Savez-vous conter ?
[singlepic id=141 w=320 h=240 float=left] Les voix de l’archipel des Gambier s’élèvent au Musée de Tahiti et des Îles, et accompagnent la découverte des trésors actuellement exposés pour « Mangareva ». Coco et Aimeho, les deux conteurs, proposent jusqu’à la fin du mois légendes contées et visites guidées. Plus qu’un métier, conteur est une façon d’être et de vivre. Rencontre avec ceux qui savent émerveiller petits et grands.
A l’occasion de l’exposition « Mangareva », ouverte jusqu’au 24 septembre prochain, le Musée propose des séances de contes pour les enfants dès 6 ans. Corinne Billard, dite Coco la conteuse et Aimeho Charousset animent ces visites où le plaisir se mêle à la connaissance. Ils emmènent les enfants à la découverte du monde légendaire des îles Gambier à travers les légendes de Taaki et du Requin de Rikitea. Des histoires merveilleuses racontées… à merveille !
Qu’est-ce qu’un conte selon vous?
Coco : un conte est un voyage dans le monde de l’imaginaire et du rêve. C’est aussi une construction personnelle, car à travers les histoires entendues, on peut se projeter. Les histoires sont essentielles car elles permettent de découvrir le monde sans bouger.
Aimeho : le conte est un des plus vieux arts de l’humanité, basé sur la transmission entre les générations.
Conteur : métier ou passion ?
Coco : j’ai fait de ma passion mon métier. A la base, je suis libraire, spécialisée dans la littérature jeunesse. J’avais envie de raconter les belles histoires que je lisais, pour le plaisir. Désormais, je travaille exclusivement comme conteuse auprès des écoles, crèches, centres aérés, comités d’entreprise, etc.
Aimeho : en ce qui me concerne, conteur est mon « état » ! Je n’en ai jamais fait un métier. J’ai toujours raconté des histoires. A mes enfants d’abord, pour les endormir… Maintenant, qu’ils sont grands, je souhaite en faire profiter les autres !
[singlepic id=140 w=320 h=240 float=left]Comment raconte-t-on un conte ?
Coco : il y a différentes manières de conter, selon les sujets, mais aussi et surtout selon sa personnalité et son vécu. C’est pourquoi il est impossible d’entendre deux fois le même conte ! Une histoire est toujours racontée avec ses émotions, ses mots, et cela influe sur la façon de la transmettre.
Aimeho : il existe des techniques variées en effet. Au Musée, j’ai essayé d’accompagner le récit avec un to’ere. Les percussions ponctuent les histoires, beaucoup de conteurs y ont recours. Mais je n’y suis pas parvenu, alors je suis resté sur ma voix.
Un conteur est-il un acteur ?
Coco : personnellement, je suis arrivée au conte par le théâtre. Il y a en effet une forme de théâtralité dans le récit oral. L’interactivité et les échanges sont importants pour tisser des liens avec son public. C’est ton attitude lors de ce moment privilégié que nous vivons tous ensemble qui va marquer et donc créer des souvenirs.
Aimeho : je crois que ce sont deux arts différents, même si ils sont issus de la même lignée.
Quelles sont les réactions du public ?
Coco : il y a trois publics : enfant, adolescent et adulte. Les enfants sont toujours prêts à entendre des histoires. Les ados, c’est plus délicat mais non moins intéressant. D’emblée, ils sont un peu réfractaires : « les histoires, c’est pour les bébés lala ! ». et puis au fur et à mesure de l’histoire, on voit leurs oreilles se tendre, leurs yeux et leurs bouches s’arrondir… et à la fin ils sont conquis ! Quant aux adultes, ils reviennent volontiers aux histoires et adorent ça.
Aimeho : c’est justement pour voir les réactions du public que je raconte des histoires ! J’aime particulièrement m’adresser aux enfants. Parvenir à les capter, à leur transmettre des émotions, quel bonheur !
Quelle est l’importance de cette activité orale d’après vous ?
Coco : les contes transmettent de petits savoirs essentiels. Ils apportent une manière de se construire différente de celle de l’école. Ces temps d’écoute et de partage sont fondamentaux pour la construction de l’être humain ! Raconter des histoires faisait autrefois partie du quotidien. Les anciens racontaient aux plus jeunes, et ce, aux quatre coins du monde. L’arrivée de télévision a créé une vraie barrière ; il faut savoir l’éteindre pour revenir à ces liens générationnels. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que les « vieux » n’osent plus, ils craignent le manque d’intérêt de leurs enfants. C’est dommage.
Aimeho : elle est primordiale. Je ne suis pas très pédagogie, didactique, etc. Avec le conte, on a tous les éléments essentiels à la transmission et depuis bien longtemps. Il relie les hommes entre eux, aide à la construction de l’identité, répond aux mêmes attentes et procure le même émerveillement, que l’on soit Japonais, Polynésien ou Norvégien !
Y a-t-il des points communs entre les contes issus de cultures différentes ?
Coco : Oui, dans la mesure où d’une culture à une autre, on retrouve l’expression des mêmes émotions et questionnements : l’amour, la peur, le deuil, la joie, le bien, le mal, la morale, etc. Il y a des cendrillons sur tous les continents ! La force du conte, d’autre part, est de parvenir à transmettre de manière très subtile des sentiments très riches et profonds. Ensuite, les contes ne se ressemblent jamais dans la manière de les raconter. C’est son essence même : les histoires voyagent d’une personne à une autre et se transforment !
Aimeho : sur le fond oui, mais pas sur la forme.
Conter pour une exposition du Musée de Tahiti et des Îles : une première !
Coco : oui, et quelle expérience formidable ! Par le biais des légendes contées et visites guidées, la culture est rendue plus accessible et vivante. Les histoires suscitent la curiosité de l’enfant, l’amènent à regarder, s’interroger et comprendre. Imaginez les réactions des enfants à qui l’on vient de raconter la légende d’un héros et que d’un coup, ils voient en vrai « sa » rame, « son » tiki ! Les objets du patrimoine prennent ainsi vie dans leurs esprits. C’est bien là tout l’intérêt de la démarche.
Aimeho : c’est le pied ! La démarche d’amener le conte au musée, un univers impressionnant et sérieux aux yeux des enfants, le rend immédiatement plus abordable et même passionnant.
Les conteurs tiennent à remercier chaleureusement Jean-Marc Pambrun, directeur du Musée, Tara Hiquily, commissaire de l’exposition « Mangareva » et Christel Vieille, vacataire en médiation culturelle, pour leur initiative.
Trésors de Mangareva : légendes contées et visites guidées
Où et quand ?
– Au Musée de Tahiti et des Îles
– Jusqu’au 24 septembre 2009
– Séances pour les centres de loisirs les mercredis et vendredis
– Pour les familles : le samedi matin à 10h00 (sur réservation)
– Renseignements : 54 84 35 – [email protected]