Hiro’a n°173 – Dossier : 5e édition du Heiva Taure´a

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Dossier – Maison de la Culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui

Heiva Taure'a 2022 - Affiche web

5e édition du Heiva Taure´a

Rencontre avec Kahipualani Mahatia de la Maison de la culture et Areva Tiaore, référente culture du collège Anne-Marie Javouhey. Texte et photos : DB

Voici venue la 5e édition du Heiva Taure΄a. Un événement lancé en 2018 par trois établissements : les collèges de Taravao, de Tipaerui et Maco Tevane. Ce concours, certes contraignant et exigeant, s’inscrit désormais comme une véritable institution dans le calendrier culturel polynésien. Les élèves le réclament pour pouvoir s’exprimer à To΄atā devant un public fidélisé.

Le Heiva Taure΄a revient tous les ans depuis 2018. Trois établissements en sont à l’origine. Il s’agit des collèges de Taravao, de Tipaerui et Maco Tevane. Depuis 2016, des classes à horaires aménagés en musique et en danse, appel.es Cham/Chad, ont été mises en place dans ces établissements en partenariat avec le Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF). Ce concept, aux effets bénéfiques et avérés pour les élèves, a ensuite été étendu à d’autres filières. Les professeurs ont en effet observé une nette augmentation des taux de réussite au Diplôme national du brevet, et constatent une baisse du taux d’absentéisme des élèves ainsi qu’une implication plus importante des parents dans la vie scolaire de leurs enfants. Ce qui est très encourageant. Le corps enseignant a souhaité conforter ces résultats et aller plus loin pour valoriser l’implication des élèves en créant un concours de danse des collèges : le Heiva Taure΄a.

En amont, une démarche pédagogique interdisciplinaire

Au-delà du concours, il y a toute une démarche pédagogique portée par un ensemble d’enseignants et donc de disciplines. Le Heiva Taure΄a permet un travail interdisciplinaire fructueux. Sont engagées : les lettres modernes, Te reo ma΄ohi en tant que langue vivante, l’éducation musicale et l’éducation physique et sportive. Le rythme et les modes d’apprentissage des élèves rentrent en ligne de compte. La combinaison de la langue et de la culture notamment, a largement fait ses preuves dans l’apprentissage des langues vivantes. La préparation au concours, qui débute dès le d.ébut de l’année scolaire, encourage un travail continu en équipe et une motivation commune. Les élèves se partagent les tâches. Au collège Anne-Marie Javouhey par exemple, les choristes sont des élèves issus d’une classe Cham. La mélodie a été écrite par Mouri Vaahei, un élève musicien, et deux élèves percussionnistes, qui jouent régulièrement dans leur paroisse. Ils sont des éléments clés pour leur groupe de musiciens apprentis. Et, les danseuses les plus aguerries encadrent et soutiennent les novices.

Un engagement de chacun

Selon les organisateurs, « chacun s’engage et prend conscience de ses responsabilités ». Les élèves doivent également gérer un projet collectif et évaluer comment l’atteindre au mieux. Il y a une volonté de croiser les enseignements et d’enrichir les pratiques mais également d’impliquer le plus possible les parents dans la vie scolaire des enfants. « Ce qui a pour effet de transformer les césures en liaisons, y compris dans le rapport de la culture polynésienne avec la culture européenne en prenant en compte le vécu et les origines des élèves. Autant de points qui mettent en lien les savoirs et compétences du socle commun avec les savoirs et compétences de la culture et de l’identité polynésienne. » Dès la première édition, les acteurs de la culture ont été très agréablement surpris par la qualité des prestations, par la rigueur des groupes inscrits, par les thèmes présentés.

Un spectacle inédit

Comme pour le Heiva i Tahiti, les établissements doivent présenter un spectacle inédit, entièrement rédigé en langue vernaculaire. Areva Tiaore, professeure de reo tahiti et de français au collège Anne-Marie Javouhey raconte : « Les élèves en tahitien ont fait des recherches sur le thème, à savoir la terre Ti΄ai, celle du collège. Ils ont essayé de comprendre le sens du mot, sa philosophie. Puis ils sont passés à la rédaction en français et en tahitien. » Le Heiva Taure΄a est une aventure qui s’inscrit parfaitement dans les apprentissages au long cours des élèves.

Un cahier des charges réglemente le passage de chaque établissement. Le spectacle doit conserver une unité dans l’expression culturelle. Ouvert à tous les collèges de la Polynésie française volontaires, il impose aux élèves de concourir dans la catégorie Heiva Taure΄a à raison de deux types de danse sur percussions et chants. Les catégories individuelles sont, quant à elles, facultatives. Les effectifs des groupes peuvent varier entre 22 et 45 personnes (danseurs, musiciens, choristes) pour une prestation de 29 minutes au plus. L’orchestre ne doit pas dépasser 5 minutes de prestation.

Plusieurs catégories sont accessibles : la catégorie danse et/ou orchestre ainsi que les catégories individuelles ΄Ori Tāne et ΄Ori Vahine. Des prix sont attribués pour la meilleure interprétation artistique – Catégorie « Heiva Taure΄a », le meilleur dossier pédagogique, le meilleur orchestre – Catégorie « Rohi pehe », le meilleur ΄ōrero, le meilleur danseur, la meilleure danseuse. La meilleure interprétation artistique couplée au meilleur dossier pédagogique pose les lauréats. Cette année, sur les fiches de notation, un bonus sur l’inclusion scolaire a été ajouté (élèves en difficulté, PMR). Trois prix sont octroyés ainsi que deux prix spéciaux laissés à la libre appréciation du jury quant à leur attribution.

Un jury de professionnels

Le jury est composé de professionnels et d’enseignants. Il se compose de personnalités connues du monde de la culture et de deux professeurs d’EPS impliqués dans le Bac option ΄ori tahiti. L’ancien président du jury Teraurii Piritua, chef du groupe ΄Ori i Tahiti et directeur de l’école de danse A ΄ori Mai ainsi qu’Elvina Neti Pirou, présidente du Bac option ΄ori tahiti et professeure d’EPS au lycée hôtelier ont quitté l’aventure. Restent Moana΄ura Tehei΄ura, professeur d’anglais au LEP de Faa΄a, chorégraphe et metteur en scène indépendant, Guillaume Fanet, évaluateur au Bac option ΄ori tahiti et professeur d’EPS au lycée du Diadème, Heimoana Metua, chef du groupe Teva i Tai et directrice de l’école Hei ΄ori, Hiriata Brotherson, cheffe d’équipe du pôle scolarité au CAPF, Tonyo Toomaru, professeur de tahitien à l’université de Polynésie française, auteur et danseur au Heiva i Tahiti et Sandrine Tiare Trompette-Dezerville, conseillère généraliste dans la circonscription de Papeete-Pirae, chef du groupe Hei Tahiti et directrice du Centre de formation Hei Tahiti. Vaihere Pohue Cadousteau, professeure de tahitien et auteure a rejoint l’équipe. Elle prend la présidence du jury.

Cette année, onze établissements sont inscrits. Parmi eux, quatre viennent des îles : le collège de Taiohae (Nuku Hiva), U Poru de Taha΄a, le collège de Hao et celui de Ua Pou.

PRATIQUE

• Du 10 au 12 mars 2022

• à To΄atā , et en live Facebook sur les pages :

Heiva Taure’a

Maison de la Culture

TNTV

• Tarif unique : 200 Fcfp

• Billets en vente sur place et en ligne sur www.maisondelaculture.pf

• Un événement soumis au contrôle du pass vaccinal.

• Renseignements : 40 544 544

• Page Facebook : Heiva Taure’a – Heiva des coll.ges – Tahiti

• www.maisondelaculture.pf

HT1

Areva Tiaore, professeure de reo tahiti et de français au collège Anne-Marie Javouhey, référente culture de l’établissement : « Ce sont les élèves qui ont insisté »

« Ils m’ont presque suppliée pour que l’on s’inscrive cette année », assure Areva Tiaore. Les élèves du collège Anne-Marie Javouhey ont insisté pour que l’établissement soit inscrit à la 5e édition du Heiva Taure΄a. Areva Tiaore a d’abord eu une hésitation, sachant l’implication et le travail qu’une telle initiative signifiaient. « Il y a tant d’exigences, mais les élèves ont fini par me convaincre. » La professeure a tout de même été claire, avant d’accepter, sur l’engagement indispensable de tous. La troupe se compose d’une cinquantaine d’élèves. Le noyau principal est constitué d’élèves de 4eA (ils étaient déjà ensemble en 5e et se connaissent donc bien) auxquels se sont ajoutés des élèves de tous niveaux d’autres classes : 6e, 5e et 3e.  « Nous avons accepté tous ceux qui étaient motivés et qui avaient envie d’apprendre. C’était là notre principal critère. » Ce sont les élèves qui ont réalisé tout le travail : écriture, chorégraphie, composition, costume. « Le réglement interdit toute intervention des accompagnateurs, mais de toute façon, même quand nous avons essayé de mettre notre grain de sel, ils n’ont rien voulu savoir », rapporte Areva Tiaore.

Les discussions à propos du Heiva Taure΄a ont démarré en juin 2021, mais le travail a véritablement commencé en septembre. Depuis, les élèves se retrouvent tous les midis pour répéter. Areva Tiaore a travaillé, pour les accompagner, avec une collègue professeure de musique ainsi que deux intervenants spécialisés en percussion et en ΄ori tahiti. « Certains n’avaient jamais tenu un bâton, tapé un rythme ou même dansé ! Ils ont fait d’incroyables progrès », s’étonne Areva Tiaore. Ils sont assidus, même s’il faut parfois les remotiver. « Certains ont exprimé un certain fiu, mais ils finissent toujours par revenir. Le plus souvent, il faut plutôt les retenir, car ils passeraient tout leur temps en répétition. » Bien sûr, « il y a des hauts et des bas », il faut prendre les élèves « avec leurs qualités, leurs défauts, leur caractère », mais dans l’ensemble ils s’accrochent.

L’impact de cette aventure n’est pas encore visible en classe de reo tahiti ou de français, mais la concentration requise pour jouer de la musique notamment « a calmé les plus agités ». Areva Tiaore constate, par ailleurs et avec une agréable surprise, la cohésion qui a pris forme, « l’idée de pupu, de communauté, de groupe qui se perd et que je retrouve là». Les élèves, pour ceux qui ne se connaissaient pas, ont appris à se connaitre, ils se cherchent désormais, se motivent les uns les autres, « ils ont besoin de se voir ».

Tehu Flores Maina, 15 ans, 4e A : « Je suis très fière de voir les filles apprendre si vite »

Élève en 4e au colège Anne-Marie Javouhey, elle a été de celles qui ont réclamé une inscription au Heiva Taure΄a. Elle pratique le ΄ori tahiti au Conservatoire artistique de Polynésie française depuis six ans et a tenu à partager l’émotion de la scène avec ses camarades de classe. « Je voulais apprendre ma culture aux autres et leur montrer ce que ça faisait que d’être sur To΄atā. » Malgré le temps que lui prennent toutes les répétitions, elle s’accroche. « J’ai l’habitude depuis longtemps, et maintenant, je suis fière de pouvoir aider les autres et de voir les filles apprendre si vite autour de moi. »

Les onze inscrits et leurs thèmes

• Collège de Mahina, ΄ā hani : Te tere o Tau raua o Moe (Et si : le voyage de Tau et de Moe).

• Maco Tevane, Te fa΄ahemara΄a (La tentation).

• Henri Hiro, Te rāhui (La période d’abstinence).

• Taravao, O vau nei te tama no Taiarapu e tou hiro΄a mai te rau ra΄a e te ΄una΄una o te tīfaifai

(Le tīfaifai de Flora – Moi, jeune de Taiarapu et mon identité aussi colorée et riche qu’un tīfaifai).

• Anne-Marie Javouhey, Pari Pari fenua Ti΄ai ra΄i (L’histoire de la terre de Ti΄ai).

• Lycée/collège Pomare 4, Te piri o te ΄ōfa΄i ΄oti΄otihia i Tau΄upu (L’énigme du pétroglyphe sis à Tau΄upu).

• Te Tau vae ia, collège de Taiohae (Nuku Hiva), Te po΄ea ΄o Hakamo΄ui (La nourriture de l’amour).

• Collège de la Terre des hommes (Ua Pou), Te èo (ma langue, ma culture).

• U poru Taha΄a, Tautai taora (La pêche au caillou).

• Collège La Mennais, A ha΄amana΄o i tō fārēreira΄a (Aux bons souvenirs/Chantons nos souvenirs)

• Tamariki Mokorea (Hao), Te ariki tuohea… Ua fa΄ata΄a a a a΄e na ia tōna parau/e ariki tuohea… (Un destin scellé).

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