N° 88 – « Nous conservons tout ce qui peut intéresser le patrimoine de la Polynésie française »

Tamatoa Pomare Pommier, chef du Service du Patrimoine Archivistique Audiovisuel – Te piha faufa’a tupuna

Propos recueillis par ASF

Perché sur les hauteurs de Tipaerui, le bâtiment du Service du Patrimoine Archivistique Audiovisuel (SPAA) a des airs de forteresse. Il faut dire qu’il renferme un trésor inestimable : une partie de la mémoire de la Polynésie française, répartie dans treize magasins avec une capacité linéaire de 12 km d’archives, dont 80 % actuellement sont occupés. Hiro’a a le plaisir de compter parmi ses nouveaux partenaires le SPAA et vous en présente son chef, Tamatoa Pomare Pommier.

 

Le SPAA vient de rejoindre le comité de rédaction du magazine Hiro’a. A cette occasion, pouvez-vous nous présenter sa principale mission ?

A l’origine, il y a le service territorial des archives créé en 1962. La mission première de cette structure est l’archivage des documents administratifs de l’ensemble des services du Pays. Tout administré peut ainsi accéder à ces documents centralisés chez nous. Aujourd’hui, les plus consultés sont les documents liés à l’état civil, à la propriété foncière et ceux liés à la justice.

Y a-t-il aussi une mission culturelle ? 

La deuxième mission du service est en effet de conserver tout ce qui peut intéresser le patrimoine de la Polynésie française. Cela se fait soit par l’acquisition d’œuvres et d’ouvrages, soit par le dépôt légal. Actuellement, tout ouvrage imprimé en Polynésie française doit faire l’objet d’un dépôt légal au SPAA. Nous incitons également les personnes qui impriment hors du territoire à venir déposer leurs ouvrages si ces derniers participent au patrimoine de la Polynésie française.

En 2011, le service des archives a fusionné avec l’ICA*, est-ce que cela a eu une incidence sur votre métier ?

Le métier des archives se fait quel que soit le support. De 1984 jusqu’à 2010, la mission de l’ICA a été notamment la conservation des fonds audiovisuels. Lors de la fermeture de l’établissement, il a fallu intégrer ses fonds à la bibliothèque du Pays. Nous n’avons pas l’équivalent du dépôt légal en matière d’audiovisuel, donc là encore nous en appelons à la bonne volonté de chacun pour venir déposer sa production.

Ce dépôt s’applique aussi pour les fonds personnels ?

Tout à fait, et c’est d’ailleurs notre troisième mission : récolter les fonds personnels quel que soit le format. Par exemple, nous avons des familles qui viennent nous déposer des photographies. Il s’agit généralement d’un dépôt révocable, c’est-à-dire qu’ils peuvent récupérer leurs documents. Nous les numérisons et ensuite les propriétaires de ces biens nous autorisent ou pas à les rendre consultables.

Vous venez de récupérer les fonds de la SPACEM**, cela représente 36 ans de créations musicales polynésiennes sur 71 mètres de linéaire. C’est un véritable trésor pour vous ?

Oui, mais il faut encore que l’on en fasse l’inventaire, que tout soit numérisé, puis consultable par tous. Le service des Archives a pour vocation de permettre la communication des documents dans le respect des droits de tous, ainsi les artistes auront la possibilité de récupérer leurs partitions originales, notamment pour faire valoir leurs droits sur des réutilisations. L’exploitation des fonds par des tiers ne pourra être envisagée qu’après une étude juridique des droits liés à chaque œuvre. Le travail est conséquent, mais nous espérons pouvoir le finaliser en fin de premier semestre 2015.

Vous parlez de la numérisation et vous-même étiez auparavant directeur de l’agence de la réglementation numérique. Est-ce là une des évolutions indispensables du service ?

J’ai eu comme mission, dès mon arrivée en juin 2014, la mise en place d’un système d’information cohérent pour la gestion des archives. Notre premier défi numérique porte sur le récolement afin d’avoir un catalogue complet de ce que nous possédons. Le second défi est de rendre accessible à tous ce catalogue, l’objectif à terme étant de disposer d’une bibliothèque numérique. Nous souhaitons aussi numériser un maximum d’ouvrages pour limiter leur manipulation et leur dégradation ; l’ouvrage le plus ancien date tout de même de1770 : « Le sauvage de Taïti aux français : avec un envoi au philosophe ami des sauvages ».

Vous avez également un site Internet en cours de construction?

Le site Internet, qui sera opérationnel au premier semestre 2015, sera là pour informer de ce qui est fait et de ce qui est disponible sur les catalogues. L’idée est de donner des éléments sur ce qui est consultable. Le site Internet est aussi un premier pas vers le projet plus lointain de la bibliothèque numérique du patrimoine polynésien.

Quels sont justement vos projets pour 2015 ?

Jusqu’à présent, le service faisait une à deux manifestations par an. Cette année, nous avons un programme plus ambitieux avec six manifestations et au moins la parution de deux cahiers des archives que l’on appelle « Archipol ». Notre première manifestation a lieu ce mois-ci, il s’agit d’une exposition sur la monnaie au Musée de Tahiti et des îles. Nous faisons le choix de ne pas proposer les expositions intra-muros, mais de sortir des Archives pour aller dans des lieux plus visités comme le Musée de Tahiti et des îles, la Maison de la Culture, etc. L’idée est de toucher un public le plus large possible en allant à leur rencontre.

Votre implication dans le magazine Hiro’a s’inscrit également dans cette démarche ?

Exactement, l’idée est de montrer d’avantage ce que nous faisons ici. L’aspect austère du bâtiment ne donne pas forcément envie d’y venir, mais nous voudrions expliquer au public ce que notre service peut lui apporter. La consultation des documents est ouverte à tout le monde et gratuite. Aujourd’hui, nous comptabilisons 200 visites par mois, mais je suis certain qu’en étant plus connu, nous intéresserons beaucoup plus de personnes !

 

 

* ICA : Institut de la Communication Audiovisuelle

** SPACEM : Société Polynésienne des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique

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