N°128 – « Faire connaître la richesse des archives au grand public »

Service du patrimoine archivistique et audiovisuel

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10 questions à Robert Veccella, prestataire et consultant au Service du patrimoine archivistique et audiovisuel. Texte SF. Photo SF.

 

Enseignant de technologie, Robert Veccella a rejoint le SPAA depuis le mois de mai. Son rôle : valoriser et vulgariser les archives du service. Rencontre.

 

Tu es enseignant de technologie, comment te retrouves-tu consultant au SPAA ?

Cela fait longtemps que je fréquente les archives, mais en tant que demandeur. Cette année, je suis en thèse d’histoire, c’était donc l’occasion pour moi d’avoir un accès direct aux archives, avec les informations qui s’y trouvent. C’est un peu égoïste, mais je n’ai pas pu refuser. J’aime l’idée de partager mon travail avec le grand public. En parallèle, je suis, en effet, enseignant de technologie et je fais en sorte que les enfants profitent de mes travaux, de mes études, de mes recherches, de ma passion.

 

Quelles sont les raisons qui t’ont poussé a accepter ce travail ?

Il est important de faire connaître la richesse des archives au grand public. Il y a énormément de documents qui sont aux archives depuis 200 ans. C’est très intéressant de ressortir tout cela et de les publier. L’objectif est de les faire connaître a la fois au grand public mais aussi de les valoriser et de les compléter pour les chercheurs et les étudiants.

 

Quelles sont tes tâches au sein du service ?

Je m’intéresse à certains sujets, je lis les documents et je prends les informations qui m’intéressent. Cela permet d’avoir une image à travers un filtre historique. Ensuite, j’établis des bases de données qui me permettent de travailler sur différents sujets.

 

Comment procèdes-tu pour tes recherches ?

Je pars d’un fait pour lequel je vérifie entièrement tout. Ce n’est pas simple, car je rassemble toutes les informations sur les personnages pour qui j’ai reconstitué une famille : quand je parle d’une personne, j’ai son acte de décès, de mariage et je remonte sur plusieurs générations. Il est important de savoir d’ou viennent ces gens. Je fais en sorte que tout ce que je dis soit vérifiable. Quand je donne une date de naissance, j’ai un acte de naissance… Et il n’y a rien de mieux que les archives pour aller dans ce sens.

 

Quels sont tes sujets de prédilection ?

 

Tout ce qui a trait à l’histoire maritime. Je suis architecte de formation, j’ai été responsable d’une association d’archéologie marine à Tahiti. Il y a trois-quatre ans, j’ai arrêté l’archéologie pour ne plus faire que de l’histoire. Après un master 2 sur le phare de la pointe Vénus, je fais désormais une thèse. Depuis mon enfance, je suis attiré par la marine. Petit, à Marseille, où j’ai grandi, j’ai vu une fouille archéologique sur un bateau, j’étais passionné, cela ne m’a plus jamais quitté.

 

Sur quoi travailles-tu en ce moment ?

 

Sur le prochain Archipol qui va sortir à la fin de l’année. Il s’appelle « 250 ans de navigation en Polynésie française ». Je voudrais mettre en lumière et apporter un éclairage nouveau sur la navigation du XIXe siècle qui est très peu connue. Dans ce numéro d’Archipol, on va parler d’un certain nombre d’événements : on va commencer avec Bougainville en 1768 et parler de 1868 avec la mise en service du phare de la pointe Vénus. Puis, on va progresser jusqu’en 1919 avec le Kersaint qui s’est échoué sur le récif de Moorea, c’est le dernier bateau de la marine à avoir fait campagne à voile. Il sera aussi question des aménagements successifs du port de Papeete, des dépôts de charbon, de la pointe Vénus…

 

Tu vas également travailler sur les études, qui sont publiées sur le site des archives. Peux-tu nous en dire plus ?

 

J’ai trouvé par exemple dans les archives un bon de remorquage de 1908. Il s’agit d’une demande d’assistance d’un navire par un bateau à moteur de Tahiti. En soi, il ne s’agit que d’un simple document administratif sans trop d’intérêt. Sauf qu’il nous permet d’apprendre la date exacte de l’arrivée du navire à Tahiti – un navire qui a, en fond, toute une histoire.

 

Tu es donc allé chercher cette histoire ?

 

Oui, et j’ai découvert plusieurs éléments grâce à tout un tas d’articles. D’abord qu’au cours de son dernier voyage, un marin qui buvait un peu trop a tué un autre marin. Puis, que les matelots avaient été pris dans une tempête et sont donc arrivés complètement désemparés au large de Tahiti. C’est pourquoi ils ont demandé assistance à Tahiti. J’ai retrouvé le nom du bateau, Eaton Hall, du nom d’une ville d’Angleterre. J’ai aussi fait des recherches bibliographiques et j’ai pu récupérer un livre de 1920 qui contenait des informations sur ce navire. J’ai ainsi pu reconstituer son histoire, quand il a été construit, par qui, quand il a été vendu pour la compagnie, etc. Ce qui me manque encore est de savoir ce qu’il s’est passé après 1908-1909. Je sais qu’il a servi pendant longtemps de ponton. Dans les années 1930, il semblerait qu’on ait voulu le couler car il était en rade depuis vingt ans. On aurait voulu le couler au large mais sans succès, le bateau est parti, ils l’ont retrouvé échoué sur la digue le lendemain. Il y a encore beaucoup d’éléments à vérifier. Ce sera ma première étude.

 

Quelles sont les difficultés que tu rencontres ?

 

Il ne faut pas que ce soit trop technique, il faut savoir vulgariser pour que cela soit accessible. C’est aussi le meilleur moyen pour faire connaître l’histoire au grand public. Dans mon cas, je vais commencer par des sujets que je maîtrise bien comme la navigation du XIXe siècle. Un siècle charnière.

 

Quelle est justement la place de Tahiti au XIXe siècle par rapport à la route maritime et l’économie marchande ?

 

En 1835, on considère la pointe Vénus comme un méridien secondaire, ce point a été très mesuré par les marins depuis Cook. Il faut savoir que Tahiti et pointe Vénus faisaient partie des cinq points secondaires du Pacifique que sont Valparaiso, San Francisco, Hawaii, Sydney et la pointe Vénus. Pendant longtemps, on a évité la Polynésie française car il y avait beaucoup d’îles basses. Les Tuamotu étaient d’ailleurs appelés « l’archipel malheureux ». Même si Tahiti est un point central, les routes maritimes ne passaient pas par là, sauf les Français bien-sûr. De 1866 à 1869, une compagnie anglaise s’est créée entre l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Panama. Les Anglais vont installer un dépôt de charbon à Rapa. Toute une histoire… qui sera à retrouver dans le prochain Archipol !

 

 

 

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