Hiro’a n°153 – Dossier : Juillet au rythme du Heiva des écoles et de l’artisanat

Dossier  

Rencontre avec Vaiana Giraud, responsable de la production et de la communication de la Maison de la culture, Temoana Tapu du Service de l’artisanat traditionnel, Danie Roometua de l’école de danse Hura i Moorea, Kehaulani Changuy de Aratoa, Matani Kainuku de Nonahere et Poehei Temaiana de l’école de percussions Arata ’i. Texte : Lucie Rabréaud – Photo(s) : TFTN – Mata reva – ‘Anapa Production

 

Juillet au rythme du Heiva des écoles et de l’artisanat

Dossier Heiva des écoles Anapa production

Après les différentes annulations de spectacles et de festivals à cause du Covid-19, le ministère de la Culture, en partenariat avec la Maison de la culture, a décidé de maintenir le Heiva des écoles. Une édition un peu inhabituelle car il s’agit de relancer l’économie de la culture et de montrer que la vie continue !

Personne ne s’attendait à ce que le Heiva des écoles ait lieu. Avec le confinement, toutes les écoles de danse avaient fermé leurs portes, entretenant la relation avec les élèves et leur famille par internet. Une fois qu’elles ont de nouveau pu accueillir les élèves, elles ont dû s’adapter à la situation : aménager leur salle, acheter des produits désinfectants, et instaurer auprès de leurs élèves les gestes barrières. Quand les dates du prochain Heiva des écoles ont été annoncées, certains dirigeants d’écoles ont été stupéfaits, d’autres étonnés et d’autres encore ravis. « La plupart des écoles de danse n’ont pas retrouvé leurs effectifs d’avant confinement. Environ 30 % des élèves sont revenus au début », explique Vaiana Giraud, responsable de la production et de la communication de la Maison de la culture. Elles ont également un manque à gagner du aux semaines de fermeture. Organiser le Heiva des écoles dans ces conditions était donc un pari. Y participer ou non n’était pas un choix facile pour elles. Certains ont commencé par refuser, comme Danie de Hura i Moorea ou Kehaulani, de Aratoa. Et puis ils se sont laissé convaincre comme les deux femmes, désormais satisfaites que le festival ait bien lieu, comme chaque année. Elles y voient une occasion de montrer que les écoles sont bien présentes, que la vie a repris et que la joie de danser doit être plus forte que la peur du Covid-19. Pour la Maison de la culture aussi, c’est un pari. « Ce ne sera pas un Heiva des écoles habituel, prévient Vaiana Giraud. Nous n’étions pas surs de pouvoir l’organiser compte tenu du contexte mais l’important était de mettre la culture en valeur, de rassembler les élèves et les spectateurs et de finir l’année scolaire sur quelque chose de positif. Ce n’est pas un événement pour les mettre en difficulté, au contraire, nous voulons les accompagner vers la reprise. »

Il y a donc eu beaucoup de discussions pour convaincre les écoles d’y participer malgré leurs difficultés et le peu de temps restant pour préparer un spectacle. Sur le plan sanitaire, plusieurs mesures ont été prises pour assurer la sécurité de tout le monde. Les spectateurs (à partir de 12 ans) devront venir masqués (des masques seront en vente aux guichets) ; il sera possible d’utiliser un seul costume pour éviter les échanges en coulisse et réduire le cout financier ; entre chaque école, les loges seront désinfectées par un produit pulvérisé. Enfin, les spectacles ont pu être réduits à 30 minutes pour les écoles qui le souhaitaient et le cachet a été augmenté exceptionnellement en soutien. « La Maison de la culture a fait des efforts, à nous d’en faire », résume Danie de Hura i Moorea.

Même s’il y a beaucoup de contraintes à surmonter et peu de temps pour préparer les spectacles, les 25 écoles de danse qui vont participer ont à cœur de présenter ce qu’elles savent faire de mieux. Le Heiva des écoles a toujours été une fête mais aussi une vitrine pour elles. Cette édition ne ressemblera à aucune autre, mais elle n’échappe pas à la règle. Pour Poehei, qui a repris l’école de percussions Arata’i de son pere Papi Teupoo, il est important d’etre à la hauteur et de faire honneur aux anciens qui leur ont transmis leurs savoirs. Même si les effectifs sont réduits, ils feront avec et peut-être demanderont aux anciens de compléter les équipes ! « Cela a été un début d’année tellement particulier que certaines écoles ont apprécié d’avoir de nouveau cet objectif : le spectacle du Heiva des écoles, explique Vaiana Giraud. C’est une démarche autant culturelle qu’économique. Tout le monde a souffert du confinement. Avec l’organisation du Heiva des écoles, nous voulons redonner de l’impulsion, une dynamique. Aujourd’hui, certains ont peur que le virus revienne avec la réouverture des vols internationaux mais notre directrice, Hinatea Ariiotima-Ahnne, leur a expliqué qu’on ne sera plus jamais surs et qu’il fallait vivre avec, tout en prenant les précautions qui s’imposent pour ne mettre personne en danger. » Pour tout le monde, il est très difficile de se projeter et de savoir de quoi les prochains mois seront faits, mais une chose est certaine : les écoles veulent danser avec joie et donner de la joie aux spectateurs.

 

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PRATIQUE

  • Heiva des écoles, du 8 au 18 juillet :
  • Les soirées se déroulent sur deux semaines : du 8 au 11 et du 15 au 18 juillet
  • Tout le programme dans les pages Agenda du Hiroa
  • Plus d’informations sur www.heiva.org

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Les ecoles participantes :

  • Teikohai
  • Arata’i
  • Ori Atea
  • Hanihei
  • Temanutiaitau
  • A Ori Mai
  • Marurai Ukulele School
  • Ori Maitai
  • Hura i Moorea
  • Manahau
  • Mono’ihere
  • Hei Tahiti
  • Tauariki
  • Nonahere
  • Tupuna Ukulele
  • Hei Ori
  • Rainearii
  • Manahere
  • Ori Hei
  • Manohiva
  • Tamari’i Poerava
  • Heihere
  • Tamariki Poerani
  • Aratoa

 

Danie Roometua, Hura i Moorea

« Au départ, je ne voulais pas participer au Heiva des écoles. On souhaitait plutôt un report de l’événement pour la fin de l’année 2020. Nous étions pris par le temps car nous venions tout juste de rouvrir. Après le confinement, tous les élèves ne sont pas revenus, une trentaine sur quatre-vingts seulement. Il a fallu mettre en place les gestes barrières, acheter les produits, les masques. J’ai changé la conception de la salle avec une porte pour les entrées et une autre pour les sorties. Le Heiva des écoles demande de la préparation et du financement. Il faut économiser pour payer les costumes, le déplacement. De plus, pour nous, installés à Moorea, c’est toute une expédition quand on descend sur Tahiti. Il faut voir avec les compagnies de bateaux si on peut affréter une navette nocturne. Mais Herenui du groupe Heihere a trouvé les mots pour me convaincre de participer. La Maison de la culture a fait beaucoup d’efforts pour s’adapter à la situation, les soirées ont été réaménagées, le cachet augmenté, nous ne sommes pas obligés de faire plusieurs costumes… Alors pour la culture, j’y vais ! Je ferai plus simple que les éditions précédentes et j’ai rassuré les parents inquiets sur la participation financière en plafonnant celle-ci a 4 500 Fcfp par élève, tout compris. Du coup, les cours sont intenses en ce moment ! Il faut montrer aux gens que la vie reprend. »

 

Poehei Temaiana, école de percussions Arata’i

« Mon père, Teupoo Temaiana (que tout le monde appelle papi Teupoo) m’a convaincu de participer au Heiva des écoles. Cette année est particulière pour nous car ce sont les vingt ans de Arata’i et ma première année en tant qu’enseignant. J’ai pris la relève de mon père et je me dois de lui faire honneur. Je veux lui montrer qu’on est là, que je vais continuer, que la relève est assurée. Il m’a dit qu’il fallait y aller donc on y va ! Pendant le confinement, j’ai proposé des vidéos des cours à mes élèves mais ce n’était pas évident, je préfère le live. Ce n’est jamais la même séance de travail avec moi, tout dépend de l’ambiance, j’improvise. L’idée est aussi de travailler la manière de jouer ensemble. Ce n’est pas la même chose avec les vidéos. Après le confinement, la moitié des élèves est revenue. On a mis en place les gestes barrières, il a fallu s’adapter. Mais ce sont des gestes à adopter désormais car le virus peut revenir et il faut bien vivre avec. Pour le Heiva des écoles, d’anciens élèves viendront peut-être compléter les groupes, nous allons nous débrouiller et travailler sur un programme pendant le mois qu’il reste. Mais sans bâcler ! »

 

Kehaulani Chanquy, Aratoa

« Quand nous avons appris que le Heiva des écoles aurait lieu, nous étions en pleine reprise avec tout le protocole sanitaire à mettre en place. Au départ, c’était non, je ne voulais pas y aller. Il y avait déjà beaucoup de choses à gérer et nous n’étions pas prêts pour préparer un Heiva des écoles. Puis la Maison de la culture a su me convaincre. Nous avons beaucoup discuté. Ils ont expliqué que les écoles de danse contribuent à la culture et qu’on a besoin d’elles. Il faut que les gens continuent à vivre, à faire leurs activités, ce qu’ils aiment. Le Covid-19 ne doit pas nous empêcher de vivre. Je me suis posée et j’ai réfléchi : ou est mon investissement dans la culture en tant qu’école de danse ? J’ai décidé de participer car ce Heiva va donner de la joie, il va faire comprendre aux gens que nous devons vivre avec ce virus. Pendant le confinement, j’ai continué à travailler avec les réseaux sociaux. Les heures de cours étaient maintenues, elles avaient lieu en visioconférence. Il y avait aussi beaucoup de discussions. Après le confinement, 20 % des élèves sont revenus, le chiffre augmente petit à petit. Je diffuse des séquences des cours sur internet pour essayer de raviver la passion. Le Covid-19 a semé la pagaille mais il ne faut pas laisser la peur dépasser la passion. Pour ce Heiva des écoles, nous allons présenter quelque chose d’authentique, de plus naturel, il y aura moins de créations. L’idée est de danser avec joie et de donner de la joie aux spectateurs. »

 

Matani Kainuku, Nonahere

« Je travaille comme représentant de plusieurs écoles de danse et j’ai donc contribué à leur réouverture après le confinement en participant à l’écriture du protocole sanitaire à suivre. Le Heiva des écoles arrive très bien pour rappeler qu’on a repris l’activité. Cela donne un objectif aux élèves qui se préparent généralement toute l’année pour le spectacle de fin d’année. Cela permet aussi de relancer l’activité économique. Nous avons peut-être perdu des touristes mais la culture est toujours là. Pendant le confinement, nous avons assuré la continuité pédagogique sous plusieurs formes : des cours en ligne avec un replay, des vidéos de la danse entière puis des vidéos de décorticage, du son pour la musique et des cours de ’ori Tahiti pour accéder au sens. Nous avons donné des conseils avec Zoom et ouvert un padlet adapté à chaque catégorie d’âge. Il n’y a pas eu de rupture. Après le confinement, sur l’ensemble des écoles de danse, nous avons retrouvé environ 30 % de nos effectifs. La situation était particulièrement anxiogène, il faut rassurer les familles en donnant la priorité à la sécurité sanitaire. Mais il est temps de redonner de la lumière et du soleil a tout ça ! Au-delà de la crise mondiale, la vie continue. J’ai vu pendant le confinement des personnes créer des chorégraphies, des chants, des spectacles… Il a été révélateur de la vivacité culturelle. Il faut apprendre à vivre avec cette crise et le Heiva des écoles est une aubaine pour montrer que les scenes sont ouvertes à l’expression de l’identité. Il faut vivre avec le Covid-19 et ne pas se laisser abattre par ça. »

 

Le village du Tiurai : 36 artisans presents

 

Si les artisans ont compris l’annulation du Heiva i Rima’i qui accompagne habituellement les fêtes de juillet, ils ont été heureux d’être contactés pour accompagner l’organisation du Heiva des écoles.

La première édition du village du Tiurai se déroulera autour du paepae a Hiro, à la Maison de la culture, pendant deux semaines, du 8 au 11 et du 15 au 18 juillet. Les horaires d’ouvertures au public sont de 10h00 à 18h00 sauf le mercredi 8 juillet, le village ouvrira ses portes à 9 heures pour l’inauguration officielle. Le thème du village sera axé sur la danse et le Heiva. Durant huit journées, 36 artisans se relaieront dans le village pour mettre en lumière toute la richesse de leurs savoir-faire. Les visiteurs pourront découvrir des créations uniques autour de cinq univers de l’artisanat : sculpture et gravure, vannerie, tīfaifai et couture, bijouterie traditionnelle et conception de costumes de danse et des accessoires. Le village permettra également au public de découvrir aux gestes de la création artisanale sur ces mêmes domaines au moyen d’ateliers créatifs. A cet effet, chacune des cinq catégories fera l’objet d’un atelier spécifique qui, trois fois par jour (10h00, 14h00 et 16h00), permettra aux visiteurs de s’essayer à l’artisanat traditionnel.

Les participants seront invités à s’inscrire aux ateliers payants au préalable via la page Facebook « Village du Tiurai », ou sur place sous réserve de disponibilité (nombre de places limité à 10 par atelier). Le tarif de l’atelier d’une heure est fixé à 500 Fcfp, et a 1 000 Fcfp pour l’atelier de sculpture-gravure qui dure 2 heures. A l’issue de l’atelier, chaque participant repartira avec sa création. Des démonstrations et tableaux vivants sont également programmés, tandis que les samedis seront particulièrement festifs et dédiés à la mise en valeur des productions artisanales. Un tamure marathon animé par Tumata Vairaaroa est prévu le samedi 11 juillet à 15h00 (entrée fixée à 1 000 Fcfp) et un défilé de mode sera organisé par le créateur de la marque « Fenua by Freddy » le samedi 18 juillet à 16h00, sur le Paepae a Hiro. Le village du Tiurai va permettre aux artisans de retrouver une activité après le confinement et l’arrêt des rotations aériennes qui les ont privés de leurs clients. Aussi, le Hiro’a vous invite à renouer avec eux grâce à ce village ! ◆

 

PRATIQUE

  • Le village du Tiurai se déroulera sur deux semaines : du 8 au 11 juillet et du 15 au 18 juillet. Ouvertures : de 10h à 18h (excepté mercredi 8 avec l’inauguration qui se tiendra à 9h).
  • Le programme et toutes les informations liées à l’événement seront en ligne sur la page événement Facebook « Village du Tiurai » et sur le site artisanat.pf.

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