Hiro’a n°175 – Dossier…Un nouveau statut pour valoriser les artisans traditionnels

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Dossier

Service de l’Artisanat traditionnel ( A R T) – Pu Ohi pa r i ma΄i Mai son de la culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui

Un nouveau statut pour valoriser les artisans traditionnels

Avec un nouveau statut pour valoriser les artisans traditionnels et reconnaitre leur travail, ainsi que toute une série de mesures d’aides, le Service de l’artisanat veut donner à ce fleuron de la culture polynésienne un cadre ambitieux pour développer et dynamiser la profession.

 

Des couronnes tressées en mautini de Pueu, des tikis sculptés en pierre fleurie de Ua Pou aux Marquises, des chapeaux moulin en pae’ore des Australes, des penu en basalte de Maupiti ou encore des bijoux en nacre sculptés à Tahiti ou aux Tuamotu… Derrière chacun de ces objets, provenant de tous les archipels, se cachent des artisans, des artisanes, qui créent, sculptent, gravent de leurs mains avec patience et passion. Forts de leur savoir-faire unique, ils représentent une vraie richesse pour la culture et le patrimoine polynésiens. Si leurs créations sont mises en valeur dans les vitrines, sur les étals de nombreux salons, le Service de l’artisanat a souhaité mettre davantage en valeur leurs auteurs en leur façonnant un vrai statut d’artisan traditionnel polynésien. «  On parle beaucoup des objets de l’artisanat, mais finalement on parle peu des artisans. Ce nouveau statut est avant tout fait pour les reconnaitre et les valoriser », souligne Vaiana Giraud, cheffe du Service de l’artisanat traditionnel polynésien.

Deux qualités d’artisans distinguées

Effectif depuis avril suite à la parution au Journal officiel de la loi du 4 février 2022, ce nouveau statut définit ce qu’est un artisan traditionnel. « C’est une personne physique qui exerce des activités de production, création, transformation, reconstitution, réparation ou restauration à caractère culturel ou esthétique, propres à la Polynésie, en mettant en œuvre des techniques, motifs et dessins hérités du patrimoine culturel polynésien et de ses évolutions récentes. » Surtout, ce nouveau statut s’accompagne de la création de deux cartes d’agrément, distinguant les qualités de l’artisan, qui remplacent celle déjà existante et datant de 2009.

La première carte, artisan traditionnel de Polynésie française, Rima ’ī mā ’ohi, peut être demandée par les personnes qui exercent le métier d’artisan traditionnel, patentées depuis au moins un an et les présidents d’associations, de comités ou de fédérations qui souhaitent bénéficier de subventions. «  Nous avons mis en place une période dérogatoire valable jusqu’en février 2023. Les demandeurs n’ont pas besoin d’avoir un an d’ancienneté pendant cette année dérogatoire, ils peuvent obtenir leur carte dès l’ouverture de leur patente et après recensement au service », précise la cheffe de service. Pour obtenir sa carte, il suffit de la demander auprès du Service de l’artisanat traditionnel ou sur leur site. Si les conditions sont remplies, le demandeur obtient alors sa carte valable pour une durée de cinq ans.

La seconde, celle de maitre artisan traditionnel de Polynésie française, ‘Ihi rima ’ī mā ’ohi, est attribuée après avis de la commission consultative de l’artisanat traditionnel aux artisans traditionnels de Polynésie française qui exercent en tant que patentés depuis au moins cinq ans ou depuis au moins trois ans s’ils sont titulaires d’un diplôme de niveau IV. « Là, on est vraiment sur une expertise dans leur domaine », note Vaiana Giraud.

Si ces cartes reconnaissent les qualités des artisans polynésiens et professionnalisent le secteur, elles leur permettent aussi d’accéder à tout un dispositif d’aides (lire en page 20) mis en place par le Service de l’artisanat et accessible dès le mois de mai.

 

Encadré 1

Vaiana Giraud, cheffe du Service de l’artisanat 

«  Une reconnaissance du savoir-faire des artisans »

Pourquoi avoir mis en place ce nouveau statut ?

«  L’objectif prioritaire de ce nouveau statut est vraiment de valoriser les artisans, de les mettre en avant, c’est aussi un gage de qualité de leur travail. Ces cartes reconnaissent le savoir-faire tradition – nel de ces professionnels qui travaillent des objets fabriqués majoritairement avec des matières pre – mières et des accessoires produits localement. Ce nouveau statut doit également aider à structurer et professionnaliser le secteur. »

Sait-on combien la Polynésie compte d’artisans ?

« On est en train de remettre à jour notre base de données, on estime qu’il y a environ 1 500 artisans actifs, soit en patentes, soit en associations. Tous ne font pas de l’artisanat leur activité principale. Environ 50 % des artisans sont à Tahiti et Moorea. »

Comment se porte le secteur de l’artisanat ?

« Le secteur de l’artisanat a été l’un des plus touchés par la crise Covid. De nombreux salons n’ont pu avoir lieu pendant deux ans, les artisans se sont retrouvés sans lieu de vente. L’objectif de ces dispositifs est d’accompagner la reprise de l’activité en apportant un soutien financier et en mettant en avant les créateurs. »

Ce nouveau statut est accompagné de toutes une série d’aides…

«  Avec ces nouvelles cartes, les artisans sont répertoriés, ils peuvent ainsi faire appel à toute une série de dispositifs d’aides destinés autant aux personnes qui souhaitent s’orienter vers l’artisanat qu’aux artisans traditionnels et maitres artisans traditionnels déjà installés. Ces aides peuvent permettre des achats de matières premières, d’équipement, des prises en charge de stand pour des salons, des foires… Elles peuvent également aider à se former, car il faut bien savoir que l’artisan n’est pas que créateur d’un objet, il est aussi amené à le vendre, à faire sa comptabilité, parfois sa communication… Les formations pourront les aider à gérer tous ces aspects qui sont indispensables. Il existe aussi des aides pour le fret (…). Outre ces aides, on souhaite donner davantage de visibilité aux artisans. Ils seront répertoriés sur notre site internet, ainsi les gens pourront facilement passer des commandes et trouver le contact d’un sculpteur, d’un graveur, etc. »

Il existe aussi un volet réservé aux associations.

« Effectivement, elles jouent un rôle très important. Les associations artisanales participent à de nombreux événements et surtout, ce sont de vraies structures sociales, notamment en faveur des personnes fragiles, des artisans dont ce n’est pas l’activité principale, qui sont pourtant détenteurs d’un savoir important et qui peuvent le transmettre plus facilement dans ce cadre. »

 

Encadré 2

Un large dispositif d’aides

La mise en place du nouveau statut s’accompagne d’un vaste programme d’aides comprenant différents volets, destinés à soutenir et développer le secteur de l’artisanat.

Un dispositif « pré-installation »

Ce premier volet est destiné à une personne qui souhaite s’installer en tant qu’artisan traditionnel. Il lui permet de bénéficier d’une formation générale et d’une formation technique, de 50 000 à 150 000 Fcfp chacune. Elle peut aussi solliciter la prise en charge d’un kit de démarrage, entre 50  000 et un million de Fcfp, ainsi que la prise en charge de deux stands jusqu’à 40 000 Fcfp. Ce dispositif est organisé en deux phases, la première pour toute personne souhaitant se lancer dans le secteur, la seconde pour les nouveaux patentés qui ont bénéficié de la phase 1. Il peut se cumuler avec le DAAT (Développement d’Activités d’Artisanat Traditionnel).

Dispositif « en activité »

Ce second dispositif s’adresse aux artisans patentés qui pratiquent en activité principale et détenteurs de la carte. Ils peuvent bénéficier d’une formation générale, entre 50  000  et 100 000 Fcfp, d’une formation technique dans leur domaine, entre 50 000 et 150 000 Fcfp, d’une aide à l’équipement et à l’achat de matières premières, de 50 000 à 1,5 million de Fcfp, ainsi qu’un accès privilégié à différents salons. Ce dispositif peut se cumuler avec le DAAT à condition d’avoir moins de 3 ans d’activité.

Dispositif « expertise »

Ce troisième volet concerne les maitres artisans traditionnels de Polynésie française, détenteurs de la carte. Ils peuvent bénéficier de formations techniques, entre 50  000  et 200  000  Fcfp, d’aides à l’équipement et à l’achat de matières premières, de 50 000 à 2 millions de Fcfp et d’aides aux transports et frets aériens ou maritimes pour des salons en et hors Polynésie française à hauteur de 140 000 Fcfp maximum. Ce volet offre aussi la possibilité d’être inscrit dans un répertoire de formateurs agréés, de dispenser des formations rémunérées, et d’avoir un accès privilégié à certains salons et au 1 % artistique.

Dispositif « Programme annuel associatif »

Ce quatrième dispositif est destiné à soutenir les projets et les événements des associations d’artisanat, dont le président est titulaire de la carte d’artisan traditionnel de Polynésie française. L’aide peut porter sur l’organisation d’événements, de formations pour les membres de l’association, les déplacements pour des salons, etc., à hauteur de 40  % maximum du budget global. Pour les demandes supérieures à 1  million de Fcfp, l’avis de la commission consultative de l’artisanat traditionnel est requis.

Dispositif « Opérations ponctuelles »

Ce cinquième volet concerne des projets ponctuels portés par une association, une entreprise privée, qui valorise l’artisanat. Cela peut être un salon, un livre, un concours… Renouvelable chaque année, la subvention est de 1 500 000 Fcfp maximum, dans la limite de 40 % maximum du montant global et se conclut par le biais d’une convention.

Le DAAT : Développement d’Activités d’Artisanat Traditionnel

Enfin, le Service de l’artisanat a mis en place le DAAT : Développement d’Activités d’Artisanat Traditionnel. Ce dispositif est destiné à favoriser la création ou la reprise d’une structure d’artisanat traditionnel. Pendant un an, les bénéficiaires du volet 1 « pré-installation », qui ont ouvert une patente, ou les artisans traditionnels ayant moins de trois ans d’activité peuvent toucher 50 000 Fcfp par mois.

 

Encadré 3

Moeata Tahiri, artisane patentée et présidente du comité des TuamotuGambier

«  C’est une vraie reconnaissance de notre travail d’artisans »

«  Je suis artisane depuis 2014, c’est mon métier, je n’ai jamais travaillé en association, je suis patentée, je suis à mon propre compte. J’avais déjà l’ancienne carte, j’ai fait la demande pour avoir la nouvelle carte qui s’appelle artisan traditionnel, les démarches ne sont pas compliquées, je suis allée au Service de l’artisanat. Cette nouvelle carte est beaucoup mieux. C’est une vraie reconnaissance de notre travail d’artisans. C’est beaucoup mieux cadré, ciblé. Les gens ne peuvent plus s’improviser artisans comme cela, un jour, ils font de la bijouterie, un autre jour du tressage… On sait qui fait quoi, comment. Chaque artisan est répertorié dans sa discipline sur le site internet du Service de l’artisanat, cela donne une vraie visibilité aux artisans. Si les gens cherchent un artisan particulier, ils sauront où le trouver et ils sauront qu’il est sérieux. On a beaucoup souffert pendant le Covid, mais au moins il a permis de mettre de nouvelles bases à notre métier  ; il fallait faire ce travail en amont, cadrer la filière. Le fait d’être patenté nous coute de l’argent tous les mois, mais c’est normal aussi de cotiser et on profite d’avantages avec la carte, notamment pour les formations. »

 

Encadré 4

Ramona  Tevaearai, première vice-présidente du comité organisateur des expositions artisanales des îles Australes

«  Un gage de qualité »

«  Je suis membre d’une association depuis 2015. À l’heure actuelle, je n’ai pas de patente personnelle, je suis artisane au sein d’une association. J’ai assisté aux réunions du Service de l’artisanat, et ce nouveau statut me donne envie de prendre une patente, car il donne des avantages. C’est sûr qu’il faudra notamment payer le RNS de 7 500 Fcfp environ par mois, cela me permettra aussi de cotiser pour plus tard. Avec ce statut, je peux aussi profiter d’aides. À commencer par une aide pour me former. J’aimerais suivre une formation de comptabilité, cela me servirait vraiment beaucoup, c’est difficile de faire des bilans, des comptes. Avec ce nouveau statut, j’aurai aussi la possibilité de partager ce que je sais faire et de transmettre mon savoir-faire aux plus jeunes, pour que l’artisanat continue de vivre. Si je suis patentée, je pourrai exposer mes objets en tressage, seule sur mon propre stand, j’ai vu qu’il y avait quelques aides pour payer le stand dans des événements. Si j’arrive à bien confectionner, je peux bien tourner, me développer. J’aimerais bien participer à un salon réservé aux patentés, cela me permettrait de vendre pas mal de marchandises. Ce statut définit bien ce qu’est l’artisanat  ; c’est important, car des gens vendent des objets qui viennent d’Indonésie ou d’ailleurs ou de mauvaise qualité. Il faudrait plus de contrôle d’ailleurs. Ce statut est un gage de qualité de notre artisanat. Je suis d’ailleurs pour la création d’un label polynésien. »

 

PRATIQUE

  • Pour obtenir votre carte, rendez-vous sur le site internet www.artisanat.pf – Espace des artisans
  • Les équipes sont également à votre disposition sur place
  • Renseignements au 40 544 544 – [email protected]

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