N°95 – Hiro Ou Wen : « Chacun a vraiment fait preuve de créativité »

B04A8734Centre des Métiers d’Art – Pu Ha’api’ira’i toro’a rima’i

 

Rencontre avec Hiro Ou Wen, président du jury de la remise des diplômes 2015 du Centre des Métiers d’Art.

 

Texte et photos : SF.

 

C’est une première : Hiro Ou Wen, grand bijoutier et fin connaisseur de l’art polynésien, a été choisi par le Centre des Métiers d’Art comme président du jury. Le 25 juin dernier, Hiro Ou Wen, entouré de trois autres jurés, Théano Jaillet, directrice du Musée de Tahiti et des Îles, Frédéric Bon, dit « P’tit Louis », sculpteur et dessinateur et Heremoana Buchin, graveur lauréat à de nombreuses reprises de la bijouterie d’Art, ont eu la lourde tâche d’attribuer les diplômes de fin d’étude du Centre des Métiers d’Art aux élèves de 3ème année. Une occasion de revenir sur la promotion 2015 de ces jeunes diplômés.

 

C’est votre première expérience comme Président d’un jury. Qu’est ce que vous en retenez ?

 

J’ai d’abord été très surpris d’être choisi. C’était un honneur et une fierté, je n’ai donc pas hésité et j’ai accepté cette proposition. C’est aussi une responsabilité car parmi ces élèves, tous très talentueux, nous avons les artisans de demain. Aujourd’hui, au sein de mon entreprise, deux de mes quatre employés qui réalisent et confectionnent des bijoux, sont issus du Centre des Métiers d’Art. Être diplômé de cet établissement est en fait une garantie pour le chef d’entreprise que ses futurs employés ont un savoir-faire et des acquis. Ils arrivent chez nous quasiment en tant que professionnels, et certains d’entre eux sont déjà des artistes hors-pairs.

 

Tour à tour, les élèves vous ont présenté leurs travaux. Vous avez semblé assez impressionné par le niveau…

 

Oui, en effet. Ils ont mis la barre haute, ceux qui rentreront en 3ème année à la rentrée 2015-2016 ont du pain sur la planche pour maintenir le niveau ! J’ai été impressionné et surpris par l’innovation de leurs travaux. Une élève nous a présenté des poufs enfantins et très inspirés, une autre nous a raconté à travers ses bijoux son expérience sur la pirogue traditionnelle Faafaite, un troisième a déployé tout son talent en réalisant des motifs autour du poisson et de la pêche, le suivant a élaboré des umete en forme de cochon… Chacun a vraiment fait preuve de créativité, et tous maîtrisent le travail de la sculpture, du dessin ou de la gravure. Je crois aussi que les élèves sont très bien entourés et encadrés par une équipe enseignante de qualité. Les professeurs ont apporté aux élèves une éducation, un savoir et une méthode. Ce sont des acquis indispensables pour affronter le marché du travail.

 

Vous êtes plutôt proche de l’art traditionnel polynésien, pourtant vous semblez enthousiaste devant les travaux et les créations modernes des étudiants ?

Je suis de la vieille école. Je connais bien la culture ancestrale et j’aime la travailler, je ne tiens pas à changer de direction. Pour autant, l’idée du Centre des Métiers d’Art de faire évoluer l’artisanat vers quelque chose de plus moderne est formidable. Elle est d’ailleurs très bien appliquée par les élèves qui semblent comprendre et apprécier cette démarche. Je suis agréablement surpris par la manière dont ils utilisent et font évoluer l’utilisation des matériaux, mais aussi par les arts numériques. Je pense que la relève dans l’artisanat est désormais assurée mais elle est encore trop discrète. Dans les salons ou expositions, ce sont toujours les mama qui tiennent les stands et présentent leurs réalisations. Les jeunes sont encore peu présents, c’est dommage. L’artisanat a besoin d’un nouveau souffle. Depuis des décennies, les réalisations présentées peinent à se renouveler. Aux jeunes aujourd’hui d’apporter du nouveau. Ils en ont les moyens, le reste n’est qu’une question de volonté.

 

Mais est-ce que ces jeunes artistes ont un avenir dans le marché de l’artisanat ?

 

Oui, j’en suis convaincu. D’abord, parce qu’il y a toute une génération d’artisans, dont les mama et moi-même faisons partie, qui va partir à la « retraite ». Ensuite, il y a une demande, il faut produire. Les jeunes ont donc leur place. En réalité, le plus difficile pour eux sera de savoir commercialiser leurs produits. Si je devais leur donner un conseil, je leur dirais de s’installer à leur compte. C’est plus gratifiant même si cela reste plus difficile. En effet, il faut d’abord produire et travailler plus, il faut être courageux. Ensuite, il faut savoir se vendre, et donc laisser un peu de côté la production et recruter des personnes pour prendre le relais. On ne peut pas tout faire seul alors que l’aspect commercial importe autant que la création. Il faut avoir les reins solides pour se mettre à son compte mais c’est ce qu’il y a de mieux pour un artiste. C’est tout ce que je souhaite à ces élèves qui ont tous brillamment réussi leur diplôme.

 

+ d’infos et photos de l’ensemble des travaux : www.cma.pf

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