Hiro’a n°155 – Le saviez-vous ? Concorde : un oiseau blanc dans le ciel polynésien

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LE SAVIEZ-VOUS ? Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA) – Te Piha faufa ΄a tupuna

Concorde : un oiseau blanc dans le ciel polynésien

Rencontre avec Sébastien Damé et Cédric Doom du Département du patrimoine audiovisuel et internet (DPAMI) au SPAA. Sources : Facebook Aviation Geeks Tah iti – avec l’aimable autorisation de M. A. FONTAN – Les volsdeconcorde.com – Photos : avec l’aimable autorisation de Fare Rata, la Poste du Fenua / W. Bringold – Collection SPAA – Archives PF – Avec l’aimable autorisation de la famille Bringold.

Il y a des avions mythiques qui ont fait rêver petits et grands. Le Concorde est de ceux-là. Souvent nommé « l’oiseau blanc », ce supersonique au destin tragique a plusieurs fois fait escale en Polynésie française.

Impossible de le rater ! Avec son long bec, le Concorde n’est jamais passé inaperçu tant dans le ciel que sur les tarmacs des aéroports, attirant à lui les foules, simples curieux et passionnés de l’aviation. Les Polynésiens ont eu l’opportunité de le contempler plusieurs fois, entre 1985 et 2000, dans des contextes pourtant totalement différents.

1985 : Moruroa et Concorde présidentiel

La première rencontre entre le ciel polynésien et le Concorde a lieu en septembre 1985 sur fond d’essais nucléaires, de contestations des pays riverains et en particulier de tensions diplomatiques avec la Nouvelle-Zélande suite au sabotage, deux mois plus tôt, du navire Rainbow Warrior. Ce voyage surprise (qui passait également par Kourou pour assister au lancement de la fusée Ariane 3), organisé le 13 septembre à Moruroa par le gouvernement français, entend ainsi affirmer la présence stratégique de la France dans la région avec l’organisation d’une réunion du Comité de coordination du Pacifique sud. À bord de ce vol présidentiel, François Mitterrand et quelques ministres dont Charles Hernu (Défense), Pierre Joxe (Intérieur), Roland Dumas (Relations extérieures), Hubert Curien, ministre de la Recherche et de la Technologie, et Georges Lemoine, secrétaire d’État aux DOM-TOM, mais aussi plusieurs chefs militaires : le général François Mermet, directeur des centres d’expérimentation nucléaire, l’amiral René Hugues, commandant le centre d’expérimentation du Pacifique et commandant la zone navale, et le général Michel Franceschi, commandant supérieur des forces françaises en Nouvelle-Calédonie, comme le souligne Le Monde dans son édition du 12 septembre 1985. Sur place, se retrouvent plusieurs ambassadeurs français en poste dans des pays du Pacifique. Le quotidien Les Nouvelles de Tahiti titrait alors : « François Mitterrand inspecte l’atoll interdit ».

Le Concorde affrété pour l’occasion est le F-BV FB dont la particularité est d’être équipé de l’aménagement présidentiel. Pour la petite histoire, celui-ci a bien failli ne pas se poser sur l’atoll polynésien car, au départ à Paris, une alarme sur le système d’antipatinage avait obligé l’équipage à changer d’avion. Finalement, s’agissant d’une fausse alerte engendrée par une interférence avec l’émetteur radio présidentiel, le Concorde F-BVB F rejoindra le président de la République en Guyane pour la suite du voyage. Quelques heures après son atterrissage à Moruroa, le supersonique remet les gaz pour rejoindre à vide Hao, car la piste de Moruroa s’avère trop courte pour un décollage à pleine charge. Le vol entre les deux atolls se fera en Caravelle pour le président de la République et son gouvernement.

Un mois plus tard, entre le 23 et le 25 octobre 1985, nouvelle visite du Concorde présidentiel à Moruroa. Cette fois, le ministre de la Défense est Paul Quilès, Charles Hernu ayant été contraint de démissionner, éclaboussé par l’affaire du Rainbow Warrior. Ce nouveau vol compte aussi à son bord le Premier ministre Laurent Fabius et le secrétaire d’État chargé de la prévention des risques naturels et technologiques Haroun Tazieff. L’objet de cette visite est d’assister au premier – depuis l’affaire Rainbow Warrior – et 150e tir nucléaire (baptisé Hero). Comme pour la première visite, le Concorde ne passera jamais par Tahiti et fera son escale technique à Hao. Un passage éclair, mais accompagné d’une campagne de communication forte pour tenter de rassurer et de redorer le blason de la France à l’étranger.

Le Concorde présidentiel se posera une troisième et dernière fois à Hao les 16 et 17 septembre 1987. Jacques Chirac, Premier ministre de l’époque, arrive de Nouvelle-Calédonie où s’est tenu un référendum sur l’accès à l’indépendance. Si Hao n’est qu’une escale technique pour l’avion, Jacques Chirac en profite pour s’entretenir avec les faux époux Turenge, alias le commandant Alain Mafart et le capitaine Dominique Prieur, responsables du sabordage du Rainbow Warrior, en résidence surveillée sur la base militaire de Hao.

Vols commerciaux et tour du monde

En 1986, treize Concorde sont en service auprès des deux compagnies aériennes Air France et British Airways, mais ils sont exploités uniquement sur les lignes bénéficiaires Paris-New York, Londres-New York et Londres-Washington. Pour rentabiliser les avions, les deux compagnies se lancent alors à une semaine d’intervalle dans les vols « Tour du monde » dédiés à une clientèle aisée (il faut compter 2 millions de Fcfp de l’époque pour monter à bord). Celui d’Air France, organisé par American Express, part de Paris le 15 novembre 1986 et compte 88 passagers et 11 membres d’équipage. Les Concorde n’embarqueront jamais plus de 100 passagers pour les tours du monde, limités par le poids des nombreux bagages de cette clientèle fortunée, mais aussi par la quantité significative de pièces techniques indispensables pour procéder aux réparations les plus courantes. Le 22 novembre1986, Les Nouvelles de Tahiti publiait une double page sur le « cygne » et son arrivée le 21 novembre, pour la première fois, sur le tarmac de l’aéroport de Tahiti-Fa’a’ā. « L’aéroport de Fa’a’ā n’avait pas connu pareille foule depuis 1979, date à laquelle était venu en visite officielle le président Giscard d’Estaing. […] Les gens ont littéralement envahi l’aérogare et l’aérodrome », retrace alors le quotidien local. L’enthousiasme est à son comble pour le premier supersonique se posant à Tahiti. Les Concorde feront 28 fois escale à Tahiti dans le cadre des vols « tour du monde » (26 fois avec Air France et 2 fois avec British Airways) entre 1986 et 1993 et compteront parfois à leur bord des personnalités comme le commandant de la mission spatiale américaine Apollo 8, Franck Borman.

En 1995, alors que les essais nucléaires reprennent, le voyagiste qui affrète le Concorde d’Air France préfère annuler les escales techniques à Tahiti prévues le 11 septembre puis le 5 octobre et privilégiera Fidji. Une sage décision puisque les 6 et 7 septembre, suite à la reprise des tirs nucléaires, des émeutes éclatent à Tahiti entrainant l’incendie de l’aéroport. Jusqu’en 2000, et la fin de l’aventure Concorde suite au crash de Gonesse, en région parisienne, les vols vers Tahiti seront davantage des escales techniques Il n’empêche qu’à chacun de ses passages, le bruit bien particulier de l’avion qui dépasse la vitesse du son ne manquait jamais de faire lever vers le ciel les regards admirateurs, des petits comme des grands, dans l’espoir d’entendre la fameuse déflagration provoquée par le « bang supersonique ».

Leg :

Le Concorde est venu en Polynésie à de nombreuses reprises entre 1985 et 2000.

Premier jour d’émission – 1969.

On vient admirer l’avion directement sur le tarmac à l’époque.

Accueil des passagers en tour du monde.

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