Hiro’a n°173 – Dix questions à – Brigitte Flamand, inspectrice générale de l’éducation

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Dix questions à – Brigitte Flamand, inspectrice générale de l’éducation ,

du sport et de la recherche

p6-7 dix questions brigitte Flamand

«On peut réinterroger

des pratiques ancestrales »

Propos recueillis par Alexandra Sigaudo Fourny – Photos : ASF

Brigitte Flamand, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche a été invitée par le Centre des métiers d’art à venir évaluer la possibilité d’ouvrir en Polynésie une licence des métiers d’art et du design, le DN MADE. Un diplôme national qui reconnaitrait l’excellence des savoir-faire polynésiens.

Pouvez-vous nous expliquer vos fonctions au sein de l’Éducation nationale ?

« Depuis dix ans, je suis inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche et j’ai plus particulièrement en responsabilité le design, les métiers d’art et la mode. Il faut savoir que chaque inspecteur général a un domaine disciplinaire en charge et a pour vocation d’être conseiller expert pour le ministre. »

Vous êtes la créatrice du DN MADE, le diplôme que le Centre des métiers d’art souhaiterait proposer…

« Quand j’ai pris mon poste d’inspectrice générale, j’avais en tête une idée qui ne m’a pas lâchée jusqu’à ce qui j’y arrive :celle de transformer toutes nos formations en deux ans en une licence, afin d’avoir un diplôme de trois ans inscrit dans l’espace européen avec une reconnaissance internationale. Il s’agit d’avoir aussi un diplôme avec une vraie valeur dans l’enseignement supérieur. »

Que représente l’offre DN MADE en Métropole ?

« En France, il existe une offre en création appliquée, à la fois le design et les métiers d’art, qui rassemble près de 42 000 étudiants. Le DN Made représente 37 % de l’offre de formations. Avec ce diplôme, on a pris une place complètement inattendue avec 14 500 étudiants. Nous avons réussi à la fois à augmenter les effectifs et la qualité de l’offre de formation. Le DN MADE a été créé en 2018 et, en 2021, nous avons eu les premiers diplômés. »

Inexistante dans le Pacifique, l’offre DN MADE pourrait-elle voir le jour à Tahiti ?

« Oui, et le Centre des métiers d’art est une entrée à privilégier. Il faut savoir qu’en Métropole, on forme un jeune en métiers d’art contre une centaine en design. La rareté fait l’exception et l’attention. La Polynésie française est un territoire riche en matière de savoir-faire, il faut le valoriser. »

Comment intégrer nos spécificités culturelles à ce diplôme ?

« La culture est un point de départ extrêmement riche pour le diplôme. Tout l’intérêt du DN MADE est de permettre aux étudiants qui ont appris les techniques et les savoir-faire traditionnels, de développer des compétences créatives et de créer de l’innovation par la recherche. Ce diplôme n’a pas pour vocation d’être dans la répétition, mais plutôt d’interroger nos traditions dans le contexte actuel sur des problématiques contemporaines. En Polynésie française, c’est extrêmement intéressant de voir comment on peut réinterroger des pratiques ancestrales sans pour autant les malmener. En visitant la dernière exposition du Centre des métiers d’art, j’ai pu découvrir un battoir à tapa revisité en acier. L’objet utile devient là un objet d’exception. »

Quelle est la finalité de ce diplôme ?

« C’est de permettre à des jeunes créateurs d’imaginer des objets qui entrent ou entreront dans nos usages et dans notre patrimoine matériel. »

Vous parliez de la richesse de la culture polynésienne, ne pensez-vous pas que les créateurs polynésiens devraient avoir plus de visibilité au niveau national et international ?

« C’est un sujet qui n’a pas encore été vraiment abordé avec le Centre des métiers d’art lors de nos rencontres, mais il y a peut-être quelque chose qui pourrait se profiler en juin avec une éventuelle participation à la 3e édition de la Biennale Révélations, qui est le salon incontournable des métiers d’art et création. Dans l’idée d’un diplôme futur, ce serait bienvenu de mettre la Polynésie française à l’honneur à travers le Centre des métiers d’art. »

Est-ce qu’on peut imaginer l’ouverture d’un DN MADE à la rentrée prochaine ?

«  Je ne peux pas vous répondre, car il y a encore beaucoup de conditions qui ne sont pas remplies. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il pourrait y avoir deux parcours DN MADE, un au lycée Samuel Raapoto et l’autre au Centre des métiers d’art. Dans tous les cas, il reste plusieurs étapes à mener à bien, avant de pouvoir ouvrir ce diplôme. Mon rôle est d’accompagner, mais la décision reviendra au vice-recteur et au ministère de tutelle du CMA. »

Quel point, par exemple, doit être développé ?

« Il y a notamment le lien avec l’université, la dimension recherche. L’atelier doit être nourri par des sciences humaines, des connaissances scientifiques, de l’anthropologie… »

Quelle serait la plus-value pour les étudiants polynésiens ?

« Un niveau de compétences reconnu au niveau national. L’excellence est la même qu’en Métropole. »

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