N°118 – Le casse-tête, une œuvre unique

Service de l’artisanat traditionnel (ART) – Pu Ohipa Rima’i

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Rencontre avec Viri Tara, sculpteur marquisien. Texte et photos : SF 

 

 

Viri Tata est originaire de Ua Pou. Ce sculpteur marquisien aime travailler la pierre, le bois et l’os. Il est à l’origine d’un magnifique casse-tête en bois. Rencontre.

 

Du haut de ses 1 mètre 30, il impressionne. Gravé finement dans de l’ébène vert, le tau en reo tahiti, ce casse-tête dégage une grandeur et une intensité qui ne laissent pas indifférent. Souvent utilisé par les guerriers, il était le symbole d’une certaine puissance. « La manière dont il était si finement gravé démontre aussi le talent des sculpteurs et la valeur que l’on portait à notre culture », confie Viri Tata, qui a appris cette manière de faire grâce un artiste de Ua Huka. Plus jeune que lui, le sculpteur lui a montré comment tailler le croquis du casse-tête, retirer et faire sortir les six têtes des tiki dans le casse-tête et comment placer les motifs. Tout un art. « Les ancêtres utilisaient le casse-tête pour faire la guerre. Il y avait donc des endroits pour le tenir : en haut, au milieu et en bas. Ces endroits sont sans motif ». Sur le haut du casse-tête, le chapeau, six tiki sont gravés, trois de chaque côté. Ils représentent les six îles habitées de l’archipel : Nuku Hiva, Hiva Oa, Fatu Hiva, Ua Huka, Ua Pou et Tahuata. Le tiki parle des Marquises, c’est d’ailleurs un mot Marquisien puisqu’en reo tahiti on dit ti’i. « A travers ce mot, très important pour nous, c’est la valeur de nos ancêtres qui est représentée », souligne Viri Tata qui rappelle qu’à l’époque les sculpteurs étaient des tuhuka *. « Ils apportaient leur mana et leurs savoir aux guerriers ou chefs de tribu. C’était aussi eux qui lors des cérémonies faisaient l’offrande au dieu ou servaient d’intermédiaire pour la paix en offrant notamment leurs sculpteurs ». Si le rôle du sculpteur est différent aujourd’hui, il reste tout aussi important. Rares sont les artistes capables de réaliser des pièces si fines, qui demandent un véritable investissement.

 

Une pièce finement travaillée

 

Viri Tata a dû passer la vallée de son district au peigne fin durant trois ou quatre jours avant de trouver son bonheur. Le tau est prolifique à Ua Pou. Ses veines sont tigrées. C’est un Français habitant aux Marquises qui a fait des recherches et donné le nom d’ébène vert. Depuis une dizaine d’années, des règles mises en place par le Service du Développement Rural (SDR) exigent de découper ces arbres uniquement à partir d’un certain âge afin de les préserver. « On ne peut couper les arbres que lorsqu’ils ont atteint les 35 ans. On le voit par rapport aux veines, plus il y en a, plus il est vieux », précise le sculpteur. Une fois l’arbre choisi et coupé, il faut ramener le bois à l’atelier, pas une mince affaire. « Il faut faire attention à ne pas le laisser tomber car il peut avoir des fissures, et du coup, cela se verra et fragilisera la pièce ». Une fois dans son atelier, il faut découper le bois et voir quoi en faire : un tiki, un casse-tête, un masque, ou encore un kooka**. Pour le casse-tête, le bois doit être assez épais, tendre et plein afin d’éviter les fissures. L’ébène vert a beaucoup de valeur pour les Marquisiens car en plus d’être résistant, il est plus facile à graver que le bois de rose, et surtout il se marie bien et met en valeur les motifs gravés dessus. « Il a différentes couleurs quand tu le graves : noir, marron et blanc. Le résultat est souvent magnifique ». Viri Tata a mis un peu plus d’une semaine pour réaliser son casse-tête. Un symbole que l’on retrouve aujourd’hui dans les spectacles de danse.

 

 

* Tuhuka : prêtre

** Kooka : un plat, l’équivalent du umete en reo tahiti

 

 

 

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