Hiro’a n°139 : Le saviez-vous ? 1875 : tensions autour de la cathédrale

Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA) – Te piha faufa ’a tupuna

Rencontre avec Sébastien Damé, responsable du Département du Patrimoine Audiovisuel Multimédia Internet au sein du Service du patrimoine archivistique et audiovisuel.

 

Le saviez vous 1875 tension autour de la cathédrale messe à la cathédrale de Papeete. Cliché L. Gauthier_estampillé

Texte : à partir d’une note de l’historien Michel Bailleul – Visuels : SPAA

 

1875 : tensions autour de la cathédrale 

 

La « notude » de ce mois nous plonge en 1875. Nous sommes en fin d’année et un événement important anime Tahiti : la bénédiction des cloches et la consécration de l’église de Papeete. Un moment de célébration qui cache en réalité quelques tensions entre le commandant et l’évêque, comme l’attestent les documents issus du fonds Danielsson.

 

31 décembre 1875
Dans la Partie non officielle du journal Le Messager de Tahiti, deux articles attirent l’attention : on y relate la bénédiction des cloches et la consécration de l’église de Papeete. La cérémonie de bénédiction eut lieu le 19 décembre et prit l’allure d’un baptême pour les trois cloches dotées chacune d’un nom et d’un parrain prestigieux. La première, Marie-Charlotte, avait pour parrains le maréchal de Mac Mahon, président de la République, et son épouse. La deuxième, Émilie-Octavie, était parrainée par le gouverneur- commandant des É.F.O. Gilbert-Pierre et son épouse. La troisième, enfin, Anne-Martine, avait pour parrains l’amiral Fourichon, ministre de la Marine et des Colonies, et son épouse. Toutes les personnalités de métropole furent représentées par des personnalités de la colonie. Quatre jours plus tard, le 23 décembre, l’église fut a son tour consacrée « par une longue cérémonie qui a commencé à 6 h 1/2 du matin et a fini a 11 heures » peut-on lire dans le journal tandis que l’inauguration se déroula, elle, le jour de Noël. « M. le Commandant est venu a la messe, suivi de tous les officiers de la colonie. L’enceinte était complètement envahie et n’a pas cessé de l’être à tous les offices de la journée […] Le R.P. Collette, curé de Papeete, est monté en chaire et a adressé quelques chaleureuses paroles de reconnaissance a M. le Commandant et aux habitants de Papeete […] : En ce jour, ou il nous est donné de faire l’inauguration de cette belle église, édifiée par votre bienveillance et votre générosité, permettez-moi, au nom de notre pontife bien aimé et de tout le clergé de cette colonie, de vous exprimer notre trop juste reconnaissance. L’administration a beaucoup fait pour mener à bonne fin cet édifice, nous nous plaisons à le reconnaître et à lui en témoigner notre vive gratitude […] ».

L’heure semblait donc à l’entente et au consensus. Mais en réalité, l’enthousiasme de la consécration et de l’inauguration cachait une mésentente entre le commandant Octave Gilbert-Pierre et l’évêque. Pour preuve, le SPAA possède une photocopie d’une lettre que ce dernier adressa à M. Benoît d’Azy (vicomte, officier de marine,

1829-1890), directeur des Colonies. Dans cette lettre, Mgr Jaussen fait deux reproches au commandant : « Il ne nomme pas notre église cathédrale, mais église paroissiale » et veut imposer ses vues dans l’agencement de la partie «sacrée» de l’édifice. « Monsieur Gilbert-Pierre confond chœur et sanctuaire » proteste l’évêque après la décision de ce dernier d’avoir une balustrade entre la zone comprenant l’autel et le reste de l’église. Le commandant considérait que l’espace appelé sanctuaire ne comprenait que l’autel et les marches d’accès. De son côté, la configuration adoptée par l’évêque ne comportait pas de chœur. Or, Gilbert-Pierre estimait qu’il avait droit a une place éminente distincte : « Sa place surtout l’a occupé de la manière la plus spéciale » souligne Mgr Jaussen. Créant un espace qu’il dénommait chœur, devant les marches de l’autel, il se retrouvait de fait dans le sanctuaire, interdit aux laïcs. Mais un autre problème s’ajoutait à cette confusion : les canons de l’Église interdisaient la présence d’une femme dans le chœur. Or il se trouvait que la Reine Pomare était susceptible d’être invitée…

Tepano Jaussen fut tres perturbé par cette affaire. « J’écris aux évêques de nos colonies pour savoir d’eux si réellement les règles de l’Église sont violées dans leurs cathédrales». Il demanda au directeur des Colonies d’examiner et de faire approuver par le ministre les décisions qu’il avait prises, en accord avec le curé de Papeete, concernant le placement des fidèles dans la nouvelle église, partant du principe «qu’un chœur est inutile dans l’église de Papeete […], que la création d’un chœur, inaccessible aux femmes, empêcherait de donner à la Reine une place convenable… » Il conclut ainsi : « M. le Commandant a été poli à mon égard ; mais je devais renoncer à le convaincre. Il a accepté provisoirement sa place, et nous avons pu inaugurer l’église, mais dans son opinion, ce n’est que du provisoire. ».

 


Cathédrale de Papeete

La construction de cette église est projetée des 1844, mais de nombreuses péripéties retardèrent le projet : le choix de la terre posa problème puisque l’édifice devait être construit au centre de la ville ; puis les dimensions et le style furent sujets a discussion, l’évêque Monseigneur Tepano Jaussen désirant une cathédrale imposante. En fait, le plan final fut le suivant :

– une longueur de 39 mètres et une largeur de 14 et 16 mètres,

– une hauteur de nef de 16 mètres

– un clocher de 39 mètres

– une superficie de 580 m2 pour 500 places assises prévues.

Les travaux se déroulèrent en trois phases :

Entre 1856 et 1857 : La construction est dirigée par l’évêque Tepano Jaussen et réalisée par les Mangaréviens.

Entre 1857 et 1870 : Les travaux sont arrêtés pour cause d’obstruction de la part de l’administration et de la communauté protestante ; les Mangaréviens emportent trois portails pour les sculpter dans leur île et les renverront sur le chantier.

Entre 1870 et 1875 : La colonie reprend en main la suite du déroulement de la construction d’abord avec le commandant de Jouslard, puis le commandant Girard, avant d’être achevée avec le commandant Octave Gilbert-Pierre.

Décembre 1875 : inauguration.

C’est devant la cathédrale qu’est situé le PK 0 du réseau routier.

 

Pratique

  • Les notudes peuvent être consultées sur le site du SPAA
  • www.archives.pf

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