Hiro’a n°143 – Le saviez vous : Sept Polynésiens embarqués sur les navires espagnols

Rencontre avec Liou Tumahai, retraitée, auparavant maître de conférences en Langues et civilisations espagnoles à l’université de la Polynésie française.

Dans le Hiro’a n°141, nous avions publié un article intitulé D’autres Polynésiens embarqués sur les navires européens. Suite à cet article, une lectrice du Hiro’a, Liou Tumahai, nous apporte un éclairage supplémentaire sur les Polynésiens partis avec les Espagnols. Le fruit de ses recherches a été publié à plusieurs reprises dans le Bulletin de la société des études océaniennes (BSEO)*

Selon des manuscrits espagnols déposés aux Archives des Indes à Séville, Liou Tumahai a dénombré dans ses recherches, sept Polynésiens embarqués sur des navires espagnols entre 1772 et 1775, période pendant laquelle le vice-roi du Pérou, Manuel de Amat, a mandaté quatre expéditions vers Tahiti. Dès la première expédition (26 février 1772-31 mai 1773), un Polynésien, dont on ignore le nom, embarquait le 8 novembre 1772 sur la frégate espagnole El Aguila commandée par le capitaine Don Domingo Boenechea. Alors que le navire espagnol faisait route sur Tahiti, sans savoir exactement où se trouvait l’île, c’est bien ce Polynésien, habitant de Mehetia (Me΄etia)** qui lui a indiqué avec certitude la direction, en désignant de l’index «  Otaheti, Otaheti » ; malheureusement c’est la seule information dont on dispose dans le journal de bord du capitaine concernant ce premier Polynésien.

Baptême au Pérou

On en sait plus sur les quatre suivants, grâce aux journaux de bord des différents acteurs de la deuxième expédition espagnole à Tahiti dont les navires ont mouillé dans la baie de Tautira de novembre à décembre 1772. Il s’agit d’habitants de la presqu’île de Tahiti : le 20 décembre 1772, ils sont embarqués à bord de la frégate El Aguila en partance pour Lima (Pérou). Les dernières pages des journaux de bord espagnols relatent qu’ils sont tous les quatre volontaires pour monter à bord. Ils se nomment : Pautu, Tetuanui, Heiao et Tipitipia. D’après les recherches de l’historien espagnol Francisco Mellén, Pautu est le plus âgé des quatre ; il aurait 30 à 32 ans, d’après les journaux, il fut baptisé Thomas dans la cathédrale de Lima le 11 octobre 1773 avec son compagnon Tetuanui, âgé de 10 à 12 ans environ, baptisé sous le nom de Manuel. Tous les deux sont revenus à Tahiti lors du troisième voyage espagnol effectué de novembre1773 à janvier 1774. Les Espagnols souhaitaient fonder une mission catholique à Tautira avec le concours de ces deux Tahitiens fraîchement convertis et baptisés. En réalité, Pautu et Tetuanui abandonnèrent très rapidement leur foi catholique. Les deux autres Polynésiens sont morts durant le voyage de retour é Lima en 1773 : Tipitipia, un adulte de 25 ans et plus, est mort à Valparaiso (Chili) en février 1773. Il a été également baptisé du nom de José. Heiao qui aurait entre 18 et 20 ans, est décédé de la petite vérole le 2 septembre 1773 à Lima, mais il a été baptisé, le 28 août et reçut le nom chrétien de Francisco José Amat. C’est durant ce premier voyage de retour à Lima (de janvier à mai 1773) que les Espagnols ont pu obtenir de nombreux renseignements sur les différentes îles de présence de ces quatre Tahitiens : les différents toponymes des îles, le vocabulaire espagnol-tahitien de plus de mille mots, les trente premiers chiffres tahitiens, les vingt-deux noms de rivière de l’île de Tahiti, etc.

Des personnalités de Rai΄atea

Enfin, les deux derniers Polynésiens retenus, parmi les très nombreux volontaires, pour voyager avec les Espagnols lors de leur voyage de retour de la deuxième expédition vers Lima sont Puhoro et Paparua***. Le lieutenant Gayangos, nouveau commandant du navire El Aguila à la suite du décès du capitaine Domingo Boenechea, les présente comme étant des gens importants de l’île de Rai΄atea, appartenant à la famille de Tu. Nous n’avons pas d’autres d’informations sur ces deux derniers. Les journaux espagnols ne précisent pas si ces Tahitiens avaient comme Tupaia, d’excellentes connaissances en navigation.

*BSEO N° 294-284-312, 326-327, 328, 332, 333, 337.

**L’île est aujourd’hui inhabitéeé Le 6 novembre 1772, l’explorateur Domingo de Boenechea la baptisa San Cristobal. Ce fut la première rencontre espagnole avec des Polynésiens.

***Dans les différents manuscrits consultés, on lit Barbarua ou Maparua ou Paparua. Selon Liou Tumahai, ce sont des erreurs de copistes qui proviennent à l’origine de mauvaise retranscription de phonèmes tahitiens

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