N°97 – Ma vie après le Conservatoire, saison 1

CONSERVATOIRE ARTISTIQUE DE POLYNESIE FRANCAISE – TE FARE UPA RAUMOEHO01

 

Rencontre avec Heimaire Opeta et Moeho Tchong. Texte : SF. Photos : DR.

 

Elles ont grandi au Conservatoire de Tipaerui mais poursuivent leur carrière artistique et musicale en métropole. Portrait de deux artistes épanouies : Heimaire Opeta, danseuse de ’ori tahiti, et Moeho Tchong, violoniste classique.

 

Heimaire : l’amour de la Culture

 

Après avoir brillamment obtenu son diplôme d’étude traditionnelle en danse il y a deux ans, la jeune femme a rejoint Montpellier où elle a ouvert sa propre école. Heimaire y défend son amour d’une culture authentique au rythme des otea.

 

Que fais-tu actuellement à Montpellier ?

Je suis en deuxième année de licence « Sciences du Langage » à l’Université Paul Valéry de Montpellier. J’ai également fait la grande rentrée de mon école de danse. Ce n’est pas évident, mais je suis motivée !

 

Pourquoi as-tu décidé d’ouvrir une école de danse ?

J’étais animée par cette volonté de promouvoir ma culture et de la présenter comme un art à part entière. J’ai décidé d’appeler mon école « Onohei », ce que l’on pourrait traduire par le lien d’une culture sacrée et enveloppée de richesses.

 

Comment se sont déroulés les premiers cours ? Quelles ont été les réactions des élèves ?

Le premier cours s’est très bien passé, il s’est déroulé avec le sourire et dans la bonne humeur. Pour l’instant, j’ai surtout des élèves de 18 ans et plus. A l’issue du premier cours, elles étaient toutes fatiguées mais tellement contentes.

Que penses-tu de l’enseignement que tu as reçu au Conservatoire de Tahiti ?

J’y ai passé toute mon enfance et mon adolescence jusqu’à l’obtention de mon diplôme. J’ai grandi dans cet établissement, c’est un véritable honneur. J’ai énormément appris grâce notamment à Tatie Moon, Mamie Louise, Tatie Vani et Tatate (Erena). Je leur en suis extrêmement reconnaissante car je leur dois tout !

Penses-tu que la culture, notamment la danse traditionnelle, peut aider à développer l’attrait pour le fenua à l’étranger ?

Aujourd’hui, notre culture est bien connue, elle est même bien implantée à l’international. Oui, cela peut aider même si je m’en méfie un peu. Je trouve qu’il y a beaucoup trop d’écoles de danse tahitienne qui s’ouvrent et ne sont pas tenues par de véritables représentants de notre culture. Je pense que c’est à eux qui revient la charge de cet apprentissage. Je pense notamment aux élèves diplômés du Conservatoire ou aux personnes reconnues pour leur savoir et leur compétence en matière culturelle.

Moeho : une sensibilité infinie

Elle a de qui tenir. Moeho Tchong, violoniste hors pair de la section classique du Conservatoire, fut de longues années l’élève de Yolande Devrand. Elle a laissé à Tipaerui et sur toutes les scènes locales où elle s’est produite le souvenir d’un son unique et d’une immense sensibilité. Aujourd’hui, la jeune musicienne est à Toulouse où elle poursuit son aventure musicale.

Comment s’est passée ton arrivée à Toulouse et la suite de tes études musicales ?

J’ai rejoint l’orchestre de l’Université de Toulouse Capitole où j’entame par ailleurs une troisième année de Droit. Après quelques échanges avec le chef d’orchestre, je me suis retrouvée chef d’attaque des violons 1. J’ai en mémoire encore ce sentiment paradoxal de gêne, car j’ai toujours préféré les places plus discrètes et à la fois de fierté, car je viens d’un magnifique bout de terre perdu au milieu du Pacifique.

Depuis, le temps a passé…où en est ton répertoire ?

Cette année sera ma troisième dans cet orchestre ! L’avoir intégré était vraiment bénéfique tant d’un point de vue social que musical. Mais pouvoir reprendre la musique de chambre a été ce que j’ai préféré : rejouer en duo sur du Chosta, jouer à trois violons le Csardas de McLean ou encore interpréter le concerto de Vivaldi pour quatre violons. Parallèlement à cela, j’ai pu élargir mon répertoire avec les danses de Mr Granados. J’ai également été conviée à jouer avec les orchestres de certaines écoles de musique, ou pour animer des cérémonies. La plus importante a été la remise des prix avec des personnalités politiques tel que Monsieur José Luis Zapatero.

Tu penses encore à tes études au Conservatoire de Polynésie, à tes amies, à tes enseignants ?

Évidemment ! Et je profite de l’occasion pour les saluer. J’ai également entendu dire que le Conservatoire souhaitait devenir un CRR (Conservatoire à Rayonnement Régional). C’est vraiment une très bonne idée, ce projet doit aboutir. Avec ces deux années, et cette troisième qui commence, je me rends compte du niveau que l’on a, et il est très bon. Techniquement, on n’est pas mal. Mais ce qui nous différencie surtout, c’est l’enseignement. Chez nous, nous accordons à la musique une liberté d’interprétation, celle qui vient du coeur. Ici, je suis souvent heurtée par des : ‘’Bach, c’est léger comme ceci, comme cela’’. Le Conservatoire de Polynésie propose un enseignement de qualité. Nous avons d’excellents professeurs, mais aussi des master class qui rendraient jaloux plus d’un musicien ici…

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