Te pinai o te aru, l’écho de la forêt
Du 21 septembre au 6 octobre, la galerie Winkler organise au jardin Botanique de Papeari une exposition insolite mettant en scène des oeuvres d’artistes locaux installées au coeur de ce lieu fait d’essences rares, de fleurs excentriques et d’immenses et tortueux mape, aussi mystiques qu’esthétiques. Un collectif d’élèves du Centre des Métiers d’Art prendra part à cet événement qui permettra d’appréhender la nature et l’art autrement.
Des œuvres inspirées par l’histoire du jardin botanique de Papeari, son histoire, ses légendes et son ambiance si particulière : l’exposition promet d’être originale. « L’idée est de comprendre et de voir comment l’environnement influence ou participe à l’œuvre, mais aussi de modifier l’espace d’exposition, de sortir des salles pour prendre le temps d’explorer le paysage », indique Vaiana Drollet, directrice de la galerie Winkler à l’origine de ce projet. « Les visiteurs empruntent un parcours qui les fait dialoguer entre cette nature façonnée par l’homme – puisqu’il s’agit d’un jardin – et la création contemporaine, qui lui répond. » Vaiana a réuni pour cela une vingtaine d’artistes d’horizons et d’inspiration variés (peintres, sculpteurs, photographes, plasticiens) engagés pour l’occasion autour d’un sujet commun. « L’un des enjeux de ce projet est de mettre en avant le rapport entre l’espace public et l’intimité de l’artiste, poursuit Vaiana. Chaque artiste a investi le paysage à sa manière, leurs œuvres sont conçues à l’échelle de ce sous-bois et à l’écoute de l’atmosphère qui s’en dégage. Il est très intéressant de découvrir comment la morphologie du paysage est interprétée par les sensibilités propres à chaque artiste. »
Tu’i Mape
Pour la première fois, le Centre des Métiers d’Art participe à une exposition collective organisée par la Galerie Winkler. Onze élèves de 2ème année ont ainsi conçu et réalisé une installation que vous pouvez admirer dans le Jardin Botanique depuis le 21 septembre. L’œuvre s’intitule « Tu’i Mape » et se confond avec l’environnement, autant paysager que socio-culturel.
“Notre projet a commencé par une attitude d’observation, d’investigation et d’expérimentation sur les lieux, indique Rangitea Wholer, enseignante en dessin. Productions de dessins, témoignages d’une vision personnelle de la forêt, échantillonnage photographique des textures ou matières présentes, récolte de fruits, feuillages, branchages, tous ces éléments constituant le macrocosme de la forêt. Ces productions ont été complétées par des recherches documentaires autour du mape, que ce soit son utilisation dans la médecine traditionnelle, ses caractéristiques physiologiques ou bien encore les légendes qui s’en inspirent, poursuit-elle. La forêt de mape du Jardin Botanique est exceptionnelle. Elle impose le respect et nous interroge sur la place de l’homme vis-à-vis de cette nature dominante. Nous avons donc choisi d’intervenir de manière humble, en concevant une œuvre qui ne dénature pas le lieu, et qui se fond le plus possible dans le paysage ; une œuvre empreinte de mimétisme. »
Pour réaliser leur tu’i mape, les élèves du Centre ont fabriqué plus de 400 mape en plâtre. « Il a fallu retravailler chaque mape individuellement, afin de se rapprocher le plus fidèlement possible de l’aspect du fruit au toucher : les irrégularités de la coque, les nervures, les creux, les pointes) et de son aspect visuel, à travers une gamme de six couleurs qui ont été trouvées après de multiples mélanges et surtout beaucoup de patience », explique Rangitea.
Au-delà de l’aspect technique, cette œuvre puise dans la mémoire d’une pratique typiquement polynésienne : les enfilades de mape que l’on retrouve au bord des routes à la vente, particulièrement à Papeari et dans les districts voisins. « Aux assemblages artisanaux se sont substitués aujourd’hui les sachets en plastique, regrette Rangitea. De plus, la récolte des mape à tendance à disparaître peu à peu. Aujourd’hui, les gens consomment moins de mape, leur préférant des produits importés. Ces grands Tu’i mape, dispersés discrètement dans la forêt, nous rappellent une pratique qui se perd, mais encore bien présente chez certains habitants de Papeari aujourd’hui. »
Deux espaces distincts mais un seul et même cheminement
L’exposition « Te pinai o te aru, l’écho de la forêt » se poursuit sous une autre forme, du 26 septembre au 08 octobre à la galerie Winkler de Papeete. Les artistes participants ont en effet dû imaginer une autre création en écho à l’oeuvre réalisée in situ. « L’intérêt étant de faire résonner les œuvres de chaque artiste simultanément dans deux espaces distincts », explique Vaiana Drollet, directrice de la Galerie Winkler.
« Dans la galerie, nous avons installé une grande marmite, faisant toujours référence aux vendeurs de mape au bord de route, avec leurs marmites posées sur la table », nous apprend Rangitea.
Est-elle pleine ou vide ? Quand on s’en approche pour voir l’intérieur, on redécouvre alors le paysage de la forêt peint tout autour, cadré sur les troncs et racines imposants des arbres de mape, et se reflétant dans un miroir rond posé au fond de la marmite.
« Une manière pour nous de ramener l’immense forêt depuis le Jardin Botanique jusqu’à l’intérieur de la galerie. »
Expositions « Te pinai o te aru, l’écho de la forêt » : Pratique
– Au jardin botanique de Papeari
Du 21 septembre au 6 octobre
Du lundi au dimanche, de 9h à 17h
Entrée adulte 600 Fcfp, tarif de groupe, gratuit pour les scolaires.
Tel : 57 11 07
– A la galerie Winkler
Du 26 septembre au 8 octobre
Du lundi au vendredi de 9h30 à 12h et de 13h30 à 17h30 / de 8h30 à 12h le samedi
Entrée libre
+ d’infos : 42 81 77
Les artistes participants : Miriama Bono, Jonhatan Mencarelli, Andreas Detloff, Emerita Taputu, Jean Duday, Jean-Paul Forest, Sylvie Actis Barone Bernard Berbille, Corinne Cimerman, Collectif CMA*, Brunet Curet, Jean Dubrusk, Eric Ferret, Patrick Guichard, Nadia Kincses-Deak, Mov, Marc Rambeau, Tevaite Rey, Tahea, Taloo, Keziah Taputuarai.
* Le collectif CMA est composé de : Christina TIMAU, Moea PAOFAI, Kahara PALMER, Petero TUMARAE, Maire TETUANUI, Jean-Pierre TSING, Keziah TAPUTUARAI, Tuheirai TIXIER, Christine MAIHI, Manarii TETAUUPU, Ioane MAHAI, Eva RENOU.