10 questions à

Les diplômés 2013 du Centre des Métiers d’Art

 

« Le diplôme du Centre des Métiers d’Art reconnaît un savoir-faire particulier envié ailleurs »

 

Warren Orbeck, Mike Teissier et Matahi Chung Sing sont certifiés par le Centre des Métiers d’Art en sculpture et en gravure. Ils ont fait trois années d’étude pour y parvenir, au terme d’un chemin exigeant, souvent difficile mais aussi riche de découvertes et de satisfactions. Ils ont dû rassembler, conjuguer et résoudre leurs contradictions, faire preuve de créativité en mettant à leur service la qualité des gestes et la technicité. Voici trois questions à ces trois nouveaux certifiés et le mot de la fin au directeur Viri Taimana.

 

Warren Orbeck

 

Peux-tu nous expliquer ton projet de diplôme ?

Le corail a servi de point de départ à la création de toutes mes parures, dans lesquelles j’ai représenté et décliné différentes formes de coraux. J’ai aussi expérimenté un travail sur les liens, en écho à l’œuvre que j’ai réalisée pour l’exposition Manava : la mise en relief du parcours géographique qui a été le mien.

 

Après trois années d’étude au CMA, quel bilan fais-tu ?

C’est une chance que d’apprendre dans ce lieu chargé d’histoire, entouré et encadré par des passionnés. Ce fut une bonne expérience qui m’a permis de me dépasser.

 

Qu’envisages-tu pour la rentrée ?

Je vais monter mon entreprise de création de bijoux et faire les salons.

 

Matahi Chung Shing

 

Peux-tu nous expliquer ton projet de diplôme ?

Je suis parti sur l’idée de réaliser un ti’i en forme de boule. Je souhaitais adapter la forme des dieux anciens de manière à pouvoir les tenir entre mes mains, afin de remettre en question notre rapport à eux. En approfondissant la démarche, le concept de « boule » est devenu « gros » puis « obèse ». J’ai donc sculpté des ti’i obèses, se prélassant sur des paquets de sucre ou des boites de punu puatoro, pour matérialiser les excès contemporains de l’homme. Mes ti’i sont à l’image des hommes d’aujourd’hui…

 

Après trois années d’étude au CMA, quel bilan fais-tu ?

J’étais venu pour me perfectionner en dessin et pour apprendre la sculpture. Cela m’a apporté beaucoup de connaissances et de technicité. Je ne pensais pas que ce serait aussi difficile mais j’ai le sentiment d’avoir bénéficié d’une véritable formation.

 

Qu’envisages-tu pour la rentrée ?

J’ai trouvé un travail dans la fabrication artisanale de rames, et parallèlement, j’aimerais aller plus loin en art. J’ai des choses à exprimer, à montrer. Finalement, l’enseignement au Centre des Métiers d’Art m’a donné envie d’explorer une voie plus artistique qu’artisanale. Mais il est tout à fait possible d’allier les deux.

 

Mike Teissier

 

Peux-tu nous expliquer ton projet de diplôme ?

Je suis passionné de chants polyphoniques (himene tarava), dans lesquels je puise mon inspiration. Pour leur rendre hommage, je voulais matérialiser une sorte d’éloge de mon district, Papara, et illustrer différents pans de notre histoire comme la bataille de Fe’i pi. Le pétroglyphe de tortue, typique des Îles-Sous-le-Vent, revenait souvent et j’ai finalement décidé de me concentrer sur cet animal, de le décliner à travers différentes sculptures. J’ai sculpté la tortue en relief, en creux, ajourée, je l’ai entrelacée et stylisée pour qu’elle s’adapte aux différents mobiliers que j’ai imaginé : une armoire, une table, des paravents…

 

Après trois années d’étude au CMA, quel bilan fais-tu ?

J’ai beaucoup appris et surtout, le plus important à mes yeux : la valeur du travail collectif, la stimulation apportée par une équipe, la solidarité. Cela permet de réaliser des grands projets. Grâce au CMA, je suis sorti de Tahiti pour visiter des musées en France – une expérience inoubliable qui m’a donné envie de m’ouvrir davantage sur ma propre culture et d’autres.

 

Qu’envisages-tu pour la rentrée ?

J’ai postulé pour obtenir une bourse d’étude néo-zélandaise. Si ça marche, je vais partir étudier un an en Nouvelle-Zélande l’infographie et la sculpture maorie. Ensuite, je verrais bien où cela me mène. J’ai toujours dans un coin de ma tête le projet d’ouvrir, un jour ou l’autre, un atelier de sculpture à Tahiti.

 

 

Viri Taimana

 

Un mot sur les œuvres des nouveaux diplômés ?

Vu l’accompagnement et l’ouverture que l’on a proposé aux élèves – certains ont même pu voyager – les multiples rencontres avec des artistes qui ont été organisées, j’aurais espéré plus d’audace, plus d’ambition. Néanmoins, je reste persuadé que tous les élèves qui sont passés par le CMA pourront amener, par leur travail, un regard particulier sur la culture et sa compréhension. Dans ces nouveaux projets de diplôme, il y a des thématiques intéressantes qui ouvrent des possibles sur des utilisations de la sculpture, du mobilier et de la bijouterie. Même si un diplôme ne « fait » pas un individu, il contribue à l’inscrire socialement. Celui du CMA reconnaît un savoir-faire particulier envié ailleurs, notamment par certaines universités océaniennes et internationales avec lesquelles nous tissons des liens importants depuis plusieurs années.

 

ENCADRE

Un jury exigeant

Les projets de diplômes du Centre des Métiers sont notés par une équipe de professionnels extérieurs à l’école : cette année, les élèves ont été jugés par Théano Jaillet, directrice du Musée de Tahiti et diplômée de l’école du Louvre, Louis Devienne, artiste peintre diplômé de l’école nationale des Beaux-Arts de la Villa Arson, Frédéric Bon, dit « P’tit Louis », artiste, caricaturiste, sculpteur diplômé de l’École Boulle et Heremoana Buchin, entrepreneur, bijoutier graveur sur nacre, lauréat de salons de bijouterie d’art. Trois des quatre prétendants au certificat de fin de formation ont été reçus.

 

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