Hiro’a n°172 – L’oeuvre du mois : La carte aux étoiles, l’hommage à Jean-Claude Teriierooiterai

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L’œuvre du mois

La carte aux étoiles, l’hommage à Jean-Claude Teriierooiterai

Rencontre avec Titouan Lamazou, artiste voyageur. Texte : DB – Photo : Titouan Lamazou

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Titouan Lamazou a réalisé un tableau grand format (130 x 160 cm) du ciel polynésien. Pour le composer, il a sollicité l’aide du linguiste Jean-Claude Teriierooiterai. La pièce, depuis la disparition du linguiste, se présente comme un hommage.

Artiste voyageur, Titouan Lamazou expose actuellement au Musée de Tahiti et des îles. L’événement a été baptisé « Escales en Polynésie ». Près de 230 œuvres y sont présentées, des peintures et esquisses qui témoignent des rencontres et déplacements de l’artiste dans les cinq archipels de Polynésie française. Paysages, faune et flore, portraits sont autant de thèmes illustrés dans cette exposition que la directrice du Musée, Miriama Bono, décrit comme « riche » et « foisonnante ».

La science et les arts

Parmi les œuvres se trouve La carte aux étoiles, une représentation poétique et artistique, « occidentale », souligne Titouan Lamazou, des astres, chemins et constellations : Rua-Poto, Rahiti, Pou-Muri, Pou-Fa΄arava΄ira΄a, Pou-Mua… Les « Rua » sont les chemins d’étoiles permettant de se mouvoir en latitude et les « Pou » symbolisent les méridiens. « C’est la carte du ciel en langue tahitienne témoignant du très ancien et immense savoir astronomique des Océaniens, poursuit-il. Un savoir transmis, dans une civilisation d’oralité, non pas sur des cartes, mais par des chants et des danses mnémotechniques. »

Le tableau dit le savoir des anciens mais aussi celui des contemporains puisqu’il a vu le jour grâce à la collaboration entre Titouan Lamazou et le linguiste Jean-Claude Teriierooiterai dont la thèse de doctorat (2013) s’intitule : Mythes, astronomie, découpage du temps et navigation traditionnelle : l’héritage océanien contenu dans les mots de la langue tahitienne. Sur un fond bleu nuit, ondule la voie lactée. Elle traverse le tableau comme une vague, « un nuage de lait ». L’ensemble est parsemé de points lumineux représentant les astres. Ils ne sont pas disposés au hasard. Titouan lamazou s’est inspiré de la thèse de Jean-Claude Teriierooiterai, mais aussi de leurs échanges et discussions.

Un hommage au savoir du grand homme

L’artiste insiste sur le savoir du linguiste qui, dans son ouvrage L’Errance et le Divers (paru en 2018 chez Gallimard), avait consacré une dizaine de pages illustrées de portraits et de dessins aux techniques de navigation ancestrale. Le tableau a d’ailleurs été choisi pour faire la couverture du livre. Jean-Claude Teriierooiterai y racontait son parcours, depuis sa naissance en 1952. « Du côté de ma mère, on est indigène de Papenoo, aussi loin qu’on puisse remonter dans notre généalogie », écrivait-il en introduction. Il poursuivait avec l’installation de Bjarne Kropelien dans la vallée, un riche négociant en vins, du tahitien qu’il parlait au quotidien, du français qu’il a dû apprendre à l’école mais aussi des légendes tahitiennes dont il a été imprégné très tôt. Après Papenoo, Jean-Claude Teriierooiterai est allé à la ville, « pour moi, c’était l’étranger. C’était Paris ! C’était pas mon milieu ». Et puis, il y a eu la Nouvelle-Calédonie et la prise de conscience de l’unité océanienne. Son attrait pour la linguistique océanienne. Il n’avait pas vingt ans. Il n’a eu de cesse ensuite d’apprendre, comprendre et transmettre, et n’a donc pas hésité à partager son savoir avec Titouan Lamazou. Jean-Claude Teriierooiterai nous a quittés en octobre 2020. La carte aux étoiles est un hommage à son savoir et au grand homme qu’il fut.

PRATIQUE

• L’exposition durera jusqu’au 4 juin au Musée de Tahiti et des îles – Te Fare Manaha.

• Horaires d’ouverture : de 9h00 à 17h00. Visites guidées

• Calendrier des visites guidées de l’exposition : 19 février, 27 mars, 24 avril, 15 et 22 mai. Elles seront suivies de 11h30 à 13h par des séances de dédicaces des livres et signature des lithographies. Maximum : 25 personnes.

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Bientôt un nouvel outil de travail

Ce tableau a déjà été exposé au Quai Branly fin 2018, début 2019. Titouan Lamazou avait alors eu carte blanche pour s’exprimer et avait choisi d’offrir aux visiteurs parisiens une escale virtuelle aux Caraïbes et aux Marquises à bord de son bateau-atelier. L’artiste pose alors son regard sur la maquette de ce bateau, placée à la fin de l’exposition « Escales en Polynésie ». « Nous avons trouvé le chantier naval, la construction devrait démarrer sous peu. » Le bateau-atelier est une embarcation, un outil de travail le plus vertueux possible qui accueillera à son bord : artistes, chercheurs mais aussi élèves lors d’escales. L’artiste voyageur aime à travailler avec les chercheurs. Ceux-ci l’aident à se libérer de ses poncifs et répondent à sa curiosité naturelle. Cette démarche n’est pas nouvelle. Elle date. Titouan Lamazou a décidé de devenir artiste dès l’âge de onze ans. Il est connu comme navigateur, sa carrière sur les mers a été médiatisée, mais elle reste très courte. C’est le dessin et la peinture qui durent. Si son inspiration est « vagabonde », « liée au voyage », il a rapidement mis en place un travail coopératif avec des écrivains, philosophes,  anthropologues, biologistes…

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