N°127 – Le jazz a son festival !

 

Conservatoire Artistique de Polynésie française (CAPF) –Te Fare Upa RauConcert - 1er Festival International de jazz1

Maison de la Culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui

 

Rencontre avec Otmaro Ruiz, pianiste invité à l’occasion du festival, Frédéric Rossoni, responsable du département de jazz du CAPF et chef de l’orchestre du Big band, Reva Juventin et Bruno Demougeot, chanteuse du groupe Coconut jazz, , pianiste des groupes Coconut jazz et The Q, et Frédéric Cibard, chargé de la communication au sein du CAPF. Texte Elodie Largenton.

 

Le Conservatoire Artistique de Polynésie française organise le premier festival international de jazz de Tahiti, du lundi 16 au vendredi 20 avril, en partenariat avec la Maison de la Culture. Pour les mélomanes, ce sera l’occasion de voir sur scène la chanteuse américaine Avis Harrell, le pianiste vénézuélien Otmaro Ruiz, et les meilleurs jazzmen du Fenua. Pour les curieux, l’événement permettra de découvrir cette musique de l’amour et du rêve, qui souffre souvent de sa réputation élitiste.

Donner un coup d’accélérateur à la pratique du jazz : c’est le premier objectif de ce festival. Il y a près de quatre ans, le conservatoire a ouvert un département de jazz, dirigé par Frédéric Rossoni. Il s’agit désormais« de partager la richesse et la beauté de cette musique avec un maximum de gens », explique Frédéric Cibard, chargé de la communication au sein du CAPF. Il rappelle que le rôle de l’établissement n’est pas seulement de « préserver les pratiques culturelles mais aussi de les développer ». Le conservatoire invite donc tous les amateurs de musique à une semaine d’événements autour du jazz. Tout a été pensé pour qu’un maximum de personnes puissent en bénéficier : les invités vedettes du festival, la chanteuse Avis Harrell et le pianiste Otmaro Ruiz, iront à la rencontre d’élèves de classes Cham/Chad (classe à horaires aménagés musique et arts traditionnels), notamment à Taravao. Le conservatoire ouvrira ses portes au grand public le mercredi 18 avril pour deux rendez-vous gratuits : un concert à ciel ouvert sur le nouveau paepae de l’établissement avec des groupes de jazz locaux et une master class donnée par Otmaro Ruiz.Pour le pianiste Bruno Demougeot,c’est une opportunité immanquable pour les musiciens qui aiment ce genre de musique. « J’ai eu la chance de prendre une heure de cours avec lui, il y environ 10 ans. À l’époque, YouTube n’était pas très développé alors c’était impressionnant de voir un niveau comme ça, ça m’a poussé à avancer. Avec un maître comme lui, une heure de cours suffit largement pour avoir du travail pour des années ! » se souvient le membre des groupes Coconut jazz et The Q. Enfin, le festival s’achèvera sur un concert au Grand Théâtre de la Maison de la Culture, réunissant invités et musiciens locaux.

« Le jazz, c’est la souffrance, c’est l’amour »

Mettre en avant le jazz à Tahiti pendant une semaine est un pari salué par les musiciens locaux. « C’est vrai que ce n’est pas une musique très populaire, mais il y a un public pour le jazz. Et puis, comme le classique, c’est l’ancêtre de nos musiques, le jazz était là bien avant le rock, la pop, ça fait partie des choses qu’il faut passer à nos enfants », plaide Bruno Demougeot. Pour faire passer ce message, rien ne vaut la scène : avec la chanteuse Reva Juventin, il raconte l’impact qu’a eu leur concert donné en première partie de Julien Clerc à To’ata, en septembre dernier. « C’est à partir de ce moment-là que Coconut jazz a décollé. Le nombre d’amis sur notre page Facebook a bondi », se félicite Reva Juventin. Venue de la variété, la chanteuse a été embarquée dans l’aventure du groupe il y a cinq ans et elle ne jure désormais que par le jazz. « C’est une musique subtile, profonde, authentique. C’est aussi une ambiance, on chante l’amour et j’aime ce côté soft et classe du jazz », explique-t-elle. Pianiste touche-à-tout, Bruno Demougeot souligne aussi sa préférence pour le jazz : « Avec cette musique, on s’exprime vraiment au plus profond de nous, on communique par les notes, les harmonies, les accords, on peut vraiment sortir de l’émotion. Il y a beaucoup de dialogue entre musiciens… sans qu’on se parle. »Même si Reva Juventin reconnaît qu’il vaut mieux avoir l’oreille musicale pour profiter pleinement de la richesse des mélodies jazz, les harmonies parlent à tous. « Le jazz, c’est la souffrance, c’est l’amour. C’est une musique beaucoup plus accessible que ce qu’on imagine », assure Frédéric Cibard. Ce premier festival international devrait permettre d’en prendre conscience.

 

Demandez le programme !

Organisé par le Conservatoire Artistique de Polynésie française, en partenariat avec Air Tahiti Nui, Magic city et la Maison de la Culture, le festival aura lieu du lundi 16 au vendredi 20 avril inclus.

  • Le mercredi 18 avril, le pianiste Otmaro Ruiz donnera une master class dans le grand auditorium du conservatoire, à 17h30. L’entrée est libre.

 

  • Cette master class sera suivie d’un concert sur le paepae du conservatoire, à 18h30. Plusieurs groupes locaux se produiront et Otmaro Ruiz se joindra à eux pour leur dernier morceau : Coconut jazz, The Q, et le Rossoni band. L’entrée est libre.

 

  • Le vendredi 20 avril, à 19h30, un concert au Grand Théâtre de la Maison de la Culture viendra clore le festival. Le Big band se produira avec la chanteuse Avis Harrell. L’entrée est à 2 500 Fcfp pour les adultes, 1 500 Fcfp pour les moins de 12 ans.

+ d’infos : 40 50 14 18, [email protected], www.conservatoire.pf ou sur www.maisondelaculture.pf, au 40 544 536

 

 

Cinq questions à Otmaro Ruiz, pianiste virtuose, invité du festival

Ce n’est pas la première fois que vous venez à Tahiti. Qu’est-ce qui fait revenir à chaque fois ?

Oui, je suis venu à Tahiti à de nombreuses reprises déjà. Dès mon premier séjour, j’ai rencontré des gens avec qui je savais que je serai ami pour toujours. Tout le monde m’a accueilli avec une chaleur et une confiance que je n’avais pas ressenties depuis longtemps. Ce qui m’a frappé aussi, c’est la passion des Tahitiens pour leur culture et leur terre, c’est juste un sentiment magnifique.

Quelle a été votre réaction quand on vous a annoncé le lancement d’un festival international de jazz à Tahiti ? Comment percevez-vous la scène jazz locale ?

On sait tous que les statistiques du jazz sont très « faibles », c’est le cas partout dans le monde. En Allemagne, en Suède ou au Venezuela, d’où je suis originaire, il y a un pourcentage similaire de passionnés de jazz. Comme la population tahitienne est peu nombreuse, le nombre d’amateurs de jazz semble être très faible, mais croyez-moi, l’amour de la musique est le même et c’est ce qui compte ! Ça a été une joie pour moi de découvrir un public aussi passionné et engagé lors de mes visites. Le fait qu’il y ait un festival de jazz à Tahiti me rend extrêmement heureux et confirme que cette forme artistique est bel et bien appréciée.

Que projetez-vous de faire lors de ce festival ?

C’est la première fois que je suis officiellement invité par le conservatoire à participer à des activités auprès des scolaires, et ce sera ma préoccupation principale. J’ai enseigné pendant de nombreuses années et je profite de chaque opportunité qui m’est donnée pour partager ce que je connais avec de jeunes musiciens.

Comment préparez-vous ces rendez-vous ?

Il y a plusieurssujets que j’aime aborder lors de mes présentations. Cela va de la composition spontanée à des concepts ayant trait à l’harmonie et au rythme. Quoiqu’il en soit, je m’adapte toujours aux intérêts manifestés par les participants. Il m’est arrivé à de nombreuses reprises de modifier une partie de mon intervention, cela ne me pose aucun problème. Dans certains cas, des master class et des interventions auprès des scolaires peuvent prendre une tournure très intéressante avec des débats sur la musique ou même des anecdotes sur la partie business. Je pense que toutes les informations, même celles qui sortent du cadre pur de la musique, peuvent être intéressantes pour des artistes en devenir.

Qu’aimez-vous dans le jazz ?

Le jazz, c’est la liberté artistique absolue, mais une liberté qui vient de la prise de conscience et de la connaissance pointue des règles et concepts musicaux qui en font une aventure incroyable et sans fin. Ces règles n’empêchent pas la création, au contraire, c’est comme avoir la boîte à outils la plus complète du monde. Le jazz est aussi une forme artistique qui se nourrit de toutes les cultures, c’est l’enfant de traditions européennes et africaines qui rencontrent des formes latines, brésiliennes et même des concepts indiens… C’est la famille mondiale heureuse dont on a tous rêvé – en tout cas, dont j’ai rêvé !

 

 

Otmaro Ruiz, un pianiste vénézuélien nommé aux Grammy

Né au Venezuela en 1964, Otmaro Ruiz a commencé le piano à l’âge de huit ans. Il a aussi pris des cours de guitare, d’harmonie, d’histoire et d’esthétique de la musique. S’intéressant aussi au dessin et au théâtre, il a étudié la biologie à l’université Simon Bolivar, tout en continuant à jouer au piano. C’est en 1982 qu’il décroche son premier contrat en tant que musicien, dans un groupe pop. Trois ans plus tard, il décide de se consacrer uniquement à la musique. Il se met alors à faire des enregistrements avec des musiciens locaux et étrangers, et à travailler dans un studio en tant que compositeur et arrangeur de jingles. 1989 est une année charnière : Otmaro Ruiz s’installe à Los Angeles, en Californie, où il obtient une maîtrise en interprétation jazz au California Institute of the Arts. Le pianiste vénézuélien a collaboré avec de nombreux musiciens de renom, dont Arturo Sandoval, John McLaughlin et Jon Anderson.

En 2012, Otmaro Ruiz s’est vu décerner par l’université américaine Shepherd un doctorat honorifique en musique. Son travail a aussi été célébré en 2016 : il a été nommé aux Grammy Awards dans la catégorie meilleur arrangement pour sa version de la chanson Girl from Ipanema.

 

 

Avis Harrell, la « reine de la polyvalence »

La diva américaine est née dans une famille de musiciens, à Washington. C’est auprès de sa mère et avec ses sœurs qu’Avis Harrell a appris à chanter dès son plus jeune âge. Sa voix puissante a été remarquée dès l’école primaire, et avant de terminer le lycée, elle avait déjà rejoint un groupe baptisé The Blue Mystics. Elle décide alors de s’installer à Los Angeles et est en quelque sorte pris sous son aile par Stevie Wonder, qui lui fait rencontrer les meilleurs coachs vocaux de la ville. Ses premiers succès, elle les obtient avec ses sœurs au sein de leur groupe The Fawns. Elles enregistrent des morceaux et se produisent dans de nombreuses salles de la côte Est. Avis Harrell est aussi connue pour avoir travaillé avec Ray Charles et Wayne Newton pendant plusieurs années. Elle a ensuite entamé une carrière solo en gérant ses projets de A à Z – elle écrit, chante, joue, et produit elle-même l’album The Best of Avis Harrell. Surnommée la « reine de la polyvalence », elle chante de la pop, du R&B et du jazz. Pour l’anecdote, avant d’emménager à Los Angeles, la show-woman avait décroché le titre de Miss America Washington DC.

 

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