Hiro’a n°169 – Trésors de Polynésie : Le Maro ´ura dévoile ses secrets au Quai Branly

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Trésors de Polynésie – Musée de Tahiti et des îles (MTI) – Fare Manaha

Le Maro ´ura dévoile ses secrets au Quai Branly

Rencontre avec Miriama Bono, directrice du Musée de Tahiti et des îles. Texte : Pauline Stasi – Photos : Miriama Bono

L’exposition  « Maro ΄ura, un trésor polynésien » a ouvert ses portes le 19 octobre dernier au Musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris. Fruit d’une collaboration étroite entre le Musée de Tahiti et des îles, le musée parisien et le chercheur Guillaume Alévêque, cette exposition retrace l’histoire passionnante de l’un des objets les plus fascinants de la culture polynésienne, un maro ΄ura. Avant sa mise en dépôt au Musée de Tahiti et des îles, le visiteur parisien peut découvrir jusqu’au 9 janvier un fragment de cette ceinture, longtemps disparue et identifiée seulement depuis 2016.

Tous les regards se portent sur lui ! Bien protégé, un fragment de maro ΄ura se dévoile pour la première fois au public lors d’une exposition intitulée « Maro ΄ura, un trésor polynésien » qui se tient au Quai Branly jusqu’au 9 janvier 2022. Il faut dire que sa redécouverte, tout à fait exceptionnelle, ainsi que sa place dans la culture polynésienne méritaient amplement une exposition pour le public parisien avant de quitter la capitale française. « Nous avons signé une convention avec le Quai Branly pour un dépôt de ce maro ΄ura au Musée de Tahiti et des îles. La durée de cette convention est de cinq ans, mais le maro ΄ura est destiné à rester en Polynésie française », explique Miriama Bono, directrice du Musée de Tahiti et des îles, visiblement ravie que ce trésor illumine bientôt l’établissement culturel polynésien après sa rénovation. Mais avant d’être admiré en Polynésie française, c’est donc au Quai Branly que le maro ΄ura dévoile ses mystères depuis le 19 octobre dans le cadre de cette très belle exposition organisée conjointement par le Musée de Tahiti et des îles, le Musée du quai Branly et le chercheur Guillaume Alévêque. « C’est un commissariat à trois têtes, Stéphanie Leclerc-Caffarel du Quai Branly, Guillaume Alévêque et le Musée de Tahiti. Ce n’est pas courant. Bien sûr, la distance et la crise sanitaire n’ont pas forcément simplifié le travail, mais cela s’est très bien déroulé. Il y a eu une vraie synergie, une belle collaboration entre nos équipes, notamment avec Marine Vallée, et celles de Paris. On a senti un intérêt, une vraie considération pour la culture polynésienne lors de l’organisation de l’exposition », note la directrice du Musée de Tahiti et des îles.

Une vraie enquête

Tout d’abord, l’exposition raconte la façon dont ce maro ΄ura a été redécouvert par hasard par le chercheur Guillaume Alévêque. Elle relate également la valeur hautement symbolique de cet objet dans la culture polynésienne. C’est en s’intéressant à la collection polynésienne du musée du quai Branly que le chercheur, spécialiste de la Polynésie, tombe sur ce fragment de maro ΄ura. Toute trace d’un maro ΄ura avait disparu depuis la conversion au christianisme de la Polynésie au début du XIXe siècle. Dans une enveloppe de to’o, le chercheur découvre un objet de tapa de 35 cm par 18 cm sur lequel sont cousus 2 500 calami de plumes. Il remarque également des morceaux de drap de laine rouge. Il débute alors son « enquête ». Il fait analyser les morceaux… Les résultats montrent que ce ne sont certainement pas des morceaux de tissus lambda. Teints à la garance, typique des fanions anglais du XVIIIe siècle, ils proviendraient probablement du fanion que l’Anglais Samuel Wallis avait utilisé pour prendre possession de Tahiti en 1767. Avec la réapparition de ce maro ΄ura, c’est donc tout un pan de l’histoire de la Polynésie qui rejaillit d’un coup. « Les Polynésiens avaient pris ce long fanion rouge. Le rouge est une couleur sacrée. Décrit par James Cook et William Bligh, ce fragment de maro ΄ura est très certainement issu du maro ΄ura que Pomare II a cédé aux missionnaires protestants », explique la directrice du musée. Orné de plumes jaunes et rouges et long de quatre mètres, le maro ΄ura était une ceinture extrêmement prestigieuse des grandes chefferies des îles de la Société. Il n’était porté que lors de l’investiture d’un ari΄i rahi, puis il était rangé précieusement.

Le rouge était une couleur sacrée

Si l’exposition se penche sur l’histoire du maro ΄ura, elle ne s’arrête pas seulement au passé de cet objet exceptionnel et cherche à faire le lien avec le présent. « On a souhaité replacer le maro ΄ura dans un contexte actuel afin de montrer que même s’il avait disparu, il faisait toujours partie de l’imaginaire collectif des Polynésiens. C’est une pièce emblématique sacrée. Entre son côté sacré polynésien et le fanion anglais, ce maro ΄ura symbolise parfaitement le passage d’un monde à l’autre (…). Cet objet marque d’ailleurs l’entrée des salles suivantes de notre future exposition permanente », souligne Miriama Bono. Les commissaires ont souhaité mettre en avant la thématique du sacré notamment à travers la couleur rouge et certains ornements comme des plumes. « Nous exposons aussi des belles pièces de Hawaii pour faire le parallèle avec l’utilisation de la couleur rouge et des plumes dans l’ensemble polynésien. Toujours dans cette thématique du sacré, nous exposons d’autres to’o associés au fragment. Le musée de Lille a également prêté des to’o, ils permettent de montrer la diversité des to’o polynésiens. Enfin, l’exposition ouvre sur d’autres objets de la culture polynésienne comme un costume rouge de la troupe Hei Tahiti ou encore des tīfaifai avec toujours comme fil conducteur, le rouge, couleur sacrée », conclut Miriama Bono.

PRATIQUE

• L’exposition « Maro ΄ura, un trésor polynésien » du 19 octobre 2021 au 9 janvier 2022 au musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris.

• Les mardi, mercredi, vendredi, samedi, dimanche de 10h30 à19 heures. Le jeudi de 10h30 à 22 heures.

Légendes

Première présentation au public pour le Maro ‘ura.

D’autres objets polynésiens sont exposés.

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