Hiro’a n°179 – L’ ŒUVRE DU MOIS

L’ ŒUVRE DU MOIS

Centre des Métiers d’Art (CMA) – Pu ha΄api΄ira΄a toro΄a rima΄ī

L'Oeuvre du mois toa

Rencontre avec Viri Taimana, directeur du Centre des Métiers d’Art. Texte : SF. Photos : SF et CMA

Quand l’art s’engage dans les changements climatiques

C’est une première. L’université de Sydney organisera les 15, 16 et 17 février 2023 un symposium consacré aux expressions culturelles et artistiques de l’Océanie francophone face aux changements climatiques. Un représentant du Centre des métiers d’art participera à ce rassemblement d’artistes de l’Océanie francophone engagés dans cette cause. À Tahiti, les élèves et enseignants travaillent déjà sur un livre et une exposition.

Le changement climatique est le danger d’aujourd’hui et demain. Le réchauffement et la montée des eaux sont une menace en particulier pour les îles et territoires de l’Océanie. Les pays anglosaxons s’en font l’écho depuis des années, l’Océanie francophone est plus timide sur le sujet. Des universitaires (Dr. Nathalie Ségeral, Dr Victoria Souliman  et Dr. Léa Vuong, A/P Michelle Royer) ont donc décidé de prendre le problème à bras-le-corps, avec le soutien de la School of Languages and Cultures, the Power Institute, le Sydney Environment Institute de l’université de Sydney, l’ambassade de France en Australie et le fonds Pacifique, afin d’organiser le premier symposium Art et environnement. « Au CMA, on va aborder le changement climatique à travers l’observation du corail, car ce dernier y est très sensible. Et si le corail meurt, il n’y a plus d’habitacle pour les poissons et ça devient un problème dans la chaine alimentaire de l’homme et pour la biodiversité », explique Viri Taimana, le directeur du Centre des métiers d’art. Un livre, des œuvres Si le CMA envoie un représentant invité par l’université de Sydney, les élèves et enseignants quant à eux prépareront dans la même période à Tahiti une exposition thématique «  TO’A, observer le corail pour mieux  comprendre le dérèglement climatique » qui pourra être consultable en visio. En réalisant cette exposition, la grande question sera : Comment contribuer à une prise de conscience collective sur le changement climatique ?

Dès avril dernier, tous les artistes du Centre ont imaginé une œuvre. Des installations, des photographies, des peintures, les supports sont divers, les messages tout autant. «  Tous les moyens sont bons pour montrer et raconter quelque chose, sensibiliser. Si on veut toucher le plus grand nombre, chacun doit pouvoir s’y retrouver car on a tous une préférence suivant le médium utilisé, précise Viri Taimana. Les artistes du Centre ont collaboré avec l’institut du récif corallien du Pacifique (IRCP) à la compréhension du corail et à l’élaboration d’un livre rassemblant ces œuvres. Ce livre met en avant les travaux des élèves et le travail de réflexion des enseignants, des chercheurs de l’IRCP ainsi que la compréhension du monde récifal par son directeur, Dr. Serge Planes. Le constat auprès des élèves est que la plupart ont une idée assez vague du récif, du corail et encore moins du polype. Par exemple, des élèves ont réalisé des peintures représentant des coraux mais qui ne sont pas de Polynésie ! Cela nous dit quelque chose ! Il ne suffit pas de prendre des images sur Internet ! On est donc partis plonger, encadrés par des spécialistes des coraux, pour comprendre cet univers et ces animaux. » Ce livre qui prend la forme d’un premier essai a été réalisé en collaboration avec l’Institut du récif corallien du Pacifique. Il sera la base de travail que les artistes du CMA vont compléter et enrichir. Les meilleurs travaux seront ensuite sélectionnés pour éditer le livre définitif. Ce dernier sera présenté au symposium à Sydney par Tokainiua Devatine, anthropologue, artiste et enseignant en histoire et civilisations polynésiennes au CMA.

Étendre le message dans l’Océanie

Pourquoi un livre ? Car il est un objet mobile. Facile à transporter, il peut circuler dans toute l’Océanie et étendre son message vers d’autres artistes et publics. La deuxième partie du travail des élèves et enseignants du CMA doit se poursuivre en septembre jusqu’en décembre 2022. Après l’élaboration du livre s’en suivra une exposition au mois de février ou mars 2023. Les œuvres partiront ensuite dans les îles, en particulier aux Tuamotu, archipel le plus concerné par le changement climatique. « On va viser les établissements scolaires mais on veut aussi que ce soit ouvert au public donc on va essayer de travailler avec les mairies pour avoir des lieux d’exposition », explique le directeur du CMA qui estime que le Centre doit aborder tous les sujets : ceux qui rendent fier comme ceux qui sont difficiles. « Car on sera plus réceptif, on ne portera pas de jugement à la hâte, on mènera une réflexion, ajoute Viri Taimana. Ce projet est important, nos élèves doivent être sensibles intérieurement et extérieurement. On a un paysage extraordinaire, on se doit de le préserver. Il en va de notre vie, de ce qu’on laisse à ceux qui viennent après nous. Il y va de la diversité. On doit arrêter d’être arrogant et égoïste. On doit penser à tout le monde. » Et quel meilleur moyen que d’utiliser l’art pour sensibiliser ? « L’art est une forme d’expression qui n’a pas de frontières et tout le monde peut y accéder », conclut Viri Taimana. Ce projet est une première pour le CMA mais le directeur l’annonce déjà : il sera à réitérer.

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Renforcement des collaborations Ce symposium consacré aux expressions culturelles et artistiques face aux changements climatiques rassemblera des chercheurs, commissaires d’exposition, artistes, écrivains et réalisateurs dont le travail concerne l’Océanie francophone ainsi que des acteurs de la vie culturelle et des universitaires venant d’Australasie. Le symposium sera aussi l’occasion de présenter de nouvelles œuvres et des projets artistiques, et de mettre en place de futures collaborations autour des problématiques urgentes pour la région :

  • Que peuvent les arts, la littérature, le cinéma face aux changements climatiques ?
  • Comment les artistes, les écrivains et réalisateurs en combattent-ils les effets ?
  • Comment faire reconnaitre le rôle des arts et de la culture dans le combat contre les catastrophes climatiques ?
  • Comment la culture permet-elle d’indexer la mémoire / de mémorialiser  / conserver la mémoire, ce qui est détruit par le changement climatique, mais aussi de créer de nouveaux outils pour y faire face ?
  • Quel rôle joue la culture dans une région secouée par des troubles aussi bien politiques qu’environnementaux ?

 

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