Hiro’a n°180 – Le saviez-vous

Dans l’ambiance des discothèques à Papeete : entre chic et vulgaire

Source : Fonds Danielsson – article du San Francisco Sunday Examiner and Chronicle du 11 février 1979 rédigé par Robert F. Kay. Photos : SPAA – Droits réservés.

En 1979, un article publié dans le San Francisco Sunday Examiner and Chronicle raconte un samedi soir à Tahiti, dans l’ambiance des discothèques de Papeete. Le journaliste américain Robert F. Kay partage son expérience des bars des plus vulgaires aux plus chics. Il nous raconte aussi la population -noctambules et travailleurs-, qui se croise la nuit dans les rues de la capitale.

Son article démarre avec la description de cette population, noctambules et travailleurs, qui se croise dès la tombée du jour : « Dans la rue, de jeunes marins aux cheveux en brosse, en jeans moulants, lorgnent les filles, plaisantent en français et soufflent la fumée de leurs cigarettes Gauloises. Derrière eux, les rythmes disco du Blackjack Club résonnent dans la nuit. À l’entrée du club, un Tahitien en minijupe et chaussures comme des échasses se tient droit devant la porte et observe la rue.

De l’autre côté du boulevard Pomare, amarrés au quai, les yachts américains sont parfaitement alignés. À l’intérieur des cabines éclairées, on distingue les silhouettes de personnes en train de dîner et de siroter du bourbon dans des gobelets en plastique. Parfois, un jeune en jean sort d’un bateau, dans l’ombre, traverse la rue et disparaît dans le labyrinthe des lumières et des gens.

Dans la rue, près de l’arrêt de bus, plusieurs vieilles femmes avec des bébés endormis à leurs côtés sont assises sur des nattes tissées en pandanus, sous les lampadaires fluorescents, et tissent des couronnes de tiare tahiti. Plus tard, elles les empileront dans leurs bras et colporteront le parfum dans les night-clubs et les bars. »

La tournée des bars

« Au Pitate Club, en face du Monument de Gaulle, l’orchestre a commencé à jouer un fox-trot à la tahitienne et les couples se forment lentement. À l’extérieur, des jeunes bronzés aux cheveux longs s’assoient nonchalamment sur leurs motos tandis que d’autres regardent à travers les grilles métalliques des fenêtres pour contempler ce qui se passe à l’intérieur.

C’est samedi soir à Papeete et les jeunes fanfarons attendent beaucoup de la nuit qui commence. Comme San Francisco, Papeete est une ville peu connue pour sa modestie ou son innocence. Papeete est une fille de la nuit, effrontée, qui offre au visiteur une variété de distractions. »

« Sans aucun doute, les endroits les plus sympathiques de la ville sont les bars bruyants et joyeux où le travailleur vient se détendre en bavardant et buvant quelques bières. Ce sont des antres assourdissants, bondés et enfumés, où habituellement un trio ou un quatuor se défoule sur des ukulélés et des guitares. Ces lieux semblent redoutables au début à cause du nombre d’êtres basanés entassés à l’intérieur. Mais une fois que vous êtes dedans, vous faites quelques sourires, et les gens seront tout à fait aimables.

Quelqu’un va probablement vous offrir une bière et demander d’où vous êtes et si vous êtes marié. On vous dit alors en termes non équivoques, « Américains bons » (pouces en l’air), « Français pas bons » (pouces vers le bas). Malgré vos sentiments sur le sujet, vous décidez qu’il est préférable d’être d’accord.

Deux bars de cette sorte sont le Saloon de la rue Yves Martin et la salle minable sous l’Hôtel Métropole. Des deux, le Saloon est ce qui ressemble le plus à un bar de quartier en Polynésie française. Une fois que vous devenez un habitué, le barman et les clients vous feront toujours une place.

Les salles de danse ont toutes d’énormes sonos, et des formations qui jouent les mêmes valses, fox-trots, rock ‘n’ roll, et le tamure traditionnel. De ces endroits, le plus classe, et certainement celui avec les plus jolies femmes est La Cave sous l’Hôtel Royal Papeete. La Cave a plus une atmosphère de salle de bal que de salle de danse.

En bas de l’échelle socio-économique sont New Quinns, le Las Vegas Club et le Pitate, avec des lumières rouges criardes et des affiches de films accrochées aux plafonds. C’est une institution pour les jeunes Tahitiens de la classe ouvrière. À la porte, un videur est assis avec des poings de la taille de gros jambons. Au cours de la soirée, les couples disparaissent dans le parking de l’autre côté de la rue, et reviennent quelques minutes plus tard. Le Pitate est un endroit sans prétention. »

Après les bars, les discothèques, classées en trois catégories.

« Les discothèques semblent avoir un caractère universel : des lumières clignotantes, un rythme palpitant et un niveau élevé de décibels. Il existe trois types de discothèques à Papeete : les minables, rendez-vous des filles des marins français, les folles discothèques gays et les discothèques sélectes.

La première catégorie, située sur le front de mer près de la base navale, doit être évitée. La deuxième variété, les discothèques gays qui comprennent le Piano Bar et le Bounty Club, ont l’ambiance la plus libre de toutes et attirent une foule mixte de touristes, résidents, marins français, gays et hétéros.

La bonne chose dans ces clubs, c’est que tout le monde est accepté et vous pouvez prendre beaucoup de plaisir à seulemen danser ou regarder les gens entrer et sortir. Ces deux clubs sont les lieux de rencontre pour les mahu (travestis) et présentent des concours nocturnes de danses exotiques (spectacles de strip-tease) ou de beauté. Souvent, les travestis sont plus beaux que les femmes – ce qui peut conduire à des découvertes surprenantes pour le visiteur non averti. Incidemment, l’homosexualité est, et a toujours été, acceptée par les Polynésiens.Vous ne serez jamais témoin en Polynésie française de la profonde hostilité envers les gays que vous pourriez voir en Amérique.

Une fois que vous aurez fréquenté le Piano Bar, les habitués vous reconnaîtront. Ce lieu de débauche peut être un bon endroit pour rencontrer des femmes célibataires. Comme on pouvait s’y attendre, les femmes peuvent être assez effrontées. Une jeune Tahitienne a demandé de l’aide pour traduire en anglais le fait qu’elle voulait faire l’amour avec un non-francophone dans le bar. Elle lui a demandé, mais il ne semblait s’en soucier d’aucune

façon, et a disparu dans la foule avec son partenaire de danse travesti. Si vous aimez la décadence dans le style de San Francisco, avec une touche polynésienne, le Piano Bar est à ne pas manquer. Enfin, il y a les discothèques traditionnelles, « normales » qui vont du chic (Club 106 ou Café de Paris) à l’ultra chic (Rolls Club). Ce sont les endroits où l’on peut boire si vous êtes un jeune Tahitien branché. » 

Pour terminer, Kay recommande La Jonque pour ceux qui souhaitent le calme, l’hôtel Princesse Heiata pour ceux qui veulent faire la fête toute la nuit à l’écart du centre-ville, et les roulottes pour manger à toute heure de la nuit.

Derniers conseils

L’auteur fait part à ses lecteurs de ses remarques sur deux points. La première concerne la rencontre avec les Tahitiens : « La meilleure attitude est d’avoir le moins d’attente possible parce que, quoi que vous pensiez, c’est probablement incorrect. Les Tahitiens sont des gens amicaux et ouverts, et si vous êtes comme ça, ils vous aimeront généralement comme vous êtes. Ne prends pas tes grands airs, ne crains rien de mauvais, et tu passeras de bons moments. »

La seconde remarque n’a pas changé en 40 ans : la vie est chère à Tahiti ! ◆

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