Hiro’a n°169 – 10 questions à : Anatauarii Leal-Tamarii, archéologue, Direction de la culture et du patrimoine et Vincent Marolleau, doctorant en archéologie à l’université de la Polynésie française

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Dix questions à – Anatauarii Leal-Tamarii, archéologue, Direction de la culture et du patrimoine et Vincent Marolleau, doctorant en archéologie à l’université de la Polynésie française

« Nous avons mis au jour une nouvelle structure funéraire »

Propos recueillis par Alexandra Sigaudo-Fourny – Photos : DCP

Interrompu en 2020, en raison de la situation sanitaire, le programme derecherche archéologique mené sur le site du tahua marae Taputapuātea a repris pendant trois semaines en octobre dernier. Si l’objectif est toujours de mieux définir la chronologie du site, cette nouvelle campagne de fouilles a permis la mise au jour d’une structure funéraire jusque-là inconnue. Preuve que Taputapuātea a encore bien des secrets à nous livrer.

Une nouvelle campagne de fouilles s’est déroulée en octobre dernier sur le site du tahua marae Taputapuātea. Pouvez-vous nous rappeler l’origine de ce programme ?

C’est un programme scientifique mené par la Direction de la culture et du patrimoine en partenariat avec le CIRAP* et la MSHP*. Il résulte des nombreuses recommandations formulées par l’Unesco lors du classement du site. Le programme a démarré en 2019, sous la direction scientifique de Louis Lagarde, maître de conférences à l’université de la Nouvelle-Calédonie et membre du CIRAP. La première campagne, en septembre-octobre 2019, s’était concentrée sur les marae Opu Teina et Turi afin de les dater. Les premiers résultats ont été très encourageants. En 2021, nous avons poursuivi sur cette perspective, mais sur d’autres secteurs du site.

C’est une reprise après une interruption d’un an ?

En 2020, la pandémie nous a empêchés de faire de nouvelles fouilles, mais la DCP a pu tout de même lancer une opération de prospection par géo-radar. C’est un moyen de prospection géophysique non destructif qui consiste à émettre, via une antenne, une onde électromagnétique brève et de haute fréquence, qui se propage en profondeur et se réfléchit partiellement sur les interfaces rencontrées. Cela permet de sonder le sous-sol et de repérer des anomalies.

Est-ce que cette nouvelle campagne s’est appuyée sur les résultats du géo-radar ?

Le géo-radar a identifié plusieurs anomalies dans différents secteurs du site. Cette campagne 2021 a donc eu pour objectif de vérifier la nature des anomalies enregistrées. Celles-ci peuvent être d’ordre géologique, hydrologique ou archéologique, c’est-à-dire liée à l’activité humaine. C’est en cela que nous devions, dans un second temps, faire des fouilles, afin de vérifier la nature des anomalies.

Combien d’anomalies avez-vous vérifiées ?

Pendant cette campagne de fouilles, nous avons choisi de vérifier trois anomalies, toutes invisibles en surface. Auparavant, rien ne pouvait laissait penser qu’il y avait des structures à ces endroits précis. Nous n’avons pas sélectionné des anomalies liées à des structures apparentes.

Comment avez-vous procédé ?

On a une méthodologie et une problématique qui guident les fouilles. Bien que sur le terrain les fouilles aient été dirigées par Vincent Marolleau et moi-même, Louis Lagarde demeure le responsable scientifique des fouilles. Nous communiquions tous les jours avec lui en visioconférence car il n’a pas pu nous rejoindre en raison de la fermeture du ciel calédonien. Nous avions également des travailleurs du district qui sont embauchés le temps de la fouille. Au maximum, nous étions dix personnes avec la participation de bénévoles lors des fouilles sur le site pendant trois semaines.

Qu’avez-vous découvert ?

Une des anomalies correspond à une découverte majeure. Il s’agit d’un aménagement funéraire. Sous une épaisse couche de sédiment, des blocs de pierre et de corail couvrant partiellement des ossements humains sont apparus.

Comment avez-vous procédé sur cette structure ?

On l’a mise au jour à 50 cm de profondeur. Dans un premier temps, on a ouvert la fouille sur 2 m2, puis nous l’avons ouverte sur 6 m2 en raison de la présence d’indices. Mais cela reste insuffisant car elle est en réalité plus vaste. La mise à jour de cette structure funéraire, nous a obligés à interrompre l’opération, car la fouille de ce type de structure nécessite un renforcement de l’équipe et la présence sur site d’un spécialiste en anthropologie physique. Après avoir prélevé du corail, du charbon et de l’os pour analyses, nous avons refermé le sondage en espérant revenir l’année prochaine et poursuivre nos recherches au même endroit.

Quid des deux autres anomalies ?

Les deux autres anomalies ont fait l’objet de fouilles également. La première s’est avérée négative car il s’agissait d’une anomalie géologique. La seconde est encore en cours d’étude, mais elle semble aussi géologique. Nous avons ajouté la fouille d’une autre structure très ruinée, qui n’avait pas fait l’objet d’une restauration et qu’on connait peu. Elle est connue sous le nom de Tahua Hititai, une plateforme vraisemblablement associée au marae Hititai, mais pour l’heure nous ne sommes sûrs de rien. Elle est quasiment invisible en surface aujourd’hui et le géo-radar n’était pas intervenu dans cette zone.

Reste-t-il des anomalies à vérifier ?

Le géo-radar a sondé tout le site. Il faudra à terme que toutes les anomalies soient vérifiées. Il y en a au moins une dizaine d’autres.

Est-ce qu’une nouvelle campagne est prévue en 2022 ?

Après chaque fouille, il y a environ un an d’étude en laboratoire, notamment pour la datation. Cela nous laisse un an pour préparer la prochaine campagne.

*Centre International de Recherche Archéologique sur la Polynésie, et Maison des Sciences de l’Homme du Pacifique

Légendes

Cette campagne a mis au jour un aménagement funéraire.

Ce programme scientifique de fouilles est mené par la Direction de la culture et du patrimoine en partenariat avec le CIRAP et la MSHP.

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