Hiro’a n°191 – Le saviez-vous ?

Le saviez-vous? – Centre des métiers d’art (CMA) – Pu Ha΄api΄ira ΄a Toro΄a Rima ΄i

Le Centre des métiers d’art se prépare pour Paris

Rencontre avec Viri Taimana, directeur du Centre des métiers d’art. Propos recueillis par Jenny Hunter.

Conjuguer l’art et la science pour toucher le grand public, tel est le défi que relèvent l’Institut des récifs coralliens du Pacifique (IRCP) et le Centre des métiers d’art (CMA) à travers l’exposition « To΄a » qui se déroulera à Paris au Carrousel du Louvre durant quatre semaines du 11 décembre au 11 janvier. Cette initiative de l’IRCP face à l’accélération des effets du changement climatique vise à sensibiliser tout un chacun à son impact sur les coraux. Ravi que le Centre des métiers d’art présente une exposition d’envergure, son directeur Viri Taimana revient sur sa préparation et ses enjeux.

Vous allez exposer au Carrousel du Louvre durant un mois à compter du 11 décembre, comment vous est venue l’idée ?

« Le projet de départ s’est construit avec l’Institut des récifs coralliens du Pacifique (IRCP). Un travail qui a commencé il y a deux ans avec l’intervention des scientifiques, notamment son directeur, Serge Planes, suivi de rencontres avec ses collaborateurs sur plusieurs observations : la répartition des coraux en Polynésie, leurs moyens de subsistances, les zones où le Taramea mange le corail. Cette exposition est donc une volonté de l’IRCP qui nous a demandé comment arriver à toucher le grand public sur leurs données scientifiques. Puisque l’art est un vecteur de communication, ils souhaitaient mettre en valeur ces données et sensibiliser au dérèglement climatique sur les récifs, les coraux. »

Comment le Centre des métiers d’art compte conjuguer la science et l’art ? Comment vous êtes-vous préparés ?

« Tout est parti du travail présenté par les scientifiques. Chaque élève avec sa sensibilité et sa spécialité a ensuite essayé de se représenter un peu cet univers marin, surtout ce polype avec cette algue qui produit un squelette et la nécessité de le préserver. Chacun a voulu s’imprégner d’un aspect du corail et le représenter soit par la peinture, une installation, l’impression 3D ou encore le graphisme… C’est cet ensemble que nous allons présenter au Carrousel du Louvre. »

Le Carrousel du Louvre à Paris, ce n’est pas rien. Comment cette opportunité s’est-elle présentée ?

« Toujours avec l’IRCP. L’idée était de préparer cette communication à travers une exposition et de la présenter à Paris et à Papeete car nous avions signé un partenariat avec l’École pratique des hautes études (EPHE) dont dépend l’IRCP et qui bénéficie d’un vaste réseau. C’est à partir de ce réseau qu’ils ont imaginé que l’on pourrait installer cette exposition en France. Cela a commencé par la mairie du premier arrondissement de Paris et, finalement, a fini au Carrousel du Louvre. »

Cette perspective ne met-elle pas trop la pression aux élèves ?

« La pression non, l’exigence est à chaque fois celle d’un travail de haut niveau. On sort juste d’une exposition au Musée de Tahiti et des îles et c’est la même exigence qui est portée sur ce projet avec le laboratoire d’excellence Corail. Effectivement, j’ai expliqué aux élèves que le Carrousel du Louvre n’est pas rien. Cela n’a pas la même portée. On côtoie des grandes enseignes comme Hermès, LVMH dans ce grand lieu du luxe. (…) Nous disposerons d’un espace d’exposition de 400 m2 dédié au corail et qui permettra au public parisien de se déconnecter de leur quotidien et de rentrer dans notre univers. »

Combien d’œuvres allez-vous exposer et comment les avez-vous sélectionnées ?

« Pour cette exposition à Paris, nous tablons sur une soixantaine d’œuvres. (…) Certains travaux ont été redimensionnés pour l’occasion. Des œuvres, par exemple, qui mesurent 40 x 30 cm, sont multipliées par cinq voire dix. On change de format. La sélection, elle, est très variée et comprend les meilleures œuvres sur les différents types de supports. »

C’est une belle vitrine pour la Polynésie selon vous ? « Exactement. Il ne faut pas passer à côté de cela. Je crois que c’est la qualité du travail que nous développons au CMA et au LSR et aussi les rencontres qui nous ont amenés à ouvrir ces portes. Un mois au Carrousel du Louvre, c’est une médiatisation intéressante. Cela va mettre en lumière le fenua et le travail des enseignants et des élèves du CMA et du LSR, ceux qui sont en DNMADe »

Qu’attendez-vous de cette exposition ?

« Nous voulons inviter l’Inspection générale des métiers d’arts et du design. Cela sera l’opportunité pour nos élèves de se projeter dans d’autres études. Ou alors celle qu’on puisse découvrir des talents à travers eux et qu’ils puissent exposer à nouveau à Paris. »

C’est une volonté du Centre de participer à des expositions d’envergure nationales voire internationales ?

« Complètement, il faut s’exporter, son travail je veux dire. Il faut être dans les circuits de l’art contemporain, des conservateurs du patrimoine, de l’art océanien. Nous avons des opportunités. Le marché local est restreint. Il nous faut donc, dans la perspective d’ouverture au monde, aller à la rencontre de ces circuits. Nous comptons échanger avec les artistes et être dans les lieux dédiés arts en Nouvelle-Zélande, en Australie, à Hawaii ou encore à Fidji pour figurer parmi les meilleurs de l’expression artistique océanienne. Il y a un réseau qui fonctionne très bien, Pūtahi. Là, nous misons sur un réseau national et pourquoi pas un réseau européen. Le travail ne fait que commencer. Nous souhaitons rencontrer des personnes en France capables d’offrir des lieux d’expositions futures pour nos élèves et enseignants. Il nous faut continuer sur cette lancée. »

Est-ce important pour les élèves de se projeter ailleurs qu’au fenua ?

« Il faut que les élèves sachent qu’ils ont une culture forte. L’idée n’est pas de singer l’autre, mais d’amener vers l’autre ce que nous sommes. C’est une question d’identité culturelle, d’identité tout court. Oui, il est important de se projeter ailleurs, tout en gardant à l’esprit qui nous sommes. »

Pour décrire l’environnement marin et surtout les récifs et le corail, on retrouvera des matières premières du fenua ? Qu’allez-vous y présenter ?

« Tout à fait, la plus petite pièce exposée ne mesure que 5 cm sur de la nacre, c’est un poisson. Mais l’important, c’est aussi de montrer notre savoir-faire. La sélection est très variée ; nous sommes en cours de finalisation de toutes ces œuvres. Certaines seront finies sur place, mais il s’agira surtout d’ajustements par rapport à la taille de la salle d’exposition. Parmi la soixantaine d’œuvres, le public pourra trouver de la sculpture en 3D, de la gravure sur nacre, de l’estampe, de la peinture. Il y aura aussi des oeuvres numériques, de la céramique… » ◆

Légendes

Recherche artistique autour du corail, ici avec une création en 3D.

Viri Taimana observe le travail d’une élève du Centre des métiers d’art.

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