« Sans partage, la musique ne serait pas »

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Professeur de clarinette au Conservatoire, Jean-Marie Dantin joue de la clarinette depuis près d’un quart de siècle, écoute de la clarinette, enseigne la clarinette, donne des concerts de clarinette… Sa vie entière tourne autour de cet instrument qui fait partie de lui, et dont il ne se lasse pas de transmettre toute la beauté.

Comment es-tu devenu professeur de clarinette ?

De base, je suis instituteur. Pendant mon cursus à l’Ecole Normale, et comme j’ai obtenu un prix de conservatoire en clarinette, j’ai eu l’opportunité d’enseigner cet instrument dans une école de musique associative, à Tullins (Isère). J’ai été instituteur pendant 15 ans et puis j’ai décidé de passer les examens pour devenir professeur de musique en collège, discipline que j’ai enseigné le reste de ma carrière tout en continuant à jouer dans des orchestres et à enseigner dans les écoles de musique. Aujourd’hui, je suis à la retraite et donne des cours de clarinette au Conservatoire de Polynésie depuis une dizaine d’années.

Pourquoi la clarinette ?

Je ne sais pas exactement, mais ça ne pouvait pas être un autre instrument… C’était comme une évidence… J’ai commencé à l’âge de 12 ans. J’habitais un petit village du Nord de la France, ravagé par la Seconde Guerre Mondiale. Comme pour renaître de leurs cendres et s’évader d’un quotidien pas toujours marrant, les gens jouaient beaucoup de musique. J’allais régulièrement aux concerts de l’harmonie du coin. Les clarinettes étaient au premier rang, j’avoue qu’elles me fascinaient ! Ma mère m’a poussé à apprendre un instrument, pour éviter que je ne traîne dans les rues. 7 ans après avoir commencé, j’ai obtenu mon prix, l’équivalent du DEM (diplôme d’étude musicale) aujourd’hui.

Et comment es tu arrivé à Tahiti ?

Un de mes fils était venu travailler ici en tant qu’adjoint au chef de la fanfare du RIMAP. Je venais d’être à la retraite ; avec ma femme, nous avons décidé de lui rendre visite. Lui est reparti, mais pas nous ! Comme on dit, nous avons été piqué au tiare… La gentillesse des gens et le climat nous ont donné envie de rester. Immédiatement, j’ai rencontré Colin Raoulx, alors Directeur du Conservatoire, et joué dans la grande harmonie. Mon objectif n’était pas du tout de devenir professeur de clarinette mais lorsque le tenant du titre est parti en 2003, Colin m’a demandé si je voulais bien donner des cours, temporairement… Et puis ça fait maintenant 8 ans que ça dure… !

Tu es très réputé pour ta pédagogie. Peux-tu nous expliquer ce qu’elle a de si « spécial » ?

Avoir été instituteur y est pour beaucoup ! Disons qu’au Conservatoire, contrairement au collège, nous avons des élèves volontaires, ce qui est quand même plus facile… Je travaille en osmose avec eux et leurs familles. Peut-être est-ce aussi le bénéfice de l’âge, les élèves m’écoutent ! Je ne distingue pas la pédagogie adulte et enfant. Je parle aux enfants comme à des grands, avec le même vocabulaire, afin qu’ils comprennent toutes les exigences du cheminement qui nous fera arriver à nos objectifs.

Tu as à cœur de faire partager ta passion de la clarinette ?

Bien sûr ! On n’est pas musicien « seul », la musique ne serait pas sans partage.

Est-ce que tu joues d’autres instruments ?

Non. Il est déjà tellement difficile d’apprendre à bien jouer d’un instrument. 50 ans après, j’ai toujours le sentiment d’apprendre à jouer de la clarinette. Il existe une telle quantité de morceaux qu’une vie ne suffirait pas à tous les écouter et les jouer… Je suis perfectionniste en plus !

Que représente la musique pour toi ?

C’est toute ma vie. Très sincèrement, je ne sais pas comment j’aurais vécu sans elle. Ça ouvre tellement d’horizons. Personnellement, jouer de la clarinette m’a rendu différent, m’a canalisé, m’a permis d’avoir un métier, un avenir, une vraie vie autrement dit ! J’ai 4 enfants qui jouent tous d’un instrument et 3 d’entre eux vivent de la musique aujourd’hui.

Quel est ton plus beau souvenir de clarinettiste ?

En 1964, mon beau-père – bien évidemment chef d’orchestre ! – nous a emmené jouer avec un orchestre à Berlin Ouest. Le mur entre l’Est ou l’Ouest était encore récent. Je me souviens qu’il avait été construit tellement vite qu’il y avait, par endroits, des rideaux de fenêtre coincés dans le béton ! Bref, nous étions partis de Strasbourg en train. Celui-ci roulait entre deux rangées de barbelés avec des policiers tous les 50 mètres. Puis est venu le moment de donner le concert au Tiergarten, célèbre parc de la ville de l’Ouest. Je n’ai jamais ressenti autant d’émotions. Il y avait plus de 10 000 spectateurs et ils avaient vraiment l’air heureux de nous écouter. C’est un souvenir merveilleux car si riche de partage… Même pour quelques instants, la musique soulage bien des maux.

Penses-tu que la clarinette soit appréciée à sa juste valeur ?

Je pense que oui… Il m’est difficile de répondre car au quotidien, je côtoie une grande majorité d’amateurs de clarinette et passionnés de musique – mes élèves, ma famille, mon entourage. Ce dont je suis certain, c’est que nous recherchons à faire du beau et que le public semble apprécier.

Un message à nos lecteurs ?

Il faut sortir des sentiers battus pour découvrir les musiques ! Et surtout, venir aux concerts et aux spectacles du Conservatoire pour apprécier la qualité et le mélange des disciplines artistiques.

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