La petite indienne et Taito – Le Moine

[singlepic id=14 w=320 h=240 mode=web20 float=left]Relativement peu connue en Europe, la majorité de l’œuvre de Le Moine appartient à des collectionneurs privés, à l’image de trois dessins dont le Ministère de la Culture s’est porté acquéreur en décembre dernier. Des oeuvres qui proviennent de la collection de l’artiste Jacques Boullaire qui les avait lui-même reçues de la veuve du gouverneur Bouge, en poste à Tahiti de 1915 à 1918 puis de 1928 à 1930.

L’objectif de cet achat était de compléter les collections du Pays qui comptent déjà plusieurs travaux du peintre. L’œuvre de Le Moine n’a encore jamais été rassemblée, mais une exposition beaux-arts, présentant quelques tableaux de la réserve du Musée et notamment certaines de ses œuvres, est prévue pour octobre 2009. Ce sera l’occasion pour le public polynésien de découvrir cet artiste resté dans l’ombre. Il est entré anecdotiquement dans l’histoire de la peinture française et sa renommée, par malchance ou modestie, n’a jamais dépassé les rivages de Tahiti.

Sur le devant de la scène
Au moment où Gauguin finit ses jours à Atuona, Charles-Alfred Le Moine débarque à Tahiti, en 1902. Ancien élève de l’Ecole des Beaux Arts, il se met à peindre et à donner des leçons de dessin aux jeunes filles de Papeete, avant d’être nommé expert pour la préparation de la vente aux enchères des affaires de Gauguin en 1903 par M. Vermersh, receveur de l’enregistrement, agissant en tant que commissaire-priseur. La même année, il entre dans l’administration locale comme lieutenant de juge par intérim, puis agent spécial aux Gambier à partir de janvier 1906. Il exerce ensuite les fonctions d’administrateur et de juge de paix dans l’archipel. En 1911, il est nommé instituteur aux Marquises, d’abord à Vaitahu, puis à Atuona. Il semble qu’il n’est guère intéressé par cette profession et rentre à Papeete en 1915. Trois ans plus tard, il retourne en France, malade. Il y finit sa vie à la fin de l’année 1918.

Dans les coulisses de son art
Dans les différents lieux où il séjourne, il consacre tous ses loisirs à la peinture, principalement des portraits et des scènes de vie avec des personnages ou des chevaux et des natures mortes, essayant de rendre la beauté et le calme des paysages qui l’entourent. S’il ne recrée pas les survivances des splendeurs de la civilisation marquisienne, effervescente et exaltée, il est plus simplement le peintre témoin du quotidien. Il dessine remarquablement bien et ses toiles sont fort bien construites, selon un art de la composition dans lequel ombres et lumières s’équilibrent harmonieusement dans de jolis mouvements.

Ses œuvres ont su séduire la bourgeoise locale de l’époque, et l’on en retrouve, encore aujourd’hui, dans des collections privées en Polynésie française. Le gouverneur Bouge, grand collectionneur devant l’éternel, était en poste à Papeete au moment du retour en France de Le Moine. C’est à ce moment qu’il puisa maints dessins, croquis ou études plus poussées dans les cartons de l’artiste. Sa veuve en cèdera plus tard quelques-uns à l’artiste Jacques Boullaire. (Les autres sont conservés au Musée de Chartres).

Un style réaliste
Les dessins de Le Moine sont détaillés, précis. Il nous amènent très près des modèles, saisis sur le vif et observés dans leur réalité quotidienne. Le regard lointain des tahitiennes, leur sourire énigmatique… Tout est là, dans un visage dessiné par Le Moine. Ici, il arrive à rendre le regard menaçant et la moue boudeuse de la « petite indienne » en même temps qu’il retranscrit à merveille l’attitude lasse, presque triste, et compatissante, de « Taito ».

Fiche technique
Dessin n° D 2009.1.1
« Petite Indienne » et « Taito »
Réalisé au fusain rehaussé de craie blanche, sur papier vergé bleu pâle
l : 31 cm ; h : 23 cm
Daté entre 1902 et 1918

Les collections du musée
Sur 70 dessins que comptent aujourd’hui les collections du Musée de Tahiti et des Îles, six sont de Le Moine. Deux d’entre eux appartiennent à la Société des Etudes Océaniennes, un au musée lui-même et trois au fonds de la Polynésie française.

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