ouvrages parus aux éditions du Père Fouettard, Laurent Cardon explore, avec légèreté et humour, le monde de l’enfance à l’aide d’un poulpe, d’un pou, d’une araignée ou d’une bande de poule.

Hamid Mokkadem  :

Agrégé de philosophie et docteur en anthropologie et ethnologie, Hamid Mokkadem vit et travaille en Nouvelle-Calédonie depuis la fin des années 1980. Il a développé, à force d’enquête de terrain, une connaissance pointue de l’archipel, et plus généralement du monde et de la culture kanake, dont il est un expert réputé à l’international. Auteur, chercheur, il est aussi éditeur indépendant, et entend aider des auteurs Kanak à s’exprimer. Il a signé, fin 2017, un portrait de Yeiwene Yeiwene, leader indépendantiste assassiné, dont l’histoire et la vision politique sont longtemps restés dans l’ombre de celles de Jean-Marie Tjibaou ou du révolutionnaire Eloi Machoro. Hamid Mokadem prépare d’ailleurs un documentaire sur ce dernier.

Parmi les nouveautés du Salon

Les éditeurs polynésiens proposent cette année plus d’une trentaine de nouveautés aux visiteurs du Salon. Petit tour d’horizon…

Un poisson nommé Tahiti – Mythes et pouvoirs aux temps anciens polynésiens, de Bruno Saura, Au Vent des îles

Une énorme anguille avale une jeune fille et ébranle Havai’i, l’ancienne R’aiatea, dont un morceau prend le large… Ainsi est né, dans la légende, le poisson Tahiti et la future île capitale, présentée dans ce mythe comme une terre subalterne, autrefois « sans dieux, ni chef sacrés ». L’universitaire et anthropologue Bruno Saura expose et décompose ce récit traditionnel bien connu pour mieux éclairer l’histoire et l’esprit de l’archipel.

Quelques Plantes utiles de Polynésie et ra’au tahiti de Paul Pétard Editions Haere Po

Trente-trois ans après sa première édition, l’ouvrage du célèbre pharmacien-botaniste garde tout son intérêt et son charme, avec ses croquis, schémas, photos et planches botaniques. Mais « Le Pétard » a été actualisé pour respecter les nouvelles appellations scientifiques, retrouver les différents noms vernaculaires, mettre à jour les données agricoles ou les applications pharmaceutiques… Cent trente-cinq plantes et autant d’histoires à découvrir ou à redécouvrir.

Samo l’enfant des vagues – Tome 1 Fafaru Gang de Mickey MotoEditions des Mers Australes

Graphiste et illustratrice, Mickey Moto se lance dans la bande-dessinée avec ce premier tome des aventures de Samo. Plus branché body-board et graffiti qu’école et devoirs, « l’enfant des vagues », nous entraîne, avec son pote Coyote, dans une cascade de péripéties. Bandes rivales, défi fou, vieil entrepôt, « Mater » en colère, et légendes polynésienne… Les ingrédients d’une belle aventure adolescente.

Maeva peint de Magdalena et Christine Davenier Au vent des îles

« Maeva est une petite fille tête en l’air mais pleine d’envies. Qui avec de la peinture met de la couleur dans nos vies ! ». Cet album joliment illustré, accessible aux plus petits, raconte l’histoire ô combien universelle d’une petite fille qui préfère la peinture à l’école. Il est né de la rencontre d’une auteure de jeunesse à succès, et d’une illustratrice renommée en France et aux États-Unis. Leur ambition commune : donner le goût des livres aux enfants.

Chat la la ! Les Comptineurs de TahitiÉdition des Mers Australes

Dans ce nouveau livre audio, les Comptineurs de Tahiti s’amusent – et nous avec – d’histoires de chats. Rythme entraînants ou chansons berçantes, ces douze comptines plairont, promet l’éditeur « autant aux bébés qu’à ceux qui ont gardé leur âme d’enfant ».

Moorea mon île cœur de Maïre Vallaux Bodereau ‘Ura Edition

Un album pour la jeunesse, trilingue tahitien, français et anglais. On y suit, au travers d’images lumineuses et de textes courts, la jeune Aimeho, dix ans sur son île natale de Moorea. Traditions, famille, quotidien… C’est tout un « petit univers » que l’auteure, qui a aussi signé l’album « Mangareva, mon île perle » sorti cette année, nous fait découvrir.

Bulletin N°348 la carte de Tupaia SEO

La vénérable Société des études océaniennes a beau avoir été créée en 1917, elle est toujours à la page. Son 348e bulletin est entièrement consacré à « La carte de Tupaia », au moment même où le « maître d’astres et de navigation polynésienne » est au cœur de commémorations dans toute la région. Embarqué en 1769, voilà deux cent cinquante ans, avec James Cook pour l’aider à explorer les mers du Sud, le Ari’oi de Ra’iatea a laissé une incroyable carte qui dit beaucoup sur sa représentation du monde.

Flexifood

De Valérie Muller et Annabel Montenot Robert Au vent des îles

Un voyage culinaire qui invite à se faire plaisir tout en soignant son corps. Gourmandise et diététique, petits plats pratiques et vraies questions santé… Cent quarante recettes illustrées à dévorer.


Pratique

Les ateliers ouverts au public

Vendredi 15 novembre :

• 16 h 00 – 18 h 00 Atelier écriture avec Ingrid Astier (public adulte) – salle Marama

• 14 h 00 – 16 h 00 Atelier semi-pro de l’UPF Comment enseigner l’histoire (public adulte) – salle Muriāvai

• Toute la journée Rallye lecture et jeu de l’oie à la bibliothèque enfant (public jeunesse)

Samedi 16 novembre :

• 9 h 00 – 16 h 00 L’île aux enfants, la garderie pour les petits à partir de trois ans.

• 9 h 00 – 11 h 00 Atelier carnet de voyage avec Ingrid Astier (tout public) – salle Mahana

• 10 h 00- 11 h 30 Atelier bande dessinée « côté récif » avec Gotz (tout public) – salle Mato

• 10 h 00 – 12 h 00 Atelier Slam avec Paul Wamo (tout public) – salle Marama

• 10 h 00 – 10 h 20 les tout-petits et les livres – bibliothèque enfant

• De 10 h 00 à 15 h 30 des ateliers pour le public jeunesse sous le grand chapiteau

• Toute la journée rallye lecture (public jeunesse)

Dimanche 17 novembre

• 9 h 00 – 16 h 00 L’île aux enfants, la garderie pour les petits à partir de trois ans.

• 9 h 20 – 10 h 00 conte de Léo, l’île d’or

• 10 h 00 – 10 h 20 les tout-petits et les livres – bibliothèque enfant

• 13 h 30 – 14 h 00 Lecture animée suivie d’un atelier peinture sur coco – sous le cocotier

• De 10 h 00 à 15 h 30 des ateliers pour le public jeunesse sous le grand chapiteau

• Toute la journée rallye lecture

• Tous les jours, dès 8 heures du matin des animations, contes, lectures, des conférences, des projections, des dédicaces, des rencontres et des ateliers…

• Retrouvez chaque jour le programme du salon sur www.lireenpolynesie.com

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