Hiro’a n°176 – Dossier : 28e Heiva des écoles, Taupiti Ana’e

Maison de la culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui

Texte : Rencontre avec Keven, directrice de l’école Raivaihiti Bora Bora, et Laina Yeou, directrice de l’école Te Mana O Vaiahu. Texte : Sandrine Guyonnet – Photos : TFTN, DR, Anapa production

 

28e Heiva des écoles, Taupiti Ana’e : 35 écoles en scène, 5 à To’atā !

 

Le Heiva des écoles, renommé cette année Taupiti Ana’e, est le rendezvous incontournable des écoles de ‘ori Tahiti, de chant traditionnel, de ‘ukulele et de percussions de Polynésie française, ainsi qu’un moment essentiel du calendrier culturel du Pays. Pas moins de 35 écoles vont participer ; les plus grandes en nombre d’élèves auront cette année la joie de danser sur la place To’atā.

L’événement annonce les festivités du Heiva, une belle occasion de donner un premier grand rendez-vous au monde de la culture. Depuis sa création en 1994, à l’occasion des 2es Jeux de la francophonie, le Heiva des écoles n’a cessé de prendre de l’ampleur : de trois écoles lors de la première édition, il en rassemble désormais à chaque fois entre 30 et 40, tous domaines confondus. Cette année, ce ne sont pas moins de 35 écoles qui relèveront le défi et c’est avec fierté que les agents de la culture accompagneront tous ces artistes sur les scènes de Te Fare Tauhiti Nui.

Pour la 28e édition de l’événement, désormais baptisé «  Taupiti Ana’e  » et programmé du 2  au 11 juin 2022, TFTN, après avoir consulté les écoles de danse, a décidé de proposer la scène mythique de To’atā à celles qui comprennent un grand nombre d’élèves inscrits. Plusieurs écoles avaient donc le choix de se produire au Grand théâtre ou à To’atā et cinq d’entre elles ont choisi de danser dans les mêmes conditions et configuration que le Heiva i Tahiti sur la grande scène posée dans la fosse de To’atā.

Ces 35 écoles, ces artistes, ces centaines de danseurs et danseuses incarnent, sans aucun doute, la vitalité et la ferveur de la culture polynésienne. Depuis plusieurs années, cette rencontre ne se limite plus aux seules écoles de danse : le public a pu découvrir et apprécier le travail des écoles de percussions et de ‘ukulele dans le même cadre, mais aussi depuis 2019, une école de chant traditionnel.

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Encadré

Keven Hauata à la tête de l’école Raivaihiti Bora Bora

« Un rythme effréné, un fa’arapu puissant»

Raivaihiti Bora Bora se produira vendredi 10 juin sur la scène du Grand théâtre de la Maison de la culture. L’école dirigée par Keven Hauata existe depuis vingt ans, avec un parcours exemplaire fait de nombreux shows et voyages. Elle se lance pour la première fois dans l’aventure du Heiva des écoles et annonce la couleur sans complexe : se démarquer par une énergie et une fraicheur venues des îles.

Ce Heiva des écoles est-il une première pour ton école Raivaihiti Bora Bora ?

«  C’est une première effectivement, mais nous avons déjà participé à des concours sur Tahiti, notamment un concours unique entre écoles en 2006. Nous sommes venus également à Papeete pour le Hura Tapairu. J’ai aussi encadré pendant trois ans le collège de Bora Bora qui a remporté durant deux années consécutives le Heiva des collèges. »

Ton école a vingt ans. Pourquoi as-tu souhaité participer cette année à ce Heiva ?

« C’était prévu en 2020 mais le Covid est passé par là. Nous avons dû repousser la date. Pourquoi maintenant ? Eh bien, nous avions besoin d’une nouvelle source de motivation pour les élèves en dehors de notre spectacle de fin d’année. Venir sur Tahiti est une occasion de se confronter au niveau des autres, de se retrouver en dehors du contexte de la danse, de partager 3 à 4 jours ensemble, de renforcer la cohésion de notre groupe. »

Tes élèves danseront sur la scène du Grand théâtre. Combien seront-ils ?

« Nous aurions préféré danser sur To’at ā mais le nombre d’élèves que nous pré – sentons n’est pas suffisant. Il faut dire que pour 90 élèves, nous avons déjà un budget de plus de 2 millions sans compter les parents accompagnateurs. Cela a demandé beaucoup d’efforts et d’événements à organiser pour réunir la somme. Les 90 danseurs sont répartis en 5 classes, des plus petits aux mamans dont certaines dansent avec moi depuis vingt ans et leurs enfants aujourd’hui…

Qu’allez-vous présenter sur scène ?

«  Ce qui est périlleux, c’est le temps un peu court à respecter, soit 45 minutes. Pour nous, qui sommes quand même nombreux et qui venons de loin, nous sommes un peu déçus de ne pas pouvoir faire passer chaque groupe ; nous sommes obligés de mélanger jusqu’à trois classes. Au final, nous allons présenter huit danses, sans thèmes particuliers mais je compte bien apporter la particularité de Bora Bora. »

Et quelle est la particularité du ‘ori Tahiti de Bora Bora dont tu parles ?

« À Bora Bora, nous avons notre façon de danser, nous avons l’habitude de danser sur le sable, les filles ont un bon cardio, nous proposons un fa’arapu puissant. Nous avons aussi notre façon de taper sur les percussions… C’est très dynamique, effréné  ! Je souhaite amener cette différence, cette énergie, cette fraicheur. »

Quelles sont les difficultés à monter un tel projet ?

«  Le Covid nous a clairement compliqué la tâche. Le projet a commencé en 2020 mais en août 2021, nous avons été encore confrontés à la pandémie. Les cours ont donc démarré officiellement en no – vembre ; le projet s’est affiné seulement depuis cette date donc il a fallu trouver les fonds à travers des ventes, des concerts et d’autres événements comme l’élection de Mister Bora Bora. Je remercie ici vraiment tous les parents qui nous ont soutenus. Côté logistique, nous venons avec l’Apetahi Express et nous serons logés dans un fare amuira’a au Tombeau du Roi. »

Qu’en est-il des costumes ?

«  J’imagine les costumes, j’achète les matières premières et c’est une costumière qui fabrique les tenues. Je suis assez maniaque, je tiens à ce que les costumes soient uniformes. J’ai fait venir du tissu et des plumes de Hawaii. Je mise sur le tape-à-l’œil, on ne vient pas à Tahiti tous les jours (rires) ! » Quelle est l’histoire de ton école ?

« Elle a été créée par ma mère, une ancienne danseuse du groupe de Paulette Vienot. Elle trouvait qu’il manquait une école à Bora Bora, c’était la première. Je remercie aussi Makau Foster qui est la marraine de cette école. Au fur et à mesure, j’ai pris le relais jusqu’à aujourd’hui.  J’en suis à la deuxième génération et j’espère avoir la troisième !  Je suis fière d’avoir formé les meilleures danseuses des différents groupes de Bora Bora et, j’espère, de bonnes chorégraphes. Je fais le plus beau métier du monde ! »

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Encadré

Laina Yeou, directrice de l’école Te Mana O Vaiahu

«  Dans mon école, on donne de l’attention à chacune »

Laina Yeou, en collaboration avec Shelby Hunter, dirige une toute jeune école de danse installée provisoirement à Fare Ute à Papeete et a décidé de proposer la scène du Grand théâtre à ses 50  élèves. Laina, 35 ans, s’épanouit aujourd’hui en se rapprochant de sa culture, en découvrant ses racines et sa légitimité. Elle met toute son énergie à perpétuer la mémoire de sa grand-mère qui lui a transmis, durant son enfance en Métropole, tout son savoir, son amour pour la danse polynésienne, son gout du partage et de l’accueil.

Ce Heiva des écoles est une première pour toi. Qu’est-ce qui t’a poussée à participer ?

«  C’est dans la continuité de la création du groupe de danse, puis celle de l’école l’année dernière. Les élèves travaillent dur pour pouvoir se produire sur scène, pour montrer leur évolution. Le Heiva des écoles est un bel événement pour exposer cela à leur famille, même si le dispositif nous impose une contrainte de temps. J’ai 50 élèves, ce qui est déjà pas mal pour une jeune structure, et nous avons seulement 30  minutes sur scène. C’est court. En tout cas, le premier objectif est bien de présenter le fruit de notre travail et de promouvoir notre école. Ensuite, il s’agit d’afficher notre différence, notre philosophie. »

Quelle est donc cette philosophie ?

«  Je suis petite-fille d’une cheffe de troupe de danse. C’est ma grand-mère, Elisabeth Eritapeta Taae qui m’a initiée à la danse de mes 4 à mes 8 ans dans le Sud de la France. Ensuite, j’ai dansé dans de nombreuses troupes et écoles à Tahiti ; ainsi, j’ai pu voir les nombreux styles qui existent mais surtout les différents types d’apprentissage, la gestion du groupe, l’accueil des élèves, l’image que l’on veut donner aux autres… C’est cela que j’appelle la philosophie. C’est là où je dois dire que j’ai un peu souffert durant ce parcours. J’ai appris de chacun mais je n’ai jamais retrouvé ce que j’avais connu avec ma grand-mère qui avait son école à Toulon. C’était quelqu’un de très ouvert sur le monde, elle accueillait les danseurs et les danseuses chez elle, sur son terrain, et parfois, pendant quelques mois, nous étions une grande famille, on mangeait, on faisait nos tâches ménagères ensemble… Pour moi, la danse tahitienne, c’est certes apprendre à danser, à exprimer notre culture, mais c’est aussi partager notre culture et la façon de la partager. J’ai vécu la danse ici comme très sélective. À mon sens, on a oublié l’esprit de partage et de transmission. On en vient trop souvent à vouloir fabriquer des machines de guerre, à se mettre en compétition… Mon école de danse aujourd’hui accueille toutes les personnes qui ont été déçues dans les autres structures. C’est une réalité. J’ai des jeunes qui viennent car elles ne font pas partie de l’élite. Elle ne sont pas des superbes danseuses, sont souvent mises à l’écart, derrière, pas forcément reconnues à leur juste valeur. Aujourd’hui, il y a tellement d’élèves dans certaines écoles qu’elles sont devenues des numéros. Dans mon école, on veut donner de l’attention à chacune dans sa volonté de progresser… ou pas d’ailleurs. »

Tu dénonces un état d’esprit, une certaine compétition. Ne faut-il pas faire la différence entre les troupes et les écoles ?

«  Mais beaucoup maintenant sont à la fois chef(ffe) de groupe et directeur(trice) d’une école de danse. En voulant créer leur base pour le groupe, ils forment leurs meilleurs éléments à travers leur outil : leur école. C’est peut-être là qu’on s’est oublié… qu’on a oublié les autres élèves qui veulent simplement pratiquer une activité ou exprimer leur culture.  Cependant, moi aussi j’ai fait un spectacle en mai l’année dernière avec un groupe – un show préparé pour le Hura Tapairu – mais je n’y allais pas pour gagner. Je souhaitais participer pour juger de mes compétences à gérer un groupe, à mener un projet et à apporter du plaisir au public. C’est dans ce même état d’esprit que je compte participer au Heiva i Tahiti l’année prochaine. »

Tu as donc décidé de voler de tes propres ailes et de créer ton école de danse…

« J’ai décidé de créer mon école de danse pour transmettre ce plaisir de danser. Cet amour que j’ai pour ma culture, pour les gens. Je suis avant tout là pour eux selon leur niveau d’exigence. Les enfants, les ados, les mamans se sentent ici comme à la maison. D’ailleurs, dans l’enceinte de l’école de danse, on peut boire un verre, amener son repas, etc. Mais ce lieu est destiné à déménager pour un projet plus global de site culturel. »

Peux-tu nous parler de ce projet de site culturel ?

« Il sera situé sur un terrain à Pirae en bord de mer. Je souhaite faire un écolodge avec cinq cocodômes (structures à base de chaux et de fibre de coco). Sur le site, on proposera diverses prestations culturelles. Il y aura l’école de danse et ma maison.  C’est une démarche globale aussi pour changer ma façon de vivre et de travailler.  Le Covid est passé par là et m’a rapprochée de mes envies. »

Quel est le thème de ton spectacle au Heiva des écoles ?

«  La femme… sous toutes ses couleurs, toutes ses facettes, toutes ses émotions, de la petite fille à l’adulte en passant par l’adolescente. Mon premier spectacle l’année dernière baptisé Tumu parlait de mes origines… car je suis moi-même partie à la rencontre de ma famille que je ne connaissais pas, du côté de ma grand-mère, à Maupiti, d’où le nom de mon école Te Mana O Vaiahu, le nom du marae de l’île. Le spectacle parlait aussi des difficultés entre parents et enfants, d’incompréhension. Je pense que tant que l’on ne sait pas qui on est, on a du mal à s’épanouir. »

 

 

 

Encadré

Programme des soirées au Grand théâtre

1re semaine Début des soirées à 18h00 (à 15h00 le samedi)

Jeudi 2 juin

  • Séance 1 – 18h00 TUPUNA ‘UKULELE ; ‘ORI HEI
  • Séance 2 – 20h00 TAHITI CHOIR SCHOOL ; ETUAHI

Vendredi 3 juin

  • Séance 1 – 18h00 ARATA’I ; RAINEARII
  • Séance 2 – 20h00 TEMANUTIAITAU ; ÉCOLE DE DANSE MOEATA (Faa’a et Paea)

Samedi 4 juin

  • Séance 1 – 15h00 TAIMANARAU ; HURA I MOOREA ; HEIHERE
  • Séance 2 – 18h00 TAUARIKI ; MANAHAU ; VAHEANA ; ‘ORI MAITAI

2e semaine Début des soirées à 18h00 (à 16h00 le samedi)

Jeudi 9 juin

  • Séance 1 – 18h00 ANANI ‘UKULELE SCHOOL ; A ‘ORI MAI
  • Séance 2 – 20h00 TAHITI ORA ; HANIHEI

Vendredi 10 juin

  • Séance 1 – 18h00 UKUHERE ; HEIRAGI
  • Séance 2 – 20h00 TEIKOHAI ; RAIVAIHITI BORA BORA

Samedi 11 juin

  • Séance 1 – 16h00 MONO’IHERE ; ÉCOLE DE DANSE MOEATA (Taravao)
  • Séance 2 – 18h00 TE MANA O VAIAHU ; TAPAIRU TAHITI
  • Séance 3 – 20h00 MANAHERE ; NONAHERE

Programme des soirées à To’atā du jeudi 2 au samedi 4 juin

Jeudi 2 juin ARATOA – 19h00

Vendredi 3 juin

  • Séance 1 – 18h00 TAMARIKI ; POERANI
  • Séance 2 – 20h00 MANOHIVA

Samedi 4 juin

  • Séance 1 – 18h00 HEI ORI
  • Séance 2 – 20h00 HEI TAHITI

 

PRATIQUE

Taupiti Ana’e (Heiva des écoles)

  • Du jeudi 2 au samedi 4 juin et du jeudi 9 au samedi 11 juin
  • Grand théâtre et place To’at ā
  • 2 séances par soir (sauf le jeudi 2 juin à To’at ā) Tarifs à la séance au Grand théâtre
  • Zones A, B et C : 2 000 Fcfp ; Zones D, E et F : 1 500 Fcfp ; Tarif PMR : 500 Fcfp ; Tarif accompagnateur PMR (1 personne autoris ée par PMR) : 1 500 Fcfp ; Gratuit pour les enfants de moins de 2 ans, sur présentation d’un billet “bébé”. Tarifs à la séance à To’atā : • Tribune centrale : 2 000 Fcfp ; Tribunes lat érales : 1 500 Fcfp ; Tarif PMR : 500 Fcfp ; Tarif accompagnateur PMR (1 personne autoris ée par PMR) : 1 000 Fcfp ; Gratuit pour les enfants de moins de 2 ans, sur pr ésentation d’un billet “b é b é”. Ouverture de la billetterie depuis le vendredi 13 mai 2022 à 9h00 : • Billets en vente sur place au guichet unique de la Maison de la culture (en journ ée continue du lundi au jeudi de 8h00 à 17h00 et le vendredi de 8h00 à 16h00) • Sur place 1 heure avant le d ébut des soir ées • En ligne sur https://billetterie.maisondelaculture.pf

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