Rencontre avec l’équipe du Centre des Métiers d’Art.

Centre des Métiers d’Art – Pu ha’api’ira’a toro’a rima i

Musée de Tahiti et des Iles – Te Fare Manaha

 

Enrichir la culture ou parler de nous au présent

Exposition d’art contemporain polynésien du Centre des Métiers d’Art au Musée de Tahiti et des Îles: « MANAVA »

 

Du 8 juin au 28 septembre, le Centre des Métiers d’Art présente une exposition d’art contemporain de ses élèves et enseignants au Musée de Tahiti. Elle est l’aboutissement de plusieurs mois de réflexion et de travail menés notamment avec Alexander Lee, artiste polynésien installé à New York et intervenant au CMA. Les questionnements de ces créateurs en devenir et expérimentés par rapport à eux-mêmes et à leur culture reflètent avec audace et humour le monde qui les entoure et leur rapport à ce dernier.

 

Expérimenter les matériaux, les concepts, leur signification et donner corps aux idées pour témoigner de représentations polynésiennes : c’est la démarche qu’Alexander Lee a insufflée tout au long de la master class* qu’il a proposé aux élèves du Centre des Métiers d’Art de novembre 2012 à mai 2013. L’objectif : réaliser une exposition d’art contemporain polynésien au Musée de Tahiti, susceptible d’être exportée Outre-mer et notamment aux États-Unis. La barre est haute et pas question de transiger ! L’enseignement d’Alexander Lee vise à élargir le champ des pratiques des élèves et à permettre de développer de nouvelles approches, à travers un processus de création propre à chacun. « Réfléchir sur eux-mêmes et en dehors d’eux-mêmes pour décloisonner leur pensée » relève l’artiste. « C’est un effort de perception difficile, mais cela fait partie de l’exercice quotidien du créateur plasticien ».

 

Un engagement personnel

 

Ce travail nécessite des élèves un engagement personnel, « par rapport » et « en dehors » de leurs histoires, ils doivent être à la fois acteur et spectateur, aller au-delà des influences, des références, pour innover à travers un langage et un mode d’expression singulier et à la fois universel… Après six mois de cours, de recherches, de déconstructions et d’analyses, une vingtaine d’élèves a été sélectionné pour présenter leurs travaux lors de cette exposition intitulée « MANAVA »**.

Inscrits en réaction ou en continuation des traditions polynésiennes et des courants artistiques, les créateurs en herbe ont rivalisé d’imagination pour mettre en scène leurs idées.

Chaque projet retenu pour « MANAVA » traduit plus ou moins explicitement une prise de conscience, une distance pertinente sur les multiples dimensions du monde polynésien contemporain par rapport au vécu de chacun.

Cette exposition inédite sera un panorama des questionnements de la jeunesse polynésienne, un laboratoire de fraîcheur et d’éclectisme, une construction culturelle et artistique offerte au public.

Alexander Lee nous en dit plus sur le concept de cet événement prometteur.

 

« Nous représenter nous-mêmes »

 

« Cette exposition, c’est la réponse à un défi que Viri Taimana, le directeur du Centre des Métiers d’Art et Tokai Devatine, enseignant en histoire et culture polynésienne, m’avaient lancé : concevoir un projet culturel et artistique exportable à l’étranger. C’était leur idée. Ils ont toujours tenté de dynamiser les programmes du Centre, ne se contentant pas d’apprendre aux élèves l’histoire et l’artisanat traditionnel, mais leur apportant une éducation artistique par l’expérimentation pour qu’ils comprennent la valeur de la création visuelle et du langage plastique. La culture polynésienne est vivante et il s’agit de l’alimenter, dans un dialogue permanent avec d’autres cultures. Il faut la réinventer et la perpétuer en même temps. Notre premier contact remonte à août 2011, j’avais fait une présentation de mon travail auprès des élèves. Nous avons dès lors gardé le contact et notre dialogue avec le Centre est né ainsi. Pour concrétiser ce projet d’exposition, je suis revenu à Tahiti régulièrement depuis novembre 2012 pour donner des cours d’art contemporain. J’ai essayé de montrer aux élèves une autre façon de pratiquer la création, une autre vision du monde et de l’expression artistique. Ils ont ensuite commencé à travailler sur un projet personnel, dont on débattait ensuite tous ensemble pour parvenir à une proposition artistique pertinente pour un public d’ici et d’ailleurs. L’exposition est d’abord présentée au Musée de Tahiti et des îles, ce qui est une très bonne chose pour le public local, mais aussi pour notre projet car nous allons ainsi réaliser de vrais supports visuels pour proposer par exemple cette exposition à des institutions culturelles américaines comme le Field Museum de Chicago, le Centre culturel de Chicago avec le soutien du département des Ressources    Naturelles, de la Culture, des Arts et de la Nature du Chicago Park District… que nous avons rencontré avec Tokai Devatine au mois d’avril. Amener Tahiti dans les grandes villes américaines serait vraiment intéressant, car cela représentera une nouvelle occasion de promouvoir notre culture à l’extérieur de la Polynésie, nous présenter et en quelque sorte, abolir les clichés exotiques ».

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Zoom sur certains projets d’élèves…

 

Christine Maihi, Mon Atoll

Peintures acrylique et gouache – Entre humeurs et impressions.

 

Keziah Taputuarai, Haka manu

Peintures acrylique – Keziah au travers d’un élément du patrimoine culturel immatériel marquisien qui lui est cher propose une réflexion sur l’action picturale dans laquelle le support est présenté comme la mémoire d’une action visuelle.

 

Atamarama Poihipapu, to’ere-matique

Dispositif sonore mécanique imitant le jeu des percussions traditionnelles de la famille des idiophones* (to’ere) et posant la question de l’évolution et de l’avenir de la manière de battre les rythmes en Polynésie.

 

June Mahai, Duel

Impression numérique – Mise en scène renvoyant à la dualité en chacun de nous, cette image interroge le statut de la femme polynésienne en dehors des clichés.

 

Heipua Kelly, Hikueru

Impression numérique – Ce travail pose la question des conditions de vie et de survie dans les atolls de Polynésie française dans un contexte mondial de changements climatiques et de montée du niveau de la mer. Pour cela, Heipua  emprunte à l’histoire de son atoll des faits historiques et familiaux vécus par sa grand-mère lors du cyclone de 1906 à Hikueru.

 

Moea Paofai, Pito

Impression numérique et tressage – Composition réalisée à partir d’images de nombrils (pito) renvoyant au lien primordial et nourricier entre les générations ainsi qu’au lien nous rattachant à la terre.

 

Warren Orbeck, Parcours

Installation – À travers des éléments de son parcours autobiographiques à l’échelle d’archipels entiers de Polynésie française, Warren matérialise une occupation de l’espace rappelant des pratiques, bientôt disparues, de nomadisme saisonnier dans les atolls des Tuamotu.

 

Jean-Pierre Tsing, Héritage

Sculpture – Jean-Pierre nous livre une œuvre utilisant un langage artisanal des Tuamotu, les travaux en coquillages, afin de parler des travaux atomiques expérimentés dans ce même archipel.

 

 

ENCADRE

Exposition d’art contemporain polynésien « MANAVA » : Pratique

– Au Musée de Tahiti et des Îles

– Vernissage vendredi 7 juin à partir de 18h

– Exposition du 8 juin au 28 septembre

– Ouvert du mardi au samedi, de 9h à 17h

– Entrée : 600 Fcfp / gratuit pour les scolaires et les étudiants

+ d’infos : 54 84 35 – www.museetahiti.pf et sur Facebook : Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha. www.cma.pf

 

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ENCADRE

Les prétendants au Certificat du Centre des Métiers d’Art : « prêts au rendez-vous » ?

Ils sont cinq à présenter un travail artistique en vue de l’obtention du diplôme du Centre des Métiers d’Art, qui sanctionne trois années d’études et de pratiques approfondies. Nathalie Saint Val (sculpture), Mike Teissier (sculpture), Matahi Chung Sing (sculpture), Taumata  Teraaitepo (sculpteur) et Warren Orbeck (gravure) vont présenter leurs œuvres de fin d’étude devant le jury. Celui-ci est composé de spécialistes reconnus en matière de patrimoine et d’art : Théano Jaillet (directrice du Musée de Tahiti et des îles), Louis Devienne (artiste peintre) et Raphaël Taiaatu (artisan sculpteur).

Un niveau d’exigence élevé est requis pour ce certificat de formation reconnu en Polynésie française et dont les partenaires universitaires du Pacifique reconnaissent la qualité. Les examens s’inspirent en effet de ceux pratiqués dans les écoles supérieures d’art, aussi bien du point de vue de l’accompagnement technique que des présentations (entretiens, dossiers de recherches, etc.). Rendez-vous vendredi 28 juin pour découvrir les œuvres des élèves.

 

Remise des diplômes et exposition des œuvres :  Pratique

– Vendredi 28 juin, à partir de 18h

– Entrée libre

– Exposition des œuvres et animations variées

+ d’infos : 43 70 51 – www.cma.pf

 

 

* Voir Hiro’a n°67 (avril 2013), rubrique Ce qui se prépare, « L’histoire est à nous », ainsi que le Hiro’a n°63 (décembre 2012), rubrique Culture bouge, « Résoudre des questions de forme et de fond ».

** Le titre de cette exposition renvoie à une introspection et fait aussi écho au substantif « bienvenu ».

 

* Un idiophone ou autophone est un instrument dont le matériau lui-même produit le son lors d’un impact.

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