Hiro’a n°173 – Trésor de Polynésie … Damien Haturau, le respect des traditions

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Trésor de Polynésie – Service de l’Artisanat traditionnel (ART) – Pu Ohipa rima ΄i

p20-21 Damien Haturau

Damien Haturau, le respect des traditions

Rencontre avec Damien Haturau, professeur, artisan-sculpteur marquisien.

Texte : MO – photos : famille Haturau

Damien Haturau, originaire de Nuku Hiva, a un parcours riche et varié. Passé maitre dans l’art de la sculpture, c’est avec générosité qu’il partage son trésor, son savoir-faire.

En 1950, Damien Haturau voit le jour sur un paepae de la vallée de Hoata, à Taiohae, sur l’île de Nuku Hiva. Il est le dernier Marquisien à naitre ainsi. Fils unique et fruit du métissage, il est élevé par sa grand-mère. Il fait ses études à l’école des Frères où il obtient son certificat d’études. « L’évêque (Mgr Tirilly) m’a dit d’aller à Tahiti poursuivre mes études à La Mennais, il savait que je n’étais pas trop bête. Mais j’étais très pauvre, je portais le même short du lundi au vendredi, alors, comment aurais-je pu suivre des études à Tahiti ? » Le jeune garçon s’intéresse alors aux créations de ses grands aînés en particulier celles de la sculpture. « Je me suis demandé ce que deviendrait leur savoir-faire après leur disparition. Qui pourrait les remplacer ? » Damien s’y engage corps et âme : « C’était dur car il fallait accepter de travailler sans être payé. » Son salaire, ce sont tous ces savoirs et savoir-faire qu’il acquiert au fil des années.

Le rôle déterminant de l’évêché

Damien Haturau reconnait avec beaucoup de respect le rôle joué par l’évêque des Marquises dans la conservation de la culture marquisienne. « Mgr Le Cléac’h m’a beaucoup appris, tant sur le plan religieux que sur le plan de la culture marquisienne. À l’évêché, il y avait une chambre contenant des objets issus de la culture marquisienne et des ouvrages, notamment les trois volumes de Karl von den Steinen (Les Marquisiens et leur art). » Alors que l’apprentissage de Damien auprès des anciens est oral, il trouve là de quoi compléter ses connaissances et ses références.

Une œuvre reconnue par le pape

Durant treize ans, le sculpteur met son savoir au service de l’Église. Sous le regard bienveillant de l’évêque, et dans la foi de son baptême, il réalise ainsi ses plus belles pièces, des objets de culte, chefs-d’œuvre visibles à  Ua Pou, Ua Huka, Tahuata, Fatu Hiva et Tahiti. Mais c’est sur l’île de Nuku Hiva que l’on peut admirer sa plus belle œuvre d’art, le chemin de Croix de la cathédrale de Taiohae. Sa renommée atteint les sommets lorsqu’en 1981, il reçoit une lettre de remerciement du pape Jean-Paul II, pour la réalisation du chemin de Croix exposé dans la chapelle du Séminaire régional du Pacifique, à Suva (Fidji).

Conserver l’authenticité

Damien Haturau sculpte essentiellement des figures issues du patrimoine culturel marquisien : des tiki, des casse-tête, des pirogues, des plats, des hameçons, des selles et bien d’autres choses. Dès le départ, il s’attache à reproduire fidèlement ce que les anciens lui ont appris. Par exemple, pour sculpter un tiki, il y a trois proportions à respecter selon lui : la tête, les mains et les jambes. S’il maitrise les techniques traditionnelles, il intègre aussi dans sa pratique l’usage d’outils plus modernes tels que gouges, ciseaux à bois et burins.

Par la suite, Damien s’ouvre à d’autres productions en se basant sur des photos issues d’ouvrages d’études. Mais il garde toujours à l’esprit le respect de l’authenticité. « Si je fais le Ra΄o, qui est de Mangareva, je le fais comme il est. » Car, pour Damien Haturau, il est d’une importance capitale de reproduire les œuvres telles qu’elles ont été créées à l’origine. « Normalement, que ce soit Rapa Nui ou autre, il faut rester dans leurs traditions. » Il trouve d’ailleurs dommage que les jeunes sculpteurs ne fassent pas l’effort d’approfondir leurs connaissances. « Ils mélangent les choses. »

Engagé dans l’éducation

Après le départ de Mgr Le Cleac’h, Damien Haturau est recruté, d’abord en tant que vacataire, pour enseigner les arts marquisiens au collège de Taiohae. « Mes parents disaient que nous apprenons tout ce qui vient de l’extérieur, alors pourquoi pas notre culture ? » Ce poste lui permet de découvrir l’importance de l’histoire du peuple marquisien et le lien qui existe entre les arts d’un peuple et son mode de vie. « Le peuple marquisien a une culture, il a tout. » En 2001, il obtient son Certificat de formation professionnelle aux métiers de l’artisanat d’art traditionnel polynésien – option Sculpture sur bois puis un CAPLP génie industriel – option Bois pour devenir le coordinateur du Cetad de Taiohae (Centre d’éducation territorial adapté au développement). Il enseigne ensuite la sculpture au lycée professionnel où il transmet sa passion aux jeunes de l’île, leur permettant ainsi de « savoir pourquoi ils sont Marquisiens ».

Un savoir-faire récompensé

Damien Haturau ne compte plus les prix remportés lors des concours, comme le premier prix obtenu au Festival des arts du Pacifique, dans la section sculpture. Reconnu par ses pairs, respecté pour sa maitrise de cet art traditionnel, Damien Haturau s’est vu décerner, tout au long de sa carrière, plusieurs titres. Il a ainsi reçu les insignes de chevalier de l’ordre national du Mérite en 1995, chevalier de l’ordre des Palmes académiques en 2005, chevalier des Arts et des Lettres en 2016. Et en novembre 2021, le président de la Polynésie lui a remis la médaille de chevalier de l’ordre de Tahiti Nui.

Légendes

Damien Haturau a été promu Chevalier de l’ordre de Tahiti Nui.

Damien Haturau est attaché à reproduire les pièces du patrimoine culturel.

Le sculpteur intègre dans sa pratique l’usage d’outils plus modernes.

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